jeudi, 18 avril 2024 23:20

Coronavirus : Sentiment d’insécurité ou insécurité : Entre cambriolages, agressions, les rues désertes, les citoyens vivent « pire qu’avant » l’état d’urgence

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Les craintes de certains gendarmes et policiers quant à la libération massive de délinquants par grâce présidentielle ne concourt pas à asseoir une sécurité des biens et des personnes en ces temps de pandémie. Les autorités de crainte de voir les prisonniers atteints par le Coronavirus, avaient octroyé une grâce à 2036 d’entre eux. Malgré leur opposition à cette grâce massive, des officiers de police judiciaire avaient préconisé un tri de ceux-là qui pourraient bénéficier d’une liberté avec un risque minime de récidiver. Aujourd’hui, les faits semblent leur donner raison avec des cambriolages, agressions et autres délits. Le dernier en date est le cambriolage de la pharmacie du Stade à Ziguinchor pourtant, bien quadrillée.

La peur des premiers jours du couvre-feu suite aux séances de « bastonnade publique » est apparemment passée. Entre le 23 mars date d’instauration de l’état d’urgence au Sénégal au 10 avril, les commissariats de police et brigades de gendarmerie n’ont eu à traiter que quelques cas mineurs relatifs au non respect du couvre-feu et des mesures d’interdiction. Hormis, la soirée de certains qui s’était terminée par la mort de l’une d’elle, pandores et flics se croisaient les doigts.

Mais, depuis les trois dernières semaines, il est noté un retour de la délinquance et même du banditisme. Hormis,la désobéissance de certains jeunes de la Medina, les rues désertes, transports en commun peu fréquentés en cette période d’état d’urgence , de nombreuses personnes témoignent sur certains délits commis dans l’espace public, où elles ont désormais « autant peur le jour que la nuit ». Entre 18 h et 19 h, Fatoumata Touré habitant Keur Massar s’est fait suivre « par une bande de jeunes », du Rond-point à la Cité « Pénitence » avant de se faire molester et quasiment violée n’eut été les cris de personnes situées sur une terrasse. « Ils m’ont rattrapé, m’ont pris mon sac et se sont jetés sur moi car ils étaient 4 ou 5, avant de fuir, ils m’ont insultée, menacée ».

Même scénario pour cette pharmacienne qui faute de taxis, a dû marcher de son lieu de travail à la Sicap à son domicile sis à la Scat Urbam. Âgée de 36 ans elle confie, « Il faisait à peine 20 heures 15 et j’ai eu vraiment peur car, c’est la première fois que j’étais confrontée à cette situation » . Et, « Je ne pouvais me réfugier nulle part, tous les portails de maison et les magasins étaient fermés et je ne pouvais demander de l’aide à personne et les deux jeunes en scooter m’ont traîné sur une distance avant de se rendre compte que mon sac était tombé. J’ai été sauvé par le gardien du parking de véhicules qui a sifflé très fort ». Depuis, pour rentrer du travail, soit j’emprunte les grandes rues où je je finis tôt mon service.

« C’est pire qu’avant » : dans les rues désertées, les femmes et les personnes âgées sont les proies des agresseurs. Depuis le début du couvre-feu, je n’ai vu que deux fois des patrouilles, selon Ibrahima Coulibaly, habitant Hann Maristes « Les Dunes »

Les récents cambriolages à Linguere, Touba, Ziguinchor, prouvent que la délinquance est en train de renaître et risque de profiter de l’engagement et de la fatigue des troupes pour se frayer un nouveau chemin. Si, à ce jour aucun neutre n’est à déplorer, c’est simplement parce que les victimes ne résistent pas du fait des rues désertes. C’est d’ailleurs ce qui explique une certaine recrudescence dans certains quartiers.

Cette partie du quartier résidentiel des Maristes notamment celle située entre l’autoroute à péage est connue pour être un véritable coupe gorge, un repaire de malfaiteurs. Malgré les plaintes des populations, il est rare de voir une opération de sécurisation sur les lieux. Mais, avec le couvre-feu, c’est devenu plus dangereux.

« Des mecs m’ont sauté dessus alors que je garais ma voiture à quelques trente mètres de chez moi. Avant de réagir, ils m’ont pris mon sac contenant mon ordinateur et divers documents. Il ne faisait même pas 20 heures », témoigne Ibrahima Coulibaly, Agent immobilier.

Mais, tient-il à nous révéler, « La journée devient la nuit ici, il n’y a plus de différence » car, les patrouilles sont quasiment inexistantes la nuit, le jour n’en parlons même pas ». M. Coulibaly nous raconte une scène qui s’est déroulée le troisième jour de l’état d’urgence, « Il existe une clinique à proximité de la maison et la femme de ménage d’une voisine voulait s’y rendre pour vérifier sa tension artérielle et renouveler son ordonnance. Il était 13 heures à ce qu’il parait et marchant tranquillement, un ouvrier qui travaillait à côté a voulu entretenir une discussion avec cette dernière . Son refus irrita le jeune homme qui littéralement s’est jeté sur elle et , a réussi à lui ôter ses sous-vêtements avant que les autres ouvriers ne le maîtrisent pour le mettre à la disposition de la gendarmerie ».

« C’est clairement pire qu’avant », admet ce gendarme qui requiert l’anonymat. Pour lui, la raison coule de source,  « Il y a moins de personnes à agresser, moins de témoins, et les groupes d’hommes qui restent dehors sont ceux qui ne respectent absolument pas l’état d’urgence encore moins le couvre-feu ».

Pour l’homme rencontré au cours d’une opération vers la Cité Djily Mbaye à Yoff, « Vous voyez , tous nos effectifs sont engagés dans l’exécution de l’état d’urgence et en même temps dans nos missions quotidiennes même s’il faut admettre que ces missions sont reléguées au second plan. Quelque soit notre volonté, nous ne pouvons fonctionner vingt-quatre heures sur vingt-quatre et ça, les délinquants le savent plus que nous ».

Et poursuit il, « À mon avis le Président ne devait même pas proroger le couvre-feu dans la mesure où l’objectif premier était atteint, c’est-à-dire instaurer une discipline pour éviter une propagation. Mais, le fait de nous maintenir sur le terrain nous expose et de jour en jour, affaiblit l’impact de la force publique (Koula mine yappela) ».

 »Les gens sont enfermés chez eux, donc normalement les sorties à l’extérieur, pour voir le soleil, ou prendre des bouffées d’air n’existent plus, à la limite sortir travailler ou chercher de quoi ramener à la maison. Or, ces sorties se transforment en des moments d’angoisse surtout pour les femmes qui se reconfinent rapidement par peur », constate Alioune Ba, Sociologue qui a vu pulluler les témoignages sur les réseaux sociaux.  « La journée devient la nuit, il n’y a plus de différence pour les agresseurs ».

Pour le Gérant du Cabinet SICO, Spécialiste des questions de sécurité et de défense , « Ma seule crainte demeure le déconfinement  car, les esprits auront emmagasiné trop de frustration, de rancoeur et les forces de l’ordre trop exténuées »

Pour Moustapha Sané , la période de confinement offre  « un précipité de ce qu’on connaît d’habitude » en matière de domination des hommes dans l’espace public.  « Quand la police vide l’espace public, des principes mécaniques reviennent : les propriétaires (bandits, marginaux) de ces espaces (re) expérimentent leur droit à la propriété », ajoute l’actuel Gérant du célèbre cabinet de Consultance et d’enquêtes privées évoquant une  »impunité/immunité » face au coronavirus chez des hommes pour lesquels  « il est plus facile de jouer au chat et à la souris » dans ces espaces désertés et « oubliés » par les forces de l’ordre.

Poursuivant, M. Sané déclare, « Quant au harcèlement sur les femmes, il est illusoire que les autorités ne l’aient pas pris en compte en ces temps de quasi confinement », et dit craindre  une vague de violences sexuelles au « déconfinement », pointant du doigt le sentiment d’impunité des agresseurs conjugué au phénomène de décompensation ».

Afin « d’éclairer l’action publique » pour l’après, le Gérant du Cabinet SICO propose la création d’un groupe de réflexion composé d’experts. Avocats, psychiatres, Femmes leaders, artistes, publicitaire, Sociologues, Policiers, Gendarmes feront notamment partie de la vingtaine de personnalités qui devra préparer un rapport sur les mesures à prendre pour établir les minima sécuritaires et sociaux d’après « confinement » et protéger les couches vulnérables après le 2 juin.

Cheikh Saadbou Diarra (Atlanticactu.com)

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