mercredi, 13 novembre 2024 11:15

Exploitation clandestine de l’or : Arrestation d’étrangers et fonctionnaires à Kedougou, l’arbre qui cache la forêt

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L’arrestation de plusieurs personnes dont des fonctionnaires ainsi que des chinois pour exploitation clandestine d’or dans le Parc National du Niokolo Koba, est loin d’être une exclusivité pour les populations riveraines. À la suite de l’enquête menée par votre site, il s’avère que cette pratique dure depuis 2012 et que les autorités de la région auraient été briefées mais sans réaction aucune. La fermeture des placers est la cause de l’infiltration des orpailleurs dans l’enceinte du Parc avec la complicité notoire de certains agents. Des effets collatéraux d’un déficit sécuritaire et déficit de motivation des personnels affectés su place. Enquête

L’arrestation du conservateur du Parc, le Lieutenant-colonel Amar Fall, et son adjoint, le Capitaine Mamadou Maronne, du chef du service régional des Mines et de la géologie de Kédougou et du maire de Nénéfesha, ainsi que 15 Chinois, 3 Ghanéens et un ancien agent du Parc qui jouait le rôle de facilitateur, a fini de faire penser aux sénégalais que l’opacité autour des ressources naturelles ne concerne pas seulement le pétrole et le Gaz.

Il y’a de quoi heurter la conscience collective quand on voit que de jour en jour, des fonctionnaires sont cités dans de tels scandales. Si c’est en Casamance, c’est le pillage des forêts et des ressources halieutiques qui est à la mode, dans le Nord, c’est le bradage des terres qui est la principale activité. Par contre à Kedougou, ce sont les richesses minières qui sont laissées à la merci de mafiosos, soutenus par une certaine administration. Cela heurte d’autant plus que Kédougou malgré toutes « ses richesses », demeure la région la plus démunie du Sénégal. À qui profite finalement toute cette manne que Dame Nature a bien voulu doter le Sénégal ?

L’infiltration des orpailleurs dans le parc national Niokolo-Koba, un fait réel

A Niéméninké, village en bordure du Parc National de Niokolo Koba, c’est une omerta totale comme si une consigne avait été donnée pour ne pas répondre aux questions de votre serviteur. Après quelques essais, Seydou Cissokho, orpailleur de son état, consent à nous parler. « Donnes 150 000 FCFA, je te laisse chercher de l’or dans le parc«, tels sont les propos des Gardes postés en face quand on leur demande l’autorisation de pénétrer dans la zone protégée.
« Autrefois, nous autochtones pouvions accéder au parc mais ils ne voulaient pas voir d’étrangers circuler dans le parc sans autorisation. Maintenant, tout orpailleur qui versera 150 000 FCFA sera autorisé à entrer dans le parc pour y exploiter de l’or. Celui qui déroge à cette règle sera bastonné. Nous versons cette somme aux agents du parc sans quittance de versement. Celui qui entre de façon frauduleuse sans emprunter ce chemin, s’il est propriétaires de détecteur de métaux, en cas de saisie, il doit payer 300 000 ou 200 000 FCFA pour retirer son appareil », soutient Seydou Cissokho.

Un modus operandi très huilé avec des éclaireurs aussi bien dans le village qu’à proximité des diourias pour vérifier la quantité trouvée

Rien que dans le village de Niéméniké, les Gardes disposaient de 5 dirigeants (Surveillants, peseurs, acheteurs…). En cours de route, Demba Fané, l’instituteur de l’école qui compte trois salles de classe, tient également à donner des précisions sur le modus operandi mis en place et connu de toute l’administration mais, qui préfère regarder ailleurs.
« Nous avons tout fait pour dénoncer cette situation mais aussi les chefs de village que les autorités de l’arrondissement et de la Commune gardent le silence. Pour entrer dans le parc, les gens forment de petits groupes. Le groupe ne doit pas dépasser 6 personnes. Les étrangers, notamment les guinéens y sont plus nombreux, il y a aussi des nationaux. Les guinéens y passent beaucoup plus de temps, deux semaines ou 1 mois. S’ils versent 150 000 FCFA, cette autorisation n’est valable que pour 3 jours. Au-delà de cette période, ils sont obligés de sortir qu’on trouve ou qu’on ne trouve rien » a-t-il ajouté.

L’instituteur qui dit avoir de la peine à se retrouver avec six élèves par jour pour cause d’orpaillage, précise, « Les choses ont pris de l’ampleur quand les chinois ont commencé à venir. Ces derniers viennent à bord de voitures avec beaucoup d’argent et des intermédiaires armés jusqu’aux dents. Ils paient jusqu’à 1.500.000 francs par orpailleur et pour quinze jours avant de partir en laissant leurs intermédiaires sur place. Ils reviennent au bout de quinze jours pour récupérer l’or trouvé et il arrive parfois que cela se termine par des tirs d’arme à feu ».

À Mako où se trouve la deuxième plus grande exploitation après Sabadola Gold et qui n’est pas éloigné de Niéméniké, la base des agents du parc national du Niokolo Koba, les agents n’ont pas voulu se faire enregistrer au micro car n’ayant aucune autorisation de la hiérarchie. Cependant, sous le couvert de l’anonymat, quelques uns ont voulu tenir ces quelques propos.

A constater les conditions d’existence des Gardes du Parc avec un logement indigne d’un agent de l’état, vétuste, sans électricité ni eau courante avec des lits inconfortables, il est facile de comprendre comment la corruption a pris tant d’ampleur. Comment peut-on en vouloir à des gens qui ont des milliards sous leurs pieds d’observer en silence l’enrichissement sans cause d’individus venus d’ailleurs?

« Sans l’autorisation du conservateur, nous ne pouvons pas répondre à vos interrogations. Entre nous nous pouvons vous confier ceci. L’infiltration des orpailleurs dans le parc national Niokolo-Koba est un fait réel. Tout ce que les populations racontent là-bas ne sont que de fausses allégations. La plupart des populations sont des complices. Elles sont corrompues. Ce sont elles qui accueillent ces étrangers. Nous menons des patrouilles régulières dans le parc national. Nous procédons à des interpellations. Nous avons saisi une cinquantaine de détecteurs et plusieurs motos. La circulation dans le parc est formellement interdite. Il faut avoir une autorisation du conservateur ou payer les droits des visites à raison de 2000f/24h pour les touristes. L’argent collecté est versé dans les caisses de l’Etat. Nous menons également des actions de sensibilisation pour une bonne conservation du parc. D’ailleurs nous utilisons un braconnier reconverti comme indicateur. Avec l’appui du comité de vigilance de Tambanoumouya, nous avons interpellé récemment 2 guinéens qui ont été déférés à Tambacounda Nous sommes exposés à la fièvre Ebola car nous procédons régulièrement à des arrestations de personnes dont nous n’avons aucune idée sur leur état de santé» ont-ils précisé sans décliner leur identité.

Après les « confidences «  des agents, nous avons joint au téléphone, le conservateur du parc National. Ce dernier de nous préciser, « Je suis en congé et présentement, je suis à Tivaoune à une levée du corps, traitez la question avec mon adjoint à Tambacounda …» a-t-il conseillé.
Malheureusement, nos tentatives pour joindre son adjoint ont été jusque là vaines. Le téléphone du bureau a sonné, sonné…. Aucune personne au bout du fil…

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