jeudi, 28 mars 2024 08:53

Camp Claudel : La DSCOS met à la rue les familles civiles

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Ce samedi, les gendarmes de la DSCOS ont expulse six familles du Camp Claudel. Ces familles qui étaient des ex employés de l’armée française occupante des lieux depuis les indépendances jusqu’en 2011, date à laquelle les militaires français ont vidé les lieux au bénéfice des officiers sénégalais. Si certains parlent d’un projet de construction d’un centre médical, Atlanticactu a appris qu’il n’en est rien et que de hauts responsables intéressés par le site – situé sur la corniche – sont à l’origine de cette opération d’expulsion des six familles.

Téléphone scotché à l’oreille, Souleymane Touré, vêtu d’un tee-shirt blanc immaculé, fait des va et vient. Visiblement très agité, il explique à son interlocuteur la situation à très haute voix. La cour de sa maison est sens dessus dessous. Un désordre indescriptible y règne. Des ustensiles de cuisines sont visibles par ici. Des sacs en plastiques remplis de vêtements sont éparpillés çà et là. Frigos, matelas, lits, armoires, canapé, cuisinière, jonchent le sol. Sa femme, l’air désemparé, scrute le ciel nuageux qui, en cette période d’hivernage, peut ouvrir ses vannes à tout moment. La tristesse se lit sur les visages de leurs enfants qui, dans un mutisme parlant, observe la situation. Souleymane Touré doit, avec sa femme et ses 7 enfants, quitter le logement qu’il occupe. Agent de marine française, il y vit, selon lui, depuis plus de 25 ans. Mais aujourd’hui, il doit abandonner cette maison où tous ses enfants sont nés.

En effet, Souleymane Touré fait partie des 6 familles civiles qui logent à la Cité Claudel. Des femmes qui ont été sommées de quitter les lieux. Pour cause, ce site ne leur appartient. Il appartiendrait à l’armée sénégalaise qui, selon nos informations, veut y construire un établissement sanitaire. En effet, 50 âmes, réveillent quotidiennes dans 6 maisons dont leurs pères de familles étaient des anciens travailleurs de l’armée française. Après avoir reçu une sommation de 13 jours qu’ils n’ont respecté, ils ont, ce samedi 15 août 2020, été surpris par les éléments de la Direction de la Surveillance et du Contrôle de l’Occupation du Sol (DSCOS) qui ont décidé de les déloger de force. Des familles qui, ne sachant où aller, risquent de passer la nuit à la belle étoile. Nichée sur la corniche, non loin de la Cour suprême, la cité claudel abritait les résidences de l’armée française. Des soldats français et des employés civils sénégalais y vivaient. Et, le 15 juillet 2011, tout ce beau monde est parti, laissant sur place seules 6 familles civiles. Et, les maisons laissées par les soldats français, sont aujourd’hui occupés par des gradés de l’armée sénégalaise.

Qui veut faire main basse sur les 2000 mètres carrés jadis occupés par les personnels civils de l’armée française ? Plusieurs responsables politiques cités comme futurs bénéficiaires 

« Nous vivions en parfaite harmonie avec les officiers supérieurs de l’armée française. Mais nos déboires ont commencé en 2011 avec l’arrivée de l’armée sénégalaise. Aujourd’hui, l’armée sénégalaise veut nous faire comprendre que c’est un camp militaire. Ce qui est archi-faux », a expliqué Souleymane Touré. Son argumentaire est perturbé par un coup de téléphone. Il interrompt l’entretien, répond brièvement son interlocuteur et promet de le rappeler. A l’aide d’un foulard rouge, il essuie les grosses sueurs qui perlent son visage et poursuit ses explications.

« En 2015, l’armée a voulu nous déloger. Elle avait saisi la justice et avait eu gain de cause parce qu’elle nous avait surpris. Nous n’avions pas d’avocat et on ne s’était pas préparé. Nous avons fait appel à la décision qui a été rendue en première instance et elle a été infirmée. La Cour d’appel, estimant que l’armée n’avait pas le droit de nous déloger, que les logements appartenaient à l’Etat du Sénégal, nous a donné raison. D’après la Cour d’appel, seul l’Agent judiciaire de l’Etat est habilité à nous demander à quitter les lieux », a expliqué Souleymane Touré qui dit qu’il n’a nulle part où aller avec sa famille. Ce, surtout en cette période d’hivernage ponctuée par la maladie du coronavirus.

La DSCOS sert une mise en demeure de 13 jours à ceux qui depuis près de 40 ans, occupent les lieux. Que cache cette précipitation ? A qui profite le crime ?

La maison de Souleymane Touré est accolée à celle des Mbodji. Ici aussi c’est la tristesse. Les visages sont lourds de chagrins. Les femmes rangent des bagages légers, tandis que les hommes se décarcassent pour démonter les lits. Omar Mbodji, retraité, est le père de la famille et il est par ailleurs le chef de quartier. Il occupe cette maison depuis 1988. La voix cassée, il sort difficilement les mots pour donner sa version des faits. Selon lui, les 6 familles victimes ne disposent certes pas de papiers attestant qu’elles doivent rester sur les lieux éternellement mais, précise-t-il : « c’est l’ancien président de la république, Me Abdoulaye Wade qui nous avait demandé de rester ici. C’est le dernier camp qu’il a visité avant de quitter le pouvoir. Quand il est venu ici, nous sommes allés le rencontrer pour lui expliquer notre situation. Il nous a dit qu’il ignorait que des sénégalais vivaient ici. Il a signé un décret en disant qu’il attribuait cet endroit aux militaires, à l’Université de Dakar et à nous les anciens retraités », explique-t-il.

Selon lui, la cause de ce déguerpissement est du fait qu’ils ont voulu ériger une mosquée dans la zone et les militaires s’y sont opposés. A quelques encablures de là, se trouve la maison des Ndiaye. Ici, les éléments de la DSCOS déployés sur les lieux sont à l’œuvre. Ils chargent dans un camion les bagages. Les femmes pleurent. Les hommes, impuissants, restent amorphes. Ceux qui tentent de filmer la scène ne le referont pas. Leurs téléphones portables sont confisqués par les autres gendarmes qui assuraient la surveillance des lieux. « Le propriétaire de cette maison a piqué une crise quand les gendarmes ont débarqué chez lui. Ses enfants l’ont acheminé à l’hôpital. S’il meurt, nous allons déposer une plainte », la dame Maimouna Bathily, présidente des femmes qui demande à la première dame de leur venir en aide. Trouvé sur les lieux, le chef des opérations de DSCOS n’a pas voulu se prononcer sur le sujet. « Rapprochez-vous de la Direction de l’Information et des Relations Publiques si vous voulez avoir des informations. Cette affaire est interne à l’armée », a-t-il dit. Sans aucun autre commentaire.

 

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