samedi, 20 avril 2024 12:12

Sénégal : Émeutes générales : Après les morts et blessés officiels, Bignona la face invisible de la barbare répression reçoit Ousmane Sonko (Enquête)

Les plus lus

@Atlanticactu.com – C’est le Mercredi 3 mars au matin, alors qu’il se rendait à une convocation du juge d’instruction, avant d’être interpellé pour « troubles à l’ordre public » et « participation à une manifestation non autorisée » que le député Ousmane Sonko a été placé en garde à vue. Comme un signal, l’ensemble du pays s’est embrasé et pendant des jours, la répression a connu son paroxysme avec des morts, blessés et des scènes de pillages jamais connus au Sénégal. La tension baissera après les discours d’apaisement du Président Macky Sall, de Ousmane Sonko à la suite des facilitations des familles religieuses. Au moment du bilan, Bignona a payé le plus lourd tribut avec quatre morts, des dizaines de blessés connus….. et ceux restés chez eux de peur d’être la proie de la chasse aux sorcières enclenchée. (Enquête)

A la suite de Bougane Gueye Dany du mouvement « Gueum Sa Bop », d’Ernest Sambou le Coordonnateur adjoint de l’APR, Ousmane Sonko à l’initiative du M2D, foule ce samedi la terre encore rouge de Bignona pour présenter ses condoléances aux familles des victimes des violences du mois de mars. Cette ville ou plutôt ce département qui a été le premier à plébisciter le Pastef lors de la présidentielle, aura été également sévèrement frappé. Quatre morts, 55 blessés officiellement constituent la face visible de cette barbarie gratuite jamais vécue même lors des pires années de la rébellion armée du MFDC.

Si officiellement les morts et blessés sont connus, Atlanticactu a mené une enquête dans les quartiers de Bignona où plus de 37 personnes, pour la plupart atteintes par des projectiles lors des manifestations, souffraient dans l’ignorance la plu totale. Et pourquoi, tout simplement, parce que les premiers blessés qui s’étaient hasardés dans les structures hospitalières, ont été appréhendés et transférés dans les locaux de la gendarmerie de Néma à Ziguinchor.

Retour sur les moments fous de l’arrestation de Ousmane Sonko à Bignona. C’est le 4 mars que Bignona enregistre sa première victime. Cheikh Coly dont la mort a été confirmée par le préfet Babacar sera le premier d’une longue liste. Car, la veille, l’arrestation de Sonko avait été comme le mot d’ordre qu’attendaient les jeunes sénégalais pour s’emparer des rues pourtant étroitement surveillées par une armada de policiers et gendarmes, soutenus par moments par des soldats de l’armée.

Ousmane Sonko arrêté par le GIGN, Cheikh Coly atteint mortellement par un projectile, Bignona sombre dans une violence incontrôlable. Ce sera le début d’une hécatombe et plus personne ne sera à l’abri. Si les manifestants rivalisaient avec les forces de sécurité et de défense, de paisibles citoyens paieront le plus lourd tribut 

Jusqu’au 8 mars date à laquelle le Doyen des juges Samba Sall, contre toute attente, décida de libérer le Sénégal en inculpant Ousmane Sonko des accusations de viols avant de le placer sous contrôle judiciaire. Samba Sall du fond de sa tombe peut légitimement réclamer sa part dans la résolution de cette crise inédite. Sa décision coïncidant avec l’envoi d’émissaires de Serigne Mountakha Mbacké, le Khalife général des Mourides auprès du président Macky Sall et de Ousmane Sonko pour mettre fin à la spirale de violence qui a engendré des morts chiffrés entre 10 et 15 selon plusieurs sources.

Des quatre morts de Bignona, les blessés victimes collatérales vivront un enfer du fait du manque de soins médicaux. Comment les faire sortir de leurs domiciles ? C’était la mission quasi impossible qu’a réussi Atlanticactu. Dès notre arrivée à Bignona quelques jours après les tristes événements, notre guide un conducteur de Jakarta également arrêté arbitrairement et violenté nous conduira tour à tour rencontrer les 37 victimes de la face invisible de la barbarie.

Avec l’aide des membres de Vision Citoyenne de Madia Diop Sané, de FRAPP de Ziguinchor, des diligences ont été faites auprès des autorités pour permettre que ces personnes soient traitées dans les structures hospitalières sans crainte d’être arrêtées. Ces deux organisations aidées par de bonne volonté auront réussi à prendre en charge les lourdes dépenses liées au transport et aux ordonnances.

Trois blessés graves dont un ayant perdu un œil, plus de vingt blessés atteints par des projectiles, des jeunes filles arrêtées, violentées et rasées avant d’être libérés plusieurs jours après avec des menaces si jamais ils prenaient langue avec la presse 

C’est dans les profondeurs de Tenghory Transgambienne que notre guide nous conduira. Notre première visite, un jeune homme charretier qui venait de prendre épouse. Mamadou Djité qui ce 5 mars, rentrant retrouver sa jeune épouse, a dû rebrousser chemin pour prendre le bidon d’huile et le sac de riz qu’il avait laissé dans une boutique. « C’est en cours de route que mon épouse m’a appelé pour me dire qu’il n’y avait plus rien à manger à la maison », confie t-il. « Après avoir mis le sac sur ma tête car ayant la paresse de reprendre ma charrette, j’ai à peine fait quelques pas avant de voir une foule de personnes fuyant dans toutes les directions. Avant de me renseigner, j’étais déjà atteint à l’œil, je me suis réveillé à la maison où j’ai été conduit par je ne sais qui ».

Pour Ibrahima Ba, Badara Hanne, Moussa Diémé, « Nous étions en train de manifester comme tous les autres, en scandant des slogans hostiles à Macky Sall quand nous avons senti des blessures ». Pour Moussa Diémé, « celui qui a presqu’atteint mes parties intimes était à quelques 15 mètres de nous et je n’ai jamais pensé qu’il oserait tirer sur nous ». Par contre, Mamadou Oury Ba, un commerçant, lui dit avoir été atteint au front alors qu’il se trouvait à l’intérieur de sa boutique sise près du marché.

Mais, dans toute cette violence aveugle, c’est le revit de ces jeunes filles arrêtées après qu’elles aient manifesté devant leurs domiciles. Elles passeront 4 jours dans les locaux de la gendarmerie de Néma, tabassées et rasées. Ayant requis l’anonymat, elles font le résumé des 4 jours d’enfer passés entre les mains des pandores. « C’est le vendredi soir vers 18 heures 30 alors que nous étions devant nos maisons à crier et manifester notre soutien à notre leader Ousmane Sonko que nous avons été arrêtées ». Ces dernières de révéler « Aussitôt dans la voiture de la gendarmerie, celle-ci a pris la direction de Ziguinchor. Et jusqu’à destination, nous avons subi des injures, des coups de pieds, etc ) ».

Un instituteur M. Faye trouvé à son domicile, sera traîné sur plusieurs dizaines de mètres avant de subir la loi des Rangers et des crosses d’armes. C’est devant le domicile du préfet qu’il a failli passer de vie à trépas. Même sort pour Bouba Diallo et sa famille, réveillés aux aurores par des gendarmes qui fracasseront portes et fenêtres à la recherche de…Feugueleu 

« Dans les locaux de la gendarmerie, nous étions à même le sol et les violences ne s’arrêtaient pas. Au cinquième jour, nous avons toutes été rasé avant d’être à nouveau menacées de toutes les foudres si jamais nous en parlions », ont-elles confirmé. Et l’une d’elles de nous montrer une vidéo évocatrice des violences subies, « C’est l’un des gendarmes qui a filmé cela et qui avant d’être libérées, m’a déclaré sa flamme. C’est ce dernier qui m’a remis ce film ». À la question de savoir si elles étaient victimes d’actes sexuels, elles préfèreront unanimement ne pas répondre à cette question, arguant « Leur chef a pris nos empreintes et nous a dit que nous avons intérêt à la boucler sinon ce sont nos parents qui paieront ».

Trouvés dans leur domicile de Médina Plateau, Bouba Diallo, sa mère et ses frères ont tenu à montrer les stigmates de cette folle nuit où tout est arrivé. « C’est dans la nuit du vendredi au samedi, aux environs de 04 heures du matin que des coups de hache sont portés sur la porte d’entrée de la maison et quand je me suis levé pour voir, j’ai vu des hommes en tenue faire le mur avant de me demander où est Feugueleu ». Comme je ne répondais pas, ses collègues qui avaient fini d’ouvrir la porte, ont commencé à me rouer de coups quand les autres à l’aide de haches cassaient les portes des autres chambres de la maison. Ma mère fut violemment projetée au sol d’où sa blessure au pieds ».

Mais, nous confie Bouba « Au bout de 20 minutes après avoir réveillé toute la maison, on m’emmena mon frère et mon fils avec vers le cimetière où nous avons été copieusement bastionné et laissé sur place ».  Après l’aide des voisins alertés par les cris, « Je me suis rendu à la brigade pour déposer plainte, le Commandant de brigade en personne a pris ma déposition avant de me promettre que les dégâts occasionnés allaient être réparés, sans plus ».

M. Faye, un instituteur trouvé chez en compagnie d’un voisin de nationalité étrangère, a été traîné sur plusieurs mètres jusqu’au domicile du préfetoù plusieurs hommes en tenue lui ont fait passer un sale quart d’heure. « Ironie de l’histoire, c’est mon frère gendarme venu à la dernière minute pour me donner des coups qui me sauvera. Si je n’ai pas donné de suites judiciaires à cette affaire, c’est à cause de lui », fulmine l’enseignant. « Désormais, je comprends ceux qui disent être victimes de violences et de tortures dans les locaux des forces de sécurité »

PAPE SANÉ 

 

 

Plus d'articles

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Les plus récents