vendredi, 19 avril 2024 16:31

CHRONIQUE : L’ŒIL D’ATLANTICACTU :Forum Paix et Sécurité de Dakar : Quelles sont les urgences et priorités de Paris?

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Conçu à Paris au cœur de l’Élysée en 2013, le Forum de Dakar sur la Paix et la Sécurité n’a cessé de démontrer depuis 6 ans qu’il n’est rien de plus qu’un prolongement du Conseil National de Sécurité de la France. La finalité sur les différentes résolutions prises depuis son lancement prouve que les enjeux sécuritaires au Sahel, objet du lancement du Forum de Dakar, est plus une légalisation de la présence militaire française en Afrique de l’Ouest qu’une volonté de permettre une autodéfense africaine aux menaces du moment. La preuve, à une semaine du Forum de Dakar, Emmanuel Macron avait lancé les travaux de la 2ème édition du forum du même nom à Paris entouré de presque tous les chefs d’état africains. Après cela, pourquoi diantre devraient charger leur agenda pour venir réécouter les mêmes consignes déjà reçues du patron de la Françafrique himself.

À la veille du Forum de la sécurité de Dakar, l’augmentation des attaques djihadistes inquiète la région. La France veut « repréciser » le rôle de l’opération Barkhane pour ne plus être en première ligne. Cette phrase à elle seule prouve la relation entre Paris et ses satellites africains. En effet, le sentiment anti français actuellement en phase terminale au vu de ce qui s’est produit à Bamako et dans plusieurs villes maliennes avec des manifestations anti France, oblige la France à changer de fusil d’épaule. Donc, nous allons inéluctablement vers un retour à la méthode Soft de François Hollande, qui pouvait tantôt laisser paraître une certaine indépendance de nos pays.

Les tacticiens et autres spécialistes de l’Afrique ont très vite penser qu’il fallait un recul stratégique rapide pour espérer pouvoir maintenir la France présente dans son pré carré magique où l’uranium,le pétrole, le gaz, l’or, le zircon,etc coulent à flots et à moindre prix. Les stratèges comprenant que la menace terroriste est plus un épouvantail pour certains peuples comme le Burkina Faso, le Mali et même le Niger, il fallait créer un déclic et mettre en retrait les troupes françaises considérées comme hostiles et mettre en premier plan les forces africaines du G5 Sahel qui entre nous, sont une deuxième force française mais déguisée pour dégonfler cette grosse colère en gestation.

La fronde du Burkina Faso à travers son chef d’état major général des Armées d’abattre tout aéronef français survolant son espace sans autorisation, en est pour beaucoup dans cette décision de Paris de reculer pour mieux sauter ultérieurement,

C’est d’ailleurs la raison qui fait qu’au Forum de Paris sur la paix, cette semaine, il a été aussi question de guerre. Et notamment de celle qui est menée contre les djihadistes au Sahel. Emmanuel Macron y a consacré le déjeuner de mardi, avec ses homologues tchadien, nigérien et malien. En est ressortie la volonté de revoir le dispositif. Et singulièrement l’opération Barkhane, qui mobilise 4.500 soldats français. Il y a urgence. Quelque 1.500 civils ont déjà été tués au Mali et au Burkina Faso cette année. « Depuis le mois de juillet, le Niger, le Burkina Faso et le Mali ont aussi enregistré leurs plus lourdes attaques contre des camps militaires depuis 2013 », souligne Mathieu Pellerin, analyste Sahel à l’International Crisis Group.

Le 1er novembre, 49 soldats maliens périssaient ainsi dans l’attaque de leur base à Indelimane, près de la frontière nigérienne. « Les deux principales organisations dans la région, le RVIM (Rassemblement pour la victoire de l’islam et des musulmans, rattaché à Al-Qaida) et l’État islamique en Afrique de l’Ouest recrutent davantage et ont acquis plus d’expertise. Un décompte macabre encore officieux qui ne fait pas l’affaire de la France sur le terrain car, considérée à tort ou à raison comme étant le « partenaire » de certains de ces tueurs de militaires maliens ou burkinabé.

Mais, Paris ne compte point lâcher la poule aux œufs d’or et essaie d’adapter un nouveau format à l’existence de Barkhane. Macron revoie sa copie et décrète que Paris continuera d’être présente pour « Confirmer et conforter » l’engagement français au Sahel

Les stratèges de la Direction Générale de la Sécurité Extérieure française ont compris depuis longtemps que le Sahel allait être un bourbier comme l’Algérie ou Dien Bièn Phu. C’est pourquoi ils n’ont cessé d’alerter sur le fait que « Barkhane n’est pas au format de cette guerre asymétrique qui se joue sur un espace très vaste« 
Et même, l’apport tant souhaité notamment l’un des projets, appelé opération Tacouba, qui est de mobiliser pour le premier semestre 2020 des forces spéciales européennes qui feraient de l’accompagnement au combat sous commandement Barkhane, n’est point pour convaincre certaines capitales européennes qui trouvent que cette guerre au Sahel est trop loin de leurs frontières et qu’aucune lisibilité n’est de mise pour s’impliquer comme Paris qui a toutes les cartes en main. Ce qui que si une petite dizaine de pays ont été sollicités, aucun n’a encore pris d’engagement ferme.

Les GAT (groupes armés terroristes) ont aussi étendu leur champ d’action. « Barkhane n’est pas au format de cette guerre asymétrique qui se joue sur un espace très vaste, cinq fois celui de la France ». « On lui réclame trop. Le matin, ses hommes doivent creuser des puits, l’après-midi jouer un rôle de police, le soir chasser les terroristes. Cela crée de la confusion sur son rôle. »

Est-ce pour cela qu’Emmanuel Macron a souhaité mardi le  »repréciser«  dans les prochaines semaines? Il a aussi promis qu’il viendrait  »confirmer et conforter«  l’engagement français au Sahel. Certains ont cru déceler l’annonce d’un renfort d’effectifs.  »Ce n’est pas prévu », coupe une source diplomatique.

La grosse farce de Paris qui négocie et même avantage certains groupes terroristes mais refuse de voir Bamako et Ouagadougou discuter avec les groupes armés même si officiellement, la France ne serait pas hostile à ces arrangements. Mais de qui se moque-t-on ?

C’est un secret de polichinelles que de dire que Paris fait ami ami avec certains leaders de groupes armés ou de Katiba. Depuis le début de l’invasion du Nord du Mali, la France s’est taillée des alliés parmi les terroristes, ces derniers bénéficient de toute l’attention de l’Élysée. Paris est aux petits soins avec ceux-là qui lui fournissent renseignements et de temps en temps un petit coup de main pour casser un adversaire. Un jeu dangereux de la France qui pourchasse des terroristes tout en gardant sous son aile protectrice certains qui devraient répondre devant la Cour Pénale Internationale.

Paris estime que l’autre clé d’un renversement de dynamique se situe dans le nord du Mali, plus précisément à Kidal. La ville touareg, carrefour de tous les trafics et bastion d’Iyad Ag Ghali, le chef du RVIM, échappe toujours au contrôle de Bamako.

Et comble de l’ironie, lors du Sommet sur la Paix et la Sécurité de Paris, « Kidal, c’est le Mali », a claironné Emmanuel Macron mardi. « L’État malien doit y revenir mais en déployant des moyens, indique la source diplomatique. Pas dans une approche uniquement martiale, sinon ça ne marchera pas. » Une visite du Premier ministre malien, programmée avant la fin de l’année, servira de test.

Cheikh Saadbou Diarra

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