S’il y’a deux autorités qui ont eu chaud samedi dernier dans les paisibles villages de Djannah et Abéné, ce sont bien le Préfet de Bignona Maguette DIOUCK et le sous préfet de Kataba 1 Amadou WAGUÉ venus convaincre les populations de céder près de 2500 hectares de leurs terres à la SAPCO. Comme des médecins après la mort, les deux autorités administratives accompagnées du Maire de Kafountine, ont dû constater la fermeté des populations sur cette spoliation dont ils ignorent les dessous. Venus en décideurs, Amadou WAGUÉ et Maguette DIOUCK ont dû quitter discrètement la salle, conscients que la pilule était trop grosse pour passer.
Les faits – Depuis 2017, la société d’aménagement et de promotion des côtes et zones touristiques (SAPCO ) , a jeté son dévolu sur les terres du Fogny Diabacounda. En connivence avec l’ancien maire qui faisait face à des poursuites judiciaires dans le cadre des détournements de deniers publics du quai de pêche et faux et usage de faux dans la confection de quittances du Trésor Public, des délibérations auraient été octroyées à la SAPCO à l’insu du Conseil municipal de Kafountine. Ainsi, pour le village d’Abéné, près de 600 hectares ont été prélevés, 700 hectares sur celui de Djannah et quelques 1300 hectares sur le littoral de Kafountine.
C’est durant le séjour de Souleymane NDIAYE, l’actuel Directeur général de la SAPCO à Kafountine que les langues ont commencé à se délier sur ce projet dont personne dans la commune, ne connaît les tenants et aboutissants. C’est le village de Djannah qui sonne la révolte en premier en apprenant qu’il est dépossédé de 700 hectares. Pour Moustapha DIEDHIOU le Coordonnateur du FRAPP, « C’est la première fois que nous entendons parler de la SAPCO et c’est le sous préfet Amadou WAGUÉ qui a informé le Chef de village de cette décision de nous spolier de 700 hectares ».
« À Djannah comme à Abéné, le Préfet Maguette DIOUCK s’est opposé à ce que les débats soient enregistrés et pourtant lors de la venue du DG de la SAPCO Souleymane NDIAYE, son équipe avait tout filmé. Que nous cache-ton ou plutôt que veulent-ils faire véhiculer auprès du président Macky SALL ? », s’interroge Ousmane DIABANG, un jeune hôtelier
« Puisque l’adage dit bien que tout ce qui se fait sans vous se fait contre vous, nous considérons à Djannah que ce projet ne nous intéresse pas et en plus, ce qui est aberrant, la plupart des 700 hectares attribués à la SAPCO se trouvent dans les périmètres d’exploration de Zircon de la société G- Sand SARL délivrée 10 octobre 2022 et de l’Aire Marine Protégée d’Abéné ». Quelle incongruité, a ajouté Moustapha DIEDHIOU qui compte mettre en place un Collectif de lutte pour la préservation de l’environnement.
Pour Ousmane DIABANG, « Nos parents n’ont pas eu la chance de voyager comme nous et pour la plupart, considèrent les paroles d’un sous préfet, d’un Préfet ou d’un Commandant de brigade comme paroles d’évangile. Tout ce que nous avons comme infrastructures dans nos villages provient du tourisme qui est l’un des principaux pourvoyeurs d’emploi. Les écoles, les postes de santé, les centres de formation sont tous financés par les touristes ». Et de préciser, « Nous sommes pour le progrès mais nous n’accepterons pas de laisser nos terres à une bande de rapaces qui vont se le partager comme à Saly, Mbodiene ou Pointe Sarène où des milliers d’hectares ont été partagés entre les membres de la famille d’un ancien DG de la SAPCO.
« Pour les populations, il ne s’agit ni plus ni moins que d’une arnaque après avoir fait miroiter aux Chefs de villages et quelques notables, des conditions de vie meilleure et même quelques billets distribués ça et là. Car, comment peut-on s’arroger autant d’hectares pour un projet sans étude d’impact environnementale et sociale, commission de conciliation et une indemnisation juste et préalable comme le stipule la Loi 85-02 du 3 janvier 1985 ? »
Le deal a éclaté au grand jour quand Pape Sané, l’administrateur du site Atlanticactu.com, avait levé un pan du voile en 2021 sur les véritables intentions de la SAPCO. Malgré la désinformation qui s’en était suivie, orchestrée par les autorités de la région de Ziguinchor, de l’arrondissement de Kataba 1 et de la mairie de Kafountine, le réveil des populations notamment ceux de la diaspora, a permis d’y voir plus clair sur ce qui devrait être classé comme le « casse foncier du siècle ». En effet, la démarche utilisée depuis le début, ne répond à aucune orthodoxie administrative puisque les autorités comme la SAPCO ont joué sur la méconnaissance des textes par les populations pour « subtiliser » les terres exploitées depuis des centenaires par les populations.
En catimini, les services du Cadastre régional de Ziguinchor ont immatriculé lesdites terres à travers les numéros d’identification cadastral 02120406000001 et suivants le 15 novembre 2019 par le Chef du bureau du Cadastre. Durant tout ce processus, les populations étaient tenues à l’écart, ne disposant comme information que la volonté de SAPCO d’ériger des hôtels 7 étoiles sur la nouvelle station balnéaire qu’est Abéné. Sur les contreparties et les compensations de même que l’intitulé dudit projet, les populations sont reléguées en spectateurs, convoquées juste pour remplir les salles de réunion et signer des fiches de présence, démontrant leur adhésion au projet.
Malgré la « fuite » des autorités devant la détermination des populations, ces dernières comptent mener des manifestations d’envergure pour protester contre le vol de leurs terres. D’ailleurs, une correspondance exhaustive sera adressée au président Macky SALL pour l’informer du mauvais service que lui rendent certains fonctionnaires.