@Atlanticactu.com – À quelques mois de la fin de son magistère très contesté, le président Adama Barrow fait feu de tout bois pour obtenir un second mandat. Le tombeur de Yaya Jammeh qui avait promis un mandat réduit de trois ans avant de céder le pouvoir, s’était illustré par un Wakh Wakhete à l’image de son « parrain » sénégalais. Aujourd’hui, face à la realpolitik, Adama Barrow adoube Babali Mansa, son ennemi juré et fâche l’un de ses plus grands soutiens, le président Macky Sall. D’où son voyage chez Alpha Condé à l’issue duquel, Barrow « gâte » l’ APRC de Yaya Jammeh en voitures et argent.
Sans une forte coalition comme celle qui l’avait porté au pouvoir en 2017, Adama Barrow est plus proche de retourner à ses premiers amours que de prolonger son bail à la State House. Entre coups bas, divorces, chocs des ambitions et promesses non tenues, plusieurs membres de la coalition hétéroclite ont tourné le dos au président par défaut, tombeur du dictateur Yaya Jammeh qui a règné près de 22 ans à la tête de la Gambie. Du tout puissant président de L’UDP l’avocat Usainu Darboe en passant par Mamma Kandeh du Gambia Democratic Congress (GDC) , Fatoumata Jallow Tambajang qui ont quitté le navire, entre autres figures de proue, Adama Barrow s’est retrouvé avec du menu fretin incapable de réunir autant de militants ou de vendre son projet de deuxième mandat.
Le successeur de Yaya Jammeh n’a aucune autre issue que celle de travailler au corps les potentiels soutiens de l’ex dictateur pour lui faire entendre raison et accepter sa main tendue pour mettre en place une forte coalition. Qui mieux que le président Alpha Condé est plus placé pour jouer ce rôle, lui qui non seulement est un proche de Jammeh mais, est également lié à la famille de Zeinab Soumah Jammeh l’ex First Lady gambienne. Adama Barrow fonce à Conakry à la rencontre d’Alpha Condé, le meilleur ennemi de Macky Sall, son mentor. Ces deux présidents entretiennent des relations houleuses depuis la fermeture des frontières par le Sénégal lors de l’épidémie d’Ebola. Mais, surtout, depuis 2020, Alpha Condé reproche également à son homologue sénégalais d’être trop accueillant avec son principal opposant, Cellou Dalein Diallo.
Un voyage qui n’est pas apprécié par Lamin Tamba un cadre de l’APRC actuellement à Birmingham pour qui, « Adama Barrow est resté 4 ans tout en refusant d’honorer l’accord de la CEDEAO et, soudainement il veut le respecter, à 5 mois aux élections. C’est du pipeau, le président Barrow cherche à gagner du temps en laissant Yaya Jammeh traîner jusqu’à ce qu’il gagne et trône au pouvoir pour 15 ans comme il l’avait annoncé. Adama Barrow et ses soutiens ne respecteront jamais les accords signés parce qu’ils ne sont pas des hommes de parole ».
Sûr d’une déconvenue lors de la présidentielle prochaine, Adama Barrow se précipite chez Alpha Condé pour obtenir le soutien de Jammeh. À Dakar, le Palais ne digère pas la démarche au moment où l’APRC de Jammeh reçoit véhicules flambants neufs et enveloppes bourrées de « Adou Boy »
En terre de Guinée, Adama Barrow qui a reconnu le leadership de Alpha Condé lors de la crise post électorale gambienne, lui tresse des lauriers, « Le président Alpha Condé a joué un rôle pour éviter un bain de sang en Gambie », et le moment est venu de « renforcer les relations bilatérales entre Gambie et la République de Guinée ». Mieux, Barrow dira « en tant que jeune président, profiter de l’expérience politique du président Condé ».
Les présidents Adama Barrow, Alpha Condé et Yaya Jammeh, ont-ils eu à tenir une conférence virtuelle pour acter le retour de l’ex président en Gambie et la restitution de ses biens contre un soutien de l’APRC au NPP de Adama Barrow, un parti mort-né créé sur les flancs de l’UDP de Usainu Darboe ? Tout porte à le croire, depuis son retour de Conakry, le président Adama Barrow a offert plusieurs véhicules 4X4 au parti de Jammeh et une importante somme d’argent, environ 75 millions de francs CFA. À quelle fin ? Mystère et boule de cristal quand on sait que ce soudain amour du président Adama Barrow vis-à-vis de l’APRC a fini par semer le trouble dans l’esprit de certains inconditionnels de Yaya Jammeh toujours en exil.
Pour l’avocat gambien au barreau de Londres et éminent membre de l’APRC , Lamin Tamba, « Adama Barrow ne peut pas depuis 2017, traquer le président Jammeh, les responsables du parti, laisser voler leurs biens et venir proposer un mariage princier ». Et l’avocat de révéler, « La vérité est que si l’UDP gagne, Barrow ira en prison en premier et Jammeh sera en sécurité. Par contre, forcer les membres de l’APRC à aider Adama Barrow pour obtenir une petite fraction du vote de l’APRC ne lui empêchera pas de perdre encore les élections et plus grave, l’APRC va tomber avec lui de manière définitive ».
Après la mise en place de la TRRC pour que toute la vérité soit enfin révélée sur les crimes de Yaya Jammeh, le président Barrow met le rapport sous le coude et se met à genoux devant l’APRC pour une coalition gagnante
Après sa défaite à la présidentielle de novembre 2016 et son départ forcé, la Gambie veut panser ses plaies. Fin 2018, les autorités mettent en place la commission Vérité, réconciliation et reconstruction, promesse de campagne d’Adama Barrow destinée à réparer les dommages perpétrés sous l’ex-chef d’État. L’entité, qui peut recommander des poursuites, ne prononce pas en revanche de condamnations. Le 7 janvier dernier, les premiers témoignages des victimes et de leurs bourreaux s’enchaînent à a la barre. Pour des milliers de Gambiens, ces audiences souvent douloureuses sonnent, pourtant, l’heure de vérité. Et permettent de comprendre le fonctionnement d’un régime fondé sur la terreur. En personne ou par vidéoconférence, 190 femmes et hommes ont répondu en un an aux questions du chef conseiller Essa M. Fall et de son adjointe Horeja Bala Gaye.
La commission de vérité a révélé les crimes présumés de l’ex président et HRW attend des autorités l’ouverture d’une enquête pénale à l’encontre de Yaya Jammeh
Les témoignages devant une commission de vérité gambienne sur l’implication de l’ancien président Yaya Jammeh dans de nombreux crimes graves perpétrés au cours de ses 22 années au pouvoir devraient être suivis d’une enquête pénale, a déclaré Human Rights Watch, selon qui, « Des témoins directs ont impliqué Yahya Jammeh dans des meurtres, des actes de torture, des viols et d’autres crimes terribles », a indiqué Reed Brody, conseiller juridique senior auprès de Human Rights Watch, qui travaille avec les victimes de l’ancien chef d’État. « Il appartient maintenant au gouvernement gambien de veiller à ce que Jammeh et ses complices soient tenus responsables de leurs actes. La vérité est importante, mais il faut aussi rendre justice. »
A ce jour, hormis la récente condamnation à mort de l’ancien membre de la junte Yankuba Touray accusé d’avoir assassiné un ancien ministre, Adama Barrow ne semble pas pressé de donner suite aux exigences de Reed Brody et consorts au moment où il fait face à un rêve de deuxième mandat, possible qu’à la condition de bénéficier du soutien d’un certain Yaya Jammeh…..
Cheikh Saadbou DIARRA