Face à la répression policière et aux arrestations tout azimuts de manifestants, les magistrats français alertent le gouvernement sur les dérives des forces. Mieux, ils dénoncent les entraves aux libertés publiques et les violences exercées sur des citoyens qui expriment un droit constitutionnel. C’est ainsi que la presque totalité des manifestants arrêtés ont été relaxés, faute de charges retenues contre eux.
Les manifestations ont envahi toute la France qui s’en trouve paralysée, et les autorités ont eu recours à la manière forte, à coups d’arrestations et de gardes à vue, pour bâillonner l’expression et essayer de stopper l’hémorragie.
Face à ces « dérives du maintien de l’ordre, et à toutes les violences policières illégales », le Syndicat de la Magistrature a fait part, par la voie d’un communiqué, de son rejet de toute ingérence ou instrumentalisation de l’appareil judiciaire, visant à le détourner pour le mettre au service de l’Exécutif.
Refusant de se laisser « utiliser » pour réprimer les protestataires, le Syndicat a exprimé sa condamnation de ces pratiques d’un gouvernement « incapable de mener une réforme des retraites sans recourir à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution », et qui « entend maintenant bâillonner l’expression de la contestation en réprimant avec brutalité le mouvement social, né de l’impossibilité de faire entendre autrement une opposition pourtant massive ».
« De nombreux rassemblements se sont ainsi tenus depuis jeudi dernier sur l’ensemble du territoire pour exprimer une colère sociale, tandis que depuis plusieurs semaines des milliers de personnes battent le pavé pour interpeller le gouvernement sur le rejet de sa réforme », rappelle le Syndicat, notant que « ces mouvements trouvent pour réponses une restriction des libertés d’aller et venir, de réunion et d’expression, ainsi que la violence d’un maintien de l’ordre accompagné d’une répression policière destinée à dissuader par la peur les manifestant-es d’exprimer l’absence d’adhésion populaire à cette réforme ».
Il souligne à ce propos que « l’interdiction de la manifestation sur la place de la Concorde à Paris ce 18 mars s’est ainsi soldée par une multitude de placements en garde à vue, sans éléments pour caractériser une infraction ».
« Sur 292 interpellations, 283 ont ainsi donné lieu à un classement sans suite. Cette utilisation dévoyée de la garde à vue illustre les dérives du maintien de l’ordre, qui détourne l’appareil judiciaire pour le mettre entièrement à son service », fait encore remarquer le syndicat.
Exprimant sa condamnation de « cette politique de répression du mouvement social et toutes les violences policières illégales qui seraient survenues au cours des derniers jours », il a appelé « à ce qu’elles ne demeurent pas sans suite, sans attendre de nouveaux drames ».
Et dans ce contexte « inquiétant qui s’étend au-delà de la capitale et révèle une crise sociale d’ampleur », le syndicat a appelé « le pouvoir exécutif, dans le strict respect de la séparation des pouvoirs, à laisser l’autorité judiciaire exercer son office de protection de la liberté individuelle, sans ingérence ni instrumentalisation ».
Pour rappel rappel, la France est depuis quelques jours proie à une contestation sans précédent contre la réforme des retraites que le gouvernement d’Elisabeth Borne a fait passer de force à l’Assemblée nationale en recourant à l’article 49.3, sans passer par le vote.