vendredi, 19 avril 2024 10:25

Trafic international de drogue : L’Afrique de l’Ouest sous la coupe de la cocaïne latina et du haschisch marocain

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@Atlanticactu.com – Les pays de l’Afrique de l’Ouest subissent de plein fouet le surplus de la production de cocaïne en Amérique du Sud et du haschisch au Maroc. Si l’Europe a mis des verrous en luttant contre la corruption dans unîtes de lutte contre le trafic de stupéfiants, l’Afrique particulièrement francophone est toujours la proie des Narcos grands adeptes des pratiques corruptrices. Ainsi, de Dakar à Abidjan en passant par Praia, Bissau ou Nouakchott, les saisies régulières d’énormes quantités de drogue atteignent un seuil inquiétant. Le dernier rapport de l’ONUDC montre à quel point les trafiquants sont devenus « maîtres » de l’Afrique de l’Ouest.

Si ce n’est la Marine Nationale sénégalaise qui arraisonne un navire transportant de la cocaïne ou du haschisch en quantité, c’est celle française présente dans le Golfe de Guinée qui s’illustre, sans oublier les saisies terrestres faites sur l’étendue de l’espace Cedeao. Face à la porosité des frontières et la corruption, les Narcos sud-américains comme marocains ont jeté leur dévolu sur les capitales ouest Africaines. Des capitales où l’argent sale est le seul maître avec d’énormes possibilités d’ouverture sur l’Europe qui s’est barricadée avec la Covid-19.

Les saisies de cocaïne et de haschisch se chiffrent à plus de deux cents milliards de francs CFA depuis plus de deux ans. Et malgré les saisies opérées, les trafiquants continuent de plus belle comme pour dire que si les forces de sécurité et de défense veillent au grain, il y’a toujours possibilité d’arrondir les angles avec les politiques. « De 2019 à nos jours, le flot de Narcos dollars déversé entre Banjul, Bissau, Dakar, Abidjan, etc.. est sans commune mesure. C’est l’équivalent de deux exercices budgétaires de l’ensemble des États de l’Uemoa », indique Marc Bagayoko spécialiste des politiques de sécurité au Sahel.

La Gambie plus accessible avec la chute de Yaya Jammeh, la Guinée Bissau toujours sous le joug des Narcos, le Mali, en proie à une crise politique avec deux coups d’Etat militaires en neuf mois, voient soit une partie de territoire échapper à son contrôle en raison de l’activité des groupes djihadistes ou, sous la coupe réglée des circuits de blanchiment d’argent.

Les trafiquants de drogues profitent bien entendu de ce vide. Selon le rapport 2021 du Groupe d’expert des Nations unies sur le Mali, le « flux de stupéfiants le plus régulier à travers le Mali » reste celui du haschich marocain qui transite par la Mauritanie et le Mali puis prend la route de la Libye en traversant le Niger.

Si le transport de cocaïne qui converge aussi au Mali emprunte les mêmes routes quand ce n’est pas les mêmes camions comme celui du haschisch marocain, les pays côtiers subissent de plein fouet un passage forcé de navires transportant des tonnes de drogue 

Pour la Guinée Bissau, le Cap Vert, le Sénégal et la Côte d’Ivoire, l’apanage n’est plus laissée à la discrétion des Narcos sud-américains, les trafiquants de haschisch marocain empruntent désormais les mêmes routes maritimes avec comme choix de prédilection les ports de Banjul, Dakar ou Abidjan. Les récentes saisies de haschisch de la Marine Nationale sénégalaise prouvent que nos eaux territoriales ne sont plus des plus sûres.

Les points de passage sont alors la cause d’affrontements entre bandes armées qui souhaitent en avoir le contrôle. C’est le cas de Lerneb, proche de la frontière avec la Mauritanie, ou d’Aguelhok, non loin de la frontière algérienne, contrôlé par Ahmoudou Ag Asriw. Ce trafiquant de drogues placé sur la liste des sanctions des Nations unies organise des convois avec la CMA (Coordination des Mouvements de l’Azawad) et le MAA-Plateforme (Plateforme des Mouvements Arabes de l’Azawad), deux alliances militaires rebelles actives dans le nord du Mali.

La Guinée Bissau, ce petit pays est en effet utilisé depuis deux décennies comme une porte d’entrée par les trafiquants sud-américains, est maintenant rudement concurrencée par Banjul même si Dakar et Abidjan font encore de la résistance 

En septembre 2006, une cargaison de près de 700 kilos de cocaïne est saisie par la police bissau-guinéenne tuyautée par Interpol. La drogue était transportée dans un véhicule de l’armée. Alertée, la hiérarchie militaire a fait récupérer la cocaïne dans les locaux de la police avant de la mettre en sécurité dans un coffre du ministère des Finances. Par la suite, la drogue a disparu et deux Colombiens arrêtés ont été relâchés par la justice.

En 2019, la police Bissau guinéenne avait saisi plus de trois tonnes de cocaïne et, pour la première fois, la justice ouvrira un procès contre les Narcos. De lourdes peines seront prises à l’encontre des trafiquants dont un Conseiller de la présidence nigérienne. Mais, avec l’accession de Umaru Embalò, ces peines sont en train d’être revues à la baisse malgré l’opposition de la Cour Suprême. C’est cette impunité qui a très tôt attiré les trafiquants de drogues. Et cette impunité bien sûr a un prix.

La Commission ouest-africaine sur les drogues (WACD) affirme, dans une étude publiée en 2020, que des trafiquants de drogues colombiens ont financé en 2005 et en 2019 les élections présidentielles et particulièrement la campagne de réélection de l’ancien président bissau-guinéen Joao Bernardo Vieira.

Pour rappel, lorsqu’en 2012, les militaires font un coup d’Etat en Guinée Bissau c’est d’abord pour mettre la main sur le trafic de cocaïne. « Le trafic de drogues est devenu la principale activité économique de l’élite militaire du pays », poursuit le rapport de la WACD.

Cheikh Saadbou DIARRA 

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