À peine un an après « l’élection » de Umaru Embalo à la tête de la Guinée Bissau, la Realpolitik semble avoir repris le dessus entre le Premier Ministre Nuno Nabiam, ancien vice-président de l’assemblée nationale qui avait accepté le serment du président autoproclamé dans un hôtel et le « général ». Tout est parti de la volonté de Umaru Embalo de vouloir soustraire les resources pétrolières de la tutelle du chef du gouvernement. Nuno Nabiam a tout bonnement claqué la porte du Conseil des ministres.
Il y a rarement de bon moment pour qu’un chef de gouvernement démissionne mais, il est à craindre un départ de Nuno Nabiam dans les prochains jours. La crise qui est sous-jacente entre le « général » Umaru Embalo et son Premier ministre Nuno Nabiam était prévisible. Pour de nombreux observateurs de la vie publique à Bissau, « l’actuel locataire du palais de la république n’a jamais compris qu’avec le régime parlementaire en cours, seul le Premier ministre peut déterminer la politique du pays. Et comme Nuno Nabiam pensait également qu’il allait gouverner comme édicté par la Constitution, il n’avait pas imaginé qu’une dualité allait vite s’imposer car Umaru Embalo comme ses soutiens n’ont pas torpillé la loi électorale pour mettre un président d’opérette ».
Il aurait fallu de peu que l’actuelle coalition éclate. Pour cause, le PM Nabian n’était pas du tout content de voir que le président Umaru Embalo le dépouillait illégalement d’une prérogative que lui accorde la constitution. Umaru Sissoco Embalo a décidé de soustraire l’autorité de régulation du carburant qui gère également les ressources pétrolières du giron du Chef du gouvernement.
Le Premier ministre, Nuno Nabiam, a claqué la porte de la réunion du Conseil de ministre jeudi dernier, en présence du président de la République, Umaro Sissoco Embaló, a révélé à Capital News, citant des sources proches du gouvernement.
Les mêmes sources ont avancé que le Premier ministre Nabiam, est sorti de la salle du Conseil des ministres au moment où Umaru Embalo informait de sa décision de gérer désormais la commission de l’Autorité régulatrice du secteur de Combustivel (CI – ARSECO).
Si le Premier ministre n’a pas voulu décrocher son téléphone à la suite nos appels et messages à lui envoyés, l’un de ses proches, confirme le malaise. Pour Adriano Pereira, « Pour nous au sein du Peuple Uni- Parti Démocratique de Guinée Bissau (APU – PDGB), il n’y a pas de surprise sur ce nouveau coup de force de Umaru Embalo ».
« Nous nous battrons pour que la Constitution soit respectée et que les prérogatives définies soient la seule forme de gouvernance. Aujourd’hui, c’est Nuno Nabiam qui seul peut définir la politique vu qu’il est issu de la majorité parlementaire », renseigne notre interlocuteur qui tient à préciser, « Notre système fait que les responsabilités du président de la république, du Premier ministre, du président de l’assemblée nationale et du Président de la Cour Suprême sont clairement définies et vouloir passer en force, c’est mettre de l’huile sur le feu », confirme Adriano Pereira.
Et en fin d’après-midi le même jour, le Premier ministre a été aux activités de célébration du 29 e anniversaire du Parti du Renouveau Social (PRS) de feu Coumba Yalla en prononçant le discours de clôture de l’événement.
« Nuno Nabiam vient de se rendre compte que sa stratégie politique qui avait consisté à soutenir Umaru Embalo appuyé par certains chefs d’état de la CEDEAO, n’est pas viable et qu’il lui sera impossible de dérouler le projet de la majorité parlementaire », renseigne un député du Parti Africain pour l’Indépendance de la Guinée Bissau et du Cap Vert (PAIGC) proche de la tendance du président de l’assemblée nationale Cipriano Gassamá. En abandonnant le Conseil des ministres à cause de la volonté de Umaru Embalo de gérer lui-même les dividendes du carburant et autres produits pétroliers, cela prouve que les deux hommes vont s’affronter pour disposer d’une manne financière en vue de contrôler l’assemblée nationale.
L’autre fait qui a mis le Premier ministre Nuno Nabiam hors de lui, aura été sans nul doute la présence de Victor Mandinga, l’ancien ministre démissionnaire de l’Économie, plan et intégration régionale qui était limogé et du nouveau vice-premier ministre Soares Samb, poste inexistant dans la Constitution. Ce dernier a été désigné par Umaru Embalo pour rencontrer la délégation de l’Union européenne à la place de Nuno Nabiam.
Cet incident entre le Premier ministre et le président Embaló, serait également la source de l’annulation des travaux des membres du gouvernement prévus ce samedi à Uak.
Un clash ou un début de fissure dans la coalition actuellement au pouvoir à Bissau ? Tout porte à le croire quand on sait que l’actuel Premier ministre transfuge du PAIGC arrivé 3ème lors du premier tour de la présidentielle, avait préféré soutenir le candidat du MADEM G-15 qui soutenait Umaru Embalo. Contre toute attente, alors que la Cour Suprême avait décidé du recomptage des voix suite au recours introduit par le candidat du PAIGC Domingo Simoes Pereira, le premier vice-président de l’assemblée nationale, ci-devant Premier ministre avait présidé la cérémonie de prestation de serment du président désigné par la CEDEAO. Le lendemain, Nuno Nabiam est nommé Premier ministre par le « général ».
À ce rythme, il est clair que la coalition dirigeante composée du PRS de Cipriano Gassamà, du Madem-G15 de Umaru Embalo et de l’APU-PDGB de Nuno Nubiam, risque de voler en éclats avec les appétits politiques qui commencent à naître. Ces ambitions cachées vont emporter l’exécutif qui tarde depuis un an à apporter une réponse aux questions liées au trafic de drogue, à la mal gouvernance mais surtout, à la pandémie.
Pape SANÉ
c’est très drôle : lorsque des observateurs ont fait remarquer que la constitution et la loi électorale ne permettent pas à cet homme d’être premier ministre, ce dernier ne s’en souciait guère.