C’est un secret de polichinelles que de dire que les juges n’aiment pas les puissants en général. C’est pourquoi dans beaucoup de cas, il faut craindre d’être puissant face aux juges surtout en Afrique. En devant faire face au juge du 8ème cabinet mercredi, Ousmane Sonko devrait déjà intégrer que les poursuites sont excessives, pour ne pas dire très partiales et, last but not least, compromettent très fortement ses chances en politique tout en constituant un rude coup pour les futures ambitions politiques dans ce pays.
Un « acharnement judiciaire », a entonné Cheikhou Sow membre de Pastef, épinglant « les méthodes et l’indépendance » du Parquet. « Une convocation extrêmement dure dans un dossier particulièrement faible et léger », a renchéri Bruno Sarr du Parti Socialiste. « Toutes les voies doivent être utilisées pour qu’il puisse laver son honneur et que vérité soit faite », a laissé entre Ndèye Penda Badiane, l’une des principales responsables en Allemagne. Depuis le début du mois de février, les ténors de Pastef, surpris par cette convocation, ont tant bien que mal tenté de contrer l’accusation de viols dont est victime Ousmane Sonko
Oscar Wilde, victime s’il en fut d’une justice brutale, affirmait que dans toute affaire juridique l’accusé joue sa vie, et que toute sentence est une condamnation à mort. C’est assurément une mise à mort politique que vont assumée les juges en continuant vaille que vaille à vouloir instruire une affaire qui le départ, a eu le mérite de laisser d’énormes brèches qui créditent que la thèse du viol ne tient pas la route, accréditant du même chef, la thèse du complot d’état. Au sortir de son face à face avec le magistrat instructeur, ce qui n’est pas encore évident – puisque le député Ousmane Sonko considère que son immunité est encore intacte – il est certain que l’horizon de l’homme politique sera brutalement assombri.
« Il faut au delà de cette affaire Ousmane Sonko que le Parquet prenne son courage à deux mains pour faire bouger les nombreux dossiers dans lesquels des pontes du régime sont impliquées. La justice ne peut plus être un broyeur d’ambition politique à l’égard des opposants »
Une affaire qui semble susciter méfiance, désarroi et dégoût au sein de la magistrature. D’ailleurs, « Après Karim Wade, Khalifa Sall, Ousmane Sonko sera l’agneau du sacrifice de trop », peste un magistrat. Ce dernier poursuit, « Si le Président Macky Sall veut que les institutions fonctionnent et qu’elles s’éloignent de l’époque inquiétante où les puissants étaient protégés, il faut que les affaires pendantes concernant ses proches, soient vidées ».
C’est la troisième fois qu’un potentiel successeur de Macky Sall à la tête du pays se voit poursuivi par la justice. Si les cas Karim Wade et Khalifa Sall pouvaient passer comme lettre à la poste du fait qu’il s’agissait de gestion des deniers publics, celle qui colle à Ousmane Sonko, aussi privée soit-elle, a vu un déferlement et un engagement du pouvoir comme si le seul mot d’ordre est la mise à mort de l’enfant terrible de la politique sénégalaise.
Avec les feuilletons Karim Wade, Khalifa Sall, Dane Justice a aujourd’hui l’occasion de se parer pour charmer à nouveau les sénégalais au nom de qui le droit est dit
Difficile, dans ces conditions, d’imaginer que les juges auraient pu faire totalement abstraction de cette dimension. D’autant plus que, le député n’a jamais été tendre avec le système dans lequel émarge la confrérie des magistrats, les juges assument désormais le combat frontal contre les hommes politiques… de l’opposition seulement.
Pour être respectée, la justice ne doit pas être suspectée. Or, prise dans un entrelacs de conflits publics et de règlements de comptes entre ses membres et ses contempteurs, le parquet et même certains cabinets d’instruction sont considérés à tort ou à raison comme des officines d’exécution des opposants ayant commis le « délit d’ambition ».
Que les réquisitions contre X aient été suivies à la lettre par le juge ne démontre pas que le Procureur était fondé à se comporter ainsi, mais seulement que les magistrats s’épaulent entre eux. Et ça n’enlève rien non plus au malaise qu’on ressent face à une justice dont les intérêts politiques et professionnels sont constamment en conflit les uns les autres.
Il fut un temps, lointain, où il fallait se garder d’être faible face à la justice du roi ; il faudrait maintenant craindre d’être puissant face à celle de la République.
Pape Sané