dimanche, 24 novembre 2024 19:01

Covid19 : Conséquences de la fermeture de la frontière gambienne, corruption et accidents gangrènent le trafic

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Avec la levée de l’état d’urgence, les sénégalais pouvaient reprendre leurs activités et se déplacer sur l’ensemble du territoire national sans autorisation. Si certains ont tapé des deux mains face à cette décision qui ouvre de nouvelles perspectives, les populations de la région méridionale continuent de souffrir le martyr. Pour cause, la fermeture maintenue de la frontière gambienne qui oblige à faire plus que le double du trajet en empruntant le détour par Tambacounda. Au delà des difficiles conditions, chauffeurs, transporteurs et usagers dénoncent la corruption et la recrudescence des accidents. Enquête 

871 kilomètres contre 441 en passant par la Gambie. C’est le calvaire que vivent les usagers de la route. Pire, en cette période de pré Tabaski où les déplacements sont plus nombreux car chacun souhaitant passer la fête en famille malgré le Coronavirus qui continue de faire des victimes. Cette situation rappelle aux autorités l’urgence de désenclavement de la région naturelle de la Casamance qui aujourd’hui encore, continue de lier son essor à la volonté des autorités gambiennes. On se rappelle encore des joutes entre transporteurs des deux pays qui avaient débouché sur le blocus des frontières, causant un tort énorme aux usagers.

Si les usagers sont obligés de souffrir le martyr sur cette longue distance, d’autres facteurs commencent également à peser sur leurs nerfs et leur portefeuille. Pour les passagers qui sont obligés de prévoir un supplément pour leurs besoins alimentaires sur ce trajet qui dure entre 16 et 20 heures de route, souhaitent la réouverture du corridor gambien pour alléger leurs souffrances. Par contre, les chauffeurs et transporteurs n’en peuvent plus entre le racket institué, la fatigue, les accidents et les nombreux dangers comme les coupeurs de route.

Si Banjul n’ouvre pas la transgambienne en imposant des mesures pour lutter le Coronavirus, il va s’en dire que les usagers (chauffeurs et clients) boiront le calice jusqu’à la lie. D’ailleurs, les transporteurs commencent à se faire entendre et cela pourrait se concrétiser par une hausse du tarif dans les prochaines heures.

« Plus de 24 points de contrôle entre Dakar, Mbour, Fatick, Kaolacck, Kaffrine, Tambacounda, Kolda a et Ziguinchor et chaque fois, il faut passer à la caisse si tu ne veux pas être retardé », déplore Seydou Ndour chauffeur de « Bus Horaire »

Trouvé au garage Bignona alors qu’il s’apprêtait à prendre départ pour Ziguinchor, Seydou, chauffeur de bus a tenu à déverser sa bile sur tous. Le gouvernement, les forces de sécurité, les transporteurs, etc … chacun en a pris pour son grade.

« Avec le virus, nous sommes restés plus de trois mois sans travailler. Pour certains, nous étions retenus à l’intérieur car ne pouvant rejoindre nos bases et nous avons vécu l’enfer sans le soutien de personne, aussi bien de nos patrons que de l’état ou des syndicats », rouspète notre interlocuteur.

Pour Seydou, « Aujourd’hui, avec le trajet qui fait le double en temps de paix donc plus de dépenses, l’état ne veut que nous augmentons billets et ne veut pas les subventionner. Au même moment, nos patrons exigent que nous continuons de verser les mêmes montants », renseigne t-il et de préciser « Avec la reprise, tu peux quitter Dakar jusqu’à Ziguinchor avec seulement 30 clients sur 65 et, on est tenu d’y aller et cela, les forces de sécurité ne cherchent pas à comprendre les difficultés. Tu donnes où on te retarde car maintenant, ils ne veulent plus verbaliser les chauffeurs ».

« A chaque point de contrôle, je descends pour remettre soit 1000 ou 2000 francs sinon tu risques de faire 48 heures sur la route. Si tu ne veux pas de problèmes, il faut faire du « Sampale » et on ne contrôle même pas si les pièces du véhicule sont corrects », explique Galass un apprenti sur le même tronçon

Faisant le trajet depuis plusieurs années déjà, Galass dit connaître tous les postes de contrôle et même la plupart des agents mais, malgré cela il est obligé de se conformer à la règle et de faire du « Sampale » pour éviter les tracasseries du genre « ton pneu est usé », « ton frein n’est pas bon », « montre moi les papiers du mouton » ou « pourquoi tu as mis ce type de pare-chocs,c’est pas réglementaire ».

« De Dakar à Ziguinchor, je prévois pour le « Sampale » entre 45.000 et 80.000 francs chaque voyage. C’est la règle et même si tous tes papiers étaient en règle, c’est ça ou perdre du temps ou laisser les pièces afférentes au véhicule sur place au risque de les perdre », nous explique Galass.

Selon ce dernier, les contraintes étaient moindres quand on passait en Gambie où tu gagnais du temps et du gasoil même si tu donnais sur la route. Mais avec le contournement, le gouvernement devrait demander à ses agents d’être moins voraces car si cette situation perdure, nous serons obligés de répercuter ça sur les clients nous aussi ».

Galass de conclure, « imaginez seulement avec 30 ou 40 clients soit 320.000 francs maximum plus 100.000 francs pour les bagages, tu prends du gasoil pour 210.000 francs, tu distribues entre coxeurs et cotisations de garage 35.000 francs  sans compter 80.000 francs de « Sampale », ce qui te fait quelques 325.000 francs sur les 420.000 encaissés au moment de quitter, il ne te reste rien car le propriétaire attend sans oublier les pannes et autres aléas ».

 « La distance est trop longue surtout pour nous les femmes et les personnes âgées. Des fous, c’est vrai, on est retenu longtemps à des postes de contrôle et quand l’apprenti remet quelque chose, le bus repart. Cela nous fait mal de voir les représentants de l’ordre se conduire de la sorte devant nous », témoigne Marie Diatta, une commerçante 

Pour cette dame trouvée sur place qui repart pour Oussouye, le constat est le même. « La distance est trop longue et il arrive que nos produits se décomposent sur le trajet. Si le prix du billet est resté le même, les bagages sont taxés plus ».

Marie Diatta commerçante de produits forestiers depuis des années , fait la navette entre Oussouye et Dakar. Elle fait le trajet deux fois par mois pour venir écouler sa marchandise. Pour cette mère de famille, veuve, « Non seulement la route est dangereuse parce que nous entendons souvent qu’il y’a des braquages et même des gendarmes ont été tués par ces agresseurs qui pullulent dans cette zone, mais il y a beaucoup de tracasseries ».

« Juste après la levée de l’état d’urgence, je me rappelle que nous avons passé plus de 50 minutes à un poste de contrôle parce que les agents voulaient plus selon l’apprenti à qui nous avons demandé les causes de ce long arrêt », explique la bonne dame. Pour elle, « Ce genre de comportement n’est pas élégant surtout devant nous citoyens, au moins, ils peuvent faire semblant de faire leur travail mais, c’est comme si c’était une règle ».

Et Marie de nous expliquer son expérience, « la semaine passée en venant de Ziguinchor, avant Fatick, le chauffeur m’a réveillé pour dire de répondre à l’agent. Ce dernier me demandait si j’avais des certificats sanitaires pour mes mads  et mangues autrement, je devais payer 25.000 francs ou on allait descendre mes bagages. Comme je fais ce travail depuis 14 ans, je sais pour quels produits il faut trouver des certificats et quand je lui ai dit qu’il n’était pas agent des Eaux et Forêts pour me réclamer ce papier, il m’a accusé de l’avoir outragé. Pendant plus d’une heure, le véhicule était à l’arrêt à cause de moi et le chauffeur a été vraiment brave en disant à l’agent que je n’avais rien fait et qu’il témoignerait partout où ce sera nécessaire ».

Khadim Mbodj (Atlanticactu.com)

 

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