Partira, partira pas, le départ du ministre de la justice Me Malick Sall est devenue une exigence pour les magistrats qui disent à l’unisson n’avoir jamais eu à travailler avec un Garde des Sceaux aussi réfractaire au dialogue et adepte de l’affrontement. Aujourd’hui, faute d’un Premier ministre, l’union des Magistrats du Sénégal exige parallèlement de Me Malick Sall qu’il se désiste de ses pouvoirs en faveur du Président de la République.
À une quasi unanimité. Les magistrats des Cours d’appel de Dakar, Thiès, Saint-Louis, Ziguinchor et Kaolack et certains présidents de chambre, des juges d’instruction et Substituts , ont décidé à travers une motion de soutien de clouer au pilori le garde des Sceaux, Me Malick Sall. Cette motion parcourue par Atlanticactu dénonce notamment le «conflit d’intérêts majeur dans lequel se place le garde des Sceaux qui a mis en cause le président de l’Ums », «s’alarme d’un discrédit sur l’institution judiciaire », accuse le ministre de la Justice de «piétiner le principe démocratique de la séparation des pouvoirs au profit d’intérêts strictement privés» et appelle le président de la République à agir. Cette motion particulièrement virulente s’ajoute aux autres notions bientôt publiques par les magistrats des autres juridictions.
Penser que la seule sortie du Premier président de la Cour Suprême Cheikh Tidiane Coulibaly allait calmer l’ardeur des magistrats d’en découdre avec leur ministre de tutelle, c’était ne pas comprendre la profondeur du fossé qui existe dorénavant entre l’UMS et Me Malick Sall dont le départ est considéré par certains magistrats comme une œuvre de « salubrité publique ».
Macky Sall « désavoue le Garde des Sceaux et accepte la médiation de Me Doudou Ndoye comme lors du bras fer avec les greffiers
Pour ce ministre Conseiller proche du président Macky Sall, « Me Malick Sall, le garde des Sceaux va devoir prouver son sens politique en réglant par lui-même la crise qui l’oppose au monde judiciaire et épargner le président d’une nouvelle guerre après celle des greffiers où le pouvoir a finalement mordu la poussière ».
Selon notre interlocuteur qui préfère ne pas gêner la démarche de Me Doudou Ndoye qui a proposé de jouer les sapeurs-pompiers dans cette crise, « il faut prendre la mesure du conflit, et jouer les ombudsmans dans une affaire qui tourne au vinaigre », a déclaré ce Conseiller qui nous apprend par ailleurs, avoir reçu des magistrats qui s’opposent de manière de plus en plus virulente au garde des Sceaux, Me Malick Sall.
Les magistrats ne comprennent pas cette volonté de « l’enquête administrative » – en vue d’éventuelles poursuites disciplinaires – diligentée par le ministre de la Justice dans le cadre de l’«affaire Teliko ». Ils lui reprochent un unilatéralisme et en appellent au «rôle constitutionnel (du président de la République ) de garant de l’indépendance du pouvoir judiciaire». Depuis, l’affaire s’est envenimée au point de friser la crise politique. Aujourd’hui, Cheikh Tidiane Coulibaly, le Premier président de la Cour Suprême, d’endosser le rôle de missi dominici pour tenter de la démêler, en appelant notamment au dialogue.
Car, comme fait remarquer un très proche connaisseur du dossier, «on ne peut pas diriger un tel ministère en faisant fi des syndicats de greffiers, de l’Union des magistrats du Sénégal. Après le Sytjust, le Garde des Sceaux doit recevoir très vite l’UMS afin de calmer le jeu. Si le président de la République était obligé d’intervenir, ce serait un camouflet politique pour Me Malick Sall ».
La sortie musclée et tancée du Premier président de la Cour Suprême n’a pas réussi à calmer l’UMS qui maintient le cap : le départ de Me Malick Sall, qui pour sauver le soldat Macky ?
Dans ce contexte où les deux camps se regardent en chien de faïence, il va s’en dire que seule une personnalité neutre pourra désamorcer la crise déjà profonde. Car, l’Union des magistrats n’entend pas non plus lâcher le garde des Sceaux en exigeant son départ quand ce dernier tient vaille que vaille à traduire Souleymane Téliko devant le Conseil de discipline.
Ce qui fait dire à ce membre de l’UMS « On ne peut réformer ou diriger une institution en piétinant ou insultant ses membre ». Pour ce dernier, Me Malick Sall après son échec face aux greffiers, a voulu redorer son blason en cassant du magistrat mais, « s’il a voulu engager un bras de fer, il a perdu d’avance, s’il a voulu faire un show médiatique, il a réussi mais c’est pitoyable », renseigne notre interlocuteur.
Et source de conclure , « Le ministre a déjà grillé ses chances de pouvoir faire bouger les choses avec la piteuse gestion de la grève (longue) des greffiers. La seule question est de savoir s’il pourra tenir longtemps à ce poste ». Et quant à une éventuelle rencontre avec le ministre, notre interlocuteur est formel, «Nous demandons donc au garde des Sceaux de mettre en œuvre l’article 2-1 du décret relatif aux attributions des ministres »,et de citer le texte: «Le ministre, qui estime se trouver en situation de conflit en informe par écrit le premier ministre, en précisant la teneur des questions pour lesquelles il estime ne pas devoir exercer ses attributions. Un décret détermine, en conséquence, les attributions que le Premier ministre exerce à la place du ministre intéressé. Ce dernier s’abstient de donner des instructions aux administrations placées sous son autorité ou dont il dispose, lesquelles reçoivent leurs instructions directement du Premier ministre».
Cheikh Saadbou Diarra