vendredi, 26 avril 2024 21:07

« Souffrir PLUS » : Comment le gouvernement prépare les Sénégalais à un « après Coronavirus » difficile

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En maniant savamment la carotte et le bâton pour avoir les sénégalais autour de lui pour faire au Coronavirus, le Président Macky Sall est comme dans une logique de prévenir que l’après Coronavirus ne sera pas rose et que certaines « mesures sociales » pourraient sauter et laisser libre cours à la vérité des prix . Depuis quelques jours et dans le sillage du président , les ténors de la majorité se succèdent au micro pour expliquer que la dure crise économique provoquée par l’épidémie demandera des «efforts» à tous.

On l’a senti profondément agacé, Macky Sall, lorsque ce 11 avril, procédant au lancement des convois des vivres pour l’assistance aux ménages vulnérables dans le cadre de la lutte contre le Covid-19 , il a expliqué que « sans respect des mesures déjà édictées, le Sénégal allait vers un confinement généralisé ». Une menace qui aurait pu faire tilt dans la tête des sénégalais comme la première fois quand il se prononçait sur la pandémie le 17 mars dernier mais qui risque hélas d’être rangé au placard. En effet, comme lors des audiences avec certains acteurs (Politique, culturel, etc ) au palais alors qu’il était déjà exigé des sénégalais d’éviter tout rassemblement, la cérémonie du 11 avril ressemblait plus à une foire d’empoigne avec une présence comparable à une mobilisation électorale.

Le Président Macky Sall est d’autant plus agacé quant les ministres et hauts fonctionnaires peinent à convaincre sur la mobilisation des 1000 milliards annoncés pour faire face à la pandémie. Même si du reste, Moustapha Ba le Directeur Général du Trésor fait remarquer que l’«argent magique» existe bel et bien lorsqu’il s’agit de contenir un incendie économique de la taille de celui provoqué par la crise du Covid-19 : déjà près de 399 milliards de francs Cfa à mobiliser par le Sénégal à travers une réorganisation du budget pour financer l’opération avec l’aide des partenaires avec 586 milliards de francs Cfa et la contribution citoyenne estimée à 15 milliards dont dix déjà mobilisés. Auparavant, le Président Macky Sall avait durant son adresse à la Nation du 3 avril annonce les autres mesures comme les aides aux grandes et petites entreprises et les reports d’impôts et de cotisation, etc …

Comme un chef de guerre, le Président Macky Sall avait réussi à haranguer les troupes et à les mettre sur le pied de guerre. Mais, au vu de l’évolution du discours notamment sur les capacités à mobiliser 1000 milliards et son combat prématuré du reste, pour une annulation de la dette, prouvent que notre économie est aussi exsangue qu’une peau sèche

«Quoi qu’il en coûte», avait laisse entendre en même temps le Président Sall dès le 23 mars dans son intervention télévisée pour décréter l’état d’urgence . Mais cet «argent», ont riposté les communicants du camp présidentiel, «n’est plus plus magique qu’il ne l’était il y a moins de deux ans» lorsque le chef de l’Etat avait utilisé l’expression pour se lancer dans une opération de réélection.

Sans y faire référence , le chef de l’état a rappelé comment le Sénégal va payer ces sommes : «Ce sont des emprunts que le Sénégal va consentir.» Mais comment, il se susurre justement que pour éviter de déposer le projet de loi de finances rectificatives qui devrait être adopté en Conseil de ministres avant le projet de loi portant habilitation , le chef de l’état avait préféré anticiper pour que ne revienne pas sur le tapis la dette publique qui atteindra des sommets plus qu’inquiétants en 2020. Un record. Mais que faire une fois la crise sanitaire passée et le paysage économique et social stabilisé? On a du mal à croire que ces deux ministres en charge de l’Économie dont le «sérieux budgétaire» était un attribut, ne pensent pas, déjà, aux remèdes devant permettre de réduire cette dette qui, sous le premier mandat, n’aurait jamais dû dépasser la barre des 54 %.

«Il faudra un effort considérable», a simplement lâché Macky Sall sans préciser si cet «effort» serait lié aux futurs milliards du plan de relance ou bien lié au remboursement de cette future dette sénégalaise . Tout juste a-t-il assuré, que «cela ne passera pas, je pense, par une augmentation des impôts». Par quelle sauce les sénégalais seront-ils mangé alors ? Pour l’instant, dans l’entourage du Président, on botte trop facilement en touche. Tout juste explique-t-on (tout de même) que le chef de l’Exécutif a déjà «demandé a ce qu’il y ait une équipe interministérielle qui commence à travailler sur l’après Coronavirus ». «C’est un travail de préparation, de début de réflexion sur où en sera le Sénégal», ajoute-on.

Si Macky tâtonne, les deux argentiers de l’état ne rassurent guère car depuis les « tensions de trésorerie » sous l’ancien ministre Amadou Ba, l’économie sénégalaise vit au rythme des perfusions des emprunts obligataires

Pour l’instant, les deux argentiers du gouvernement, Abdoulaye Daouda Diallo (Finances et Budget) et Amadou Hott (Économie, du Plan et de la Coopération) se gardent bien, eux aussi, de dire qui paiera (et comment) la facture de cette crise hors norme. Le premier a simplement lancé qu’«à la sortie de cette crise il faudra faire des efforts». Le redressement sera long et il passera par le désendettement du pays. En revanche, certains patrons sont allés plus loin dans le «comment» en affirmant que « l’état devra forcément travailler plus que nous ne l’avons fait avant avec les entreprises sénégalaises. Il faudra mettre les bouchées doubles pour créer de la richesse collective et nationale».

Ces déclarations gouvernementales destinées à préparer l’opinion au retour de la rigueur n’ont pas manqué de déclencher un début de polémique dans le microcosme politique . «Sur le plan de la récession économique qui s’annonce je ne vois strictement rien venir, que les vieilles recettes. On a entendu le Président nous expliquer qu’il allait falloir relancer la machine avec cet objectif de croissance, travailler plus, mettre en avant l’unité nationale», a réagi le député Ousmane Sonko qui avait refusé de voter la loi d’habilitation. Avant de dénoncer «ces recettes néolibérales qui nous mettent dans le mur pour affronter aujourd’hui le virus», et d’estimer que «cette crise doit être l’occasion de repenser intégralement notre modèle de développement».

L’opposition dénonce de «vieilles recettes» à la limite électoralistes et non productrices encore moins conséquentes. Les milieux d’affaires réclament une considération à hauteur de celle accordée aux entreprises étrangères

De fait, à peine un mois près le «quoi qu’il en coûte» lancé par Macky, des bruits de bottes sont notés même dans le camp du pouvoir même s’ils ne l’expriment pas (encore) de peur de passer pour des «Traitres au Pacte du Silence». En effet, ils sont quelques-uns dans la majorité à vouloir tempérer les ardeurs des promesses du chef qui risquent de produire un effet boomerang lors des prochaines joutes électorales et ces derniers qui voient dans «l’après» et les «ruptures» promises par le chef de l’Etat les germes de promesses non tenues (encore) attendues. «L’argent ne sort pas de cachettes secrètes, fait valoir un cadre du groupe BBY. On est dans le dur de la crise, donc c’est compliqué d’en parler et on se doit, dans la majorité, de garder une dynamique d’unité. Mais il ne faut pas être naïf : ce n’est pas parce que le Président dit « quoi qu’il en coûte » que ça n’a pas de coût ! Il faudra trouver des moyens et des financements. Or si on demande encore un effort aux sénégalais, il va falloir être clair sur les échéances.» A fortiori à quelques mois seulement de prochaines législatives et locales à moins que le Coronavirus offre un autre prétexte comme le lancement du Dialogue National devenu aphone depuis.

Si les politiques craignent déjà de voir l’état tirer profit de cette crise avec notamment la distribution des vivres et autres opérations d’envergure que seul le Président Macky Sall détient les ficelles, il en est tout autre pour les acteurs de développement notamment les investisseurs nationaux.

Ce qui fait dire à Ousmane Ndiaye, Opérateur économique, «Pour l’instant, on est dans un financement exclusif par la dette et c’est tant mieux, les taux d’intérêts sont au plus bas et il n’y a pas d’autres choix pour sauver notre tissu économique ». Et , « Ensuite, la meilleure manière de résorber la dette est d’avoir soit de la croissance, soit de l’inflation ou bien encore de faire « monétiser » cette dette par la Banque centrale européenne. Il y aura des arbitrages à faire mais on n’en est pas encore là.», renseigne M. Ndiaye.

« Baisser les «charges» d’un côté et «travailler davantage» de l’autre pour retrouver la croissance ? La formule ne serait guère en «rupture» avec les politiques passées mais elle risque de trouver des relais dans la majorité des investisseurs nationaux lorsqu’il s’agira d’expliquer qu’il faut «reconstruire» le pays.« , conclut l’homme d’affaires.

Pape Sané (Atlanticactu.com)

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