Sénégal
Atlanticactu/ Dakar/ Cheikh Saadbou Diarra
Si l’affaire Pegasus du nom du logiciel espion fabriqué par une société israélienne et, destinée à espionner opposants politiques, Activistes, Journalistes, membres de la Société civile, avait laissé sceptiques certains sénégalais, il n’est plus question de douter de la présence au sein des forces de défense et de sécurité sénégalaises d’un dispositif de surveillance beaucoup plus pernicieux. l’Union européenne a doté la police sénégalaise de plusieurs boîtiers de la gamme Universal Forensic Extraction Device (UFED) mis au point par la société israélienne Cellebrite. Un dispositif capable d’aspirer les données des téléphones portables en seulement une dizaine de minutes.
Avec l’arrestation de plus d’un millier de militants et sympathisants de Pastef en l’espace de quelques mois, il est facile de penser une prouesse des forces de défense et de sécurité qui ont noyauté les fameux « Commandos », « Forces Spéciales », « Forces occultes », etc qui avaient le sinistre projet de commettre des attentats terroristes sur le sol national. Que nenni, ces arrestations ont été facilitées par l’exploitation des téléphones des personnes arrêtées dès les premières heures de la traque. Ainsi, pour avoir échangé un message même anodin avec les membres des « groupes armés » proches de Pastef où être membre d’un groupe WhatsApp, on pouvait se retrouver soit à Rebeuss ou à Sebikotane ou dans une des geôles sénégalaises pour le crime de « association de malfaiteurs en vue d’une entreprise terroriste ». Comment cela a-t-il été possible et facile pour les enquêteurs ?
Dans un article paru dans le journal Le Monde qui titrait « Frontex menace la dignité humaine et l’identité africaine », il est révélé l’existence au niveau des postes frontaliers de la Direction de la Police de l’Air et des Frontières (DPAF) notamment à Rosso d’une mallette dénommée « Universal Forensics Extraction Device » (UFED), qui est un outil d’extraction de données capable de récupérer les historiques d’appels, photos, positions GPS et messages WhatsApp de n’importe quel téléphone portable. Fabriqué par la société israélienne Cellebrite.
« Doit-on s’inquiéter de la la présence de « Universal Forensics Extraction Device » (UFED) dans les unités d’enquête de police judiciaire ? Si c’est le cas, le parquet devrait penser à judiciariser les éléments de preuves obtenus illégalement et mette fin à ces atteintes aux droits des sénégalais. »
Selon les autorités de la Police des frontières interrogées, cette technologie est bien utilisée au Sénégal, mais sert à suivre les Ouest-Africains qui veulent migrer vers l’Europe. Et cet UFED n’est qu’un outil parmi d’autres du troublant arsenal de technologies de pointe déployé pour contrôler les déplacements dans la région – un arsenal qui est arrivé là, Cornelia Ernst le sait, grâce aux technocrates de l’Union européenne (UE) avec qui elle travaille.
Quand la question des atteintes aux droits des personnes ont été relevées, l’Union européenne s’est empressée de produire un communiqué pour se blanchir. Un porte-parole de la Commission européenne a affirmé pourtant que les antennes régionales de la DNLT ont été créées par le Sénégal mais que, l’UE se limitait seulement à financer les équipements et les formations. En langages codés, l’usage que les autorités sénégalaises font des UFED ne les concernent pas.
Pour rappel, grâce à l’argent des contribuables européens, le Sénégal a construit depuis 2018 au moins neuf postes-frontières et quatre antennes régionales de la DNLT. Ces sites sont équipés d’un luxe de technologies de surveillance intrusive : outre la petite mallette noire, ce sont des logiciels d’identification biométrique des empreintes digitales et de reconnaissance faciale, des drones, des serveurs numériques, des lunettes de vision nocturne et bien d’autres choses encore…que la morale empêche de révéler.
« Si l’Union européenne peut doter la Police des Frontières notamment la Division Nationale de Lutte contre le trafic de migrants (DNLT) de tels matériels qui portent atteinte aux droits fondamentaux, peut-elle s’opposer contre l’achat de « Universal Forensics Extraction Device » en faveur d’autres services sénégalais ? »