jeudi, 21 novembre 2024 22:03

Guinée : À la recherche d’un second mandat à la tête de la CEDEAO, Umaru Embalò a-t-il été rejeté par ses pairs ?

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Guinée Bissau
Atlanticactu / Abuja/ Cheikh Saadbou Diarra
En fin de mandat à la tête de la CEDEAO, le « général » Umaru Embalò qui espérait prolonger son bail, risque de voir son ambition fondre comme neige au soleil. L’un de ses principaux soutiens Muhammad Buhari quitté la présidence nigériane après deux mandats et, Macky SALL qui vient d’annoncer qu’il ne briguera pas un troisième mandat illégal, n’a pas été satisfait de la prestation de son protégé à la tête de la CEDEAO. Les intrigues sont ouvertes autour de la désignation du prochain président de la Cedeao même si le nouveau président nigérian Bola Tinubu est désormais favori pour prendre les rênes. 
Candidat pour un deuxième mandat à la tête de l’organisation régionale, le président bissau-guinéen Umaro Sissoco Embaló voit ses chances de reconduction fortement hypothéquées. En coulisses, les tractations entre chefs d’Etat ont d’ores et déjà commencé alors que le leadership de la Cedeao est plus que jamais contesté.
C’est une grand-messe qui pourrait cristalliser toutes les tensions politiques régionales des derniers mois. Le 9 juillet, les chefs d’Etat de la Communauté Économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) se retrouveront pour un sommet inédit dans la capitale bissau-guinéenne. Si l’ordre du jour officiel consacré une large place aux transitions au Mali, au Burkina Faso et En Guinée, c’est un tout autre sujet qui devrait en réalité planer au-dessus du huis clos des dirigeants ouest-africains : la présidence de la CEDEAO.
Cette dernière est assurée, depuis juillet 2022, par le chef de l’Etat bissau-guinéen, Umaro Sissoco Embaló. Mais le mandat de l’ex-cadre du Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC) arrive à échéance en juillet. S’il tente, depuis quelque temps, de faire campagne auprès de ses homologues ouest-africains pour être reconduit à la tête de l’institution – ce qu’avait obtenu son prédécesseur, le Ghanéen Nana Akufo- Addo, en 2021 -, ses chances sont en réalité infimes. En effet, ces derniers mois, le général de réserve à l’éternel keffieh s’est vu coupé de ses principaux parrains régionaux, au premier rang desquels figure le président sénégalais, Macky Sall, au point que ce dernier est désormais l’un des plus farouches opposants à une reconduction d’Embaló.
« Pour avoir « refusé de s’impliquer » dans le bourbier sénégalais, la rupture entre Macky Sall et Umaru Embalò serait déjà actée. Aujourd’hui, l »ancien protecteur ne ménage pas les critiques à l’égard du « général » Embaló ».
En privé, le président sénégalais a confié à au moins deux de ses homologues de la CEDEAO son souhait de ne pas voir son protégé le « général » Embaló rempiler. Une volte-face pour celui qui avait été, il y a un peu plus d’un an, l’un de ses plus solides soutiens alors que la candidature du Bissau-guinéen à la tête de l’organisation régionale suscitait des doutes et l’opposition de plusieurs présidents.
Si les raisons de la mésentente entre les deux hommes demeurent floues, plusieurs sorties d’Umaro Sissoco Embaló semblent avoir irrité le président sénégalais, qui s’estime agacé mais aussi déçu par la diplomatie et le manque de stature de celui qu’il a soutenu. Par ailleurs, certains propos tenus en privé par le président bissau-guinéen, et rapportés à Macky Sall, ont singulièrement déplu, selon Africa Intelligence. Notamment, un échange durant lequel Umaru Embaló, ouvertement favorable à une limitation à deux mandatures, aurait évoqué en des termes très directs l’éventuelle volonté de Macky Sall de se présenter en 2024. Une détermination qui préoccupe bien au-delà de la région et qui a déclenché des mouvements de protestations au Sénégal en juin. Une attitude qui, dans le climat actuel de paranoïa aiguë entre les chefs d’Etat de l’organisation régionale, a mécontenté au sommet de l’Etat sénégalais.
Une autre source confie qu’en pleine campagne électorale, le « général » du Gabu avait été sollicité par son frère Macky Sall, alors en pleine crise politique suite aux émeutes post arrestation du leader de l’opposition Ousmane Sonko. Non seulement Umaru Embalò aurait refusé de s’immiscer une deuxième fois entre les deux hommes mais, il aurait cassé du sucre sur le dos son bienfaiteur 
« Après les refus de Macky SALL, Patrice Talon ou Faure Gnassingbé, trop occupés par des situations politiques internes, la CEDEAO cherche un successeur au « général » du Gabu »
Dans sa course à la reconduction, Embaló a aussi perdu un second allié de poids avec le départ, fin mai, de l’ancien président nigérian Muhammadu Buhari. Issu, tout comme Umaro Sissoco Embaló et Macky Sall, de la communauté peule, l’ancien maître d’Abuja avait endossé le rôle de parrain régional du président bissau-guinéen depuis son élection contestée en décembre 2019. Son successeur, Bola Ahmed Tinubu, n’est ni un intime ni même un familier du Bissau-Guinéen. Privé de ses deux protecteurs, Umaru Embalo continue néanmoins de faire campagne auprès d’une poignée de ses homologues francophones, pour le moment sans succès.
En coulisses, les chefs d’Etat de la Cedeao mènent depuis le mois de mai une série de tractations informelles pour trouver un successeur au président bissau-guinéen. Selon la coutume, le poste devrait revenir à un président francophone. Depuis sa création en 1975, le processus de désignation pour la présidence de l’organisation a pour règle d’alterner entre pays francophones et anglophones.
Embaló, qui était devenu le premier chef d’Etat lusophone à prendre les rênes de la Cedeao, avait fait de l’opposition à cette règle son principal argument de campagne. Mais, dans un contexte qui voit la Guinée, le Burkina Faso et le Mali suspendus de l’organisation sous-régionale, les options sont particulièrement réduites pour désigner un dirigeant francophone. Parmi les trois scénarios sont actuellement sur la table, Patrice Talon est le mieux placé pour être désigné par ses pairs. Le successeur de Thomas Yayi Boni fait, sur le papier, figure de candidat idéal : il n’a jamais assuré la présidence de la Cedeao et effectue son second mandat en tant que président du Bénin. Il est par ailleurs le doyen par la longévité au pouvoir des chefs d’Etat francophones n’ayant pas encore assuré la présidence de l’organisation.Les tractations entre les capitales ouest-africaines pour désigner le nouveau président de l’organisation régionale s’intensifient.
L’hypothèse d’une attribution du poste au nouveau chef de l’Etat nigérian, Bola Tinubu, fait désormais office de scénario privilégié.
« Après le passage du « général » Umaru Embalò, la CEDEAO est devenue une organisation régionale plus que jamais fragilisée. Considérée qu’elle est comme le bras politique de l’Elysée » 
Fonction longtemps convoitée par tous les chefs d’Etat ouest-africains, la présidence de la CEDEAO ne suscite désormais qu’un intérêt très limité. Le leadership de l’organisation est plus que jamais affaibli, contesté par l’émergence des juntes. Un tournant initié au lendemain du second coup d’Etat du colonel malien, Assimi Goïta, en mai 2021.
Défiée par les putchistes maliens en dépit des sanctions prises par l’organisation régionale, celle-ci n’a en réalité jamais été vraiment en mesure d’afficher son unité et sa fermeté face à une junte qui n’a cessé de la désigner comme la principale cible de la contestation populaire. Un précédent dont s’est largement inspiré le président de la transition guinéenne, Mamady Doumbouya, tombeur d’Alpha Condé en septembre 2021. S’il s’est finalement accordé sur un chronogramme avec la Cedeao pour la tenue d’une élection présidentielle en janvier 2025, l’organisation avait initialement décrété une transition de six mois et la tenue d’un scrutin à la magistrature suprême prévu pour se dérouler au mois de février 2022.
Contrainte au silence suite aux échecs du général Umaru Embalò et de la Troïka des Chefs d’État face à l’émergence de jeunes colonels et capitaines putschistes, l’organisation régionale doit aussi essayer de surmonter ses lignes de fracture interne sur l’épineuse question des troisièmes mandats. Alors que Macky Sall  vient d’annoncer sa non candidature à la présidentielle tout en scellant le sort politique de son principal adversaire Ousmane Sonko, et que les transitions en cours au Mali, au Burkina Faso, et en Guinée pourraient encore réserver leur lot de surprises, la prochaine présidence de la CEDEAO revêt des airs de cadeau empoisonné.

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