vendredi, 26 avril 2024 14:00

Phantom Secure, les Blackberry trafiqués devenus téléphones officiels de la mafia

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Aujourd’hui, une messagerie chiffrée inaccessible aux autorités est à la portée de n’importe quel smartphone. Mais il y a quelques années, les télécommunications secrètes nécessitaient un matériel plus sophistiqué.

C’est ainsi que Vincent Ramos, entrepreneur canadien et fondateur de Phantom Secure, a eu l’idée de vendre des Blackberry modifiés. Exit caméra, micros et GPS: seule demeure sur les terminaux une messagerie chiffrée, de type PGP. En cas de problème, le contenu des téléphones peut être effacé à distance par l’entreprise. Une entrepreneur canadien peu regardant est devenu une Pierre angulaire du crime organisé.

Au départ, l’appareil est marketé pour de vagues VIP et une clientèle business désirant vivre le grand frisson du secret. Des téléphones sont distribués à des rappeurs et des athlètes, qui en font la promotion. Rapidement néanmoins, des profils plus troubles commencent à s’intéresser aux spécialités Phantom Secure, et Ramos ferme les yeux.

À ses partenaires, le Canadien répète qu’il souhaite adopterla même stratégie qu’Uber : inonder le marché et réfléchir aux conséquences plus tard. Seulement, Phantom Secure ne se limite pas à des violations du code du travail. En 2014, le média australien ABC titre , «Un téléphone indéchiffrable fourni par Phantom Secure lié à des meurtres de bikers Hell’s Angel».

Apple du crime

ABC précise que mêmes les services de renseignement du pays sont incapables d’exploiter les données du téléphone. Le fait divers est pour Ramos une victoire retentissante: Phantom Secure devient le Apple du crime organisé.

Dealers américains, cartels mexicains, la pègre mondiale s’arrache les appareils de l’entreprise. Comme ils ne peuvent communiquer qu’entre eux, les téléphones sont achetés en lots, et certain·es client·es de la firme ne font de business qu’avec des organisations utilisant le même système.

À plusieurs milliers de dollars pièce, auxquels s’ajoutent les revenus réguliers d’un coûteux abonnement, Phantom Secure fait la fortune de Ramos, qui assume de plus en plus clairement le démarchage de la mafia. Problème: en Australie comme au Canada, la simple vente de téléphones, même dotés de tels systèmes de chiffrement, ne peut constituer un délit.

En 2017, un trafiquant est arrêté alors qu’il transporte une tonne de cocaïne entre le Mexique et l’Australie, avec un passage par les États-Unis. Le tout est coordonné via six téléphones Phantom –et le FBI s’en mêle.

Pour l’agence américaine, les activités de Phantom Secure suffisent à tomber sous le coup du RICO Act, une loi antimafia. Des policiers sous couverture rencontrent Ramos à Las Vegas et lui proposent un juteux contrat, qu’il accepte.

Arrêté peu après, le Canadien écope finalement de neuf ans de prison en 2018. Le FBI estimait alors que 20.000 personnes utilisaient le système et que l’entreprise avait gagné 80 millions de dollars en dix ans.

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