Dans son dernier adresse à la Nation lundi dernier, le Président de la République a pris certaines mesures allant dans le sens de « desserre » l’étau autour des populations qui bon gré malgré , ont accepté pendant plus de deux mois les affres du confinement. L’espoir avait jailli avec la promesse d’une éventuelle réduction des cas et d’une maîtrise du virus si les citoyens se pliaient aux interdictions mais, faute de moyens de subsistance (les denrées alimentaires tardant à venir), Macky Sall a tout simplement décidé d’opter pour la politique « du verre à moitié plein et du verre à moitié vide ». En fait, il a tout bonnement décidé de partager le gouvernail. Mais, il n’est pas à écarter l’idée de faire machine arrière face à un afflux de contaminations.
« Reconfinement en urgence », « coup de frein », « réversibilité »… Appelez cela comme voulez, mais l’hypothèse de replacer les citoyens »en quarantaine » est tout à fait envisageable en cas de retour massif de l’épidémie. Et le choix du président Macky Sall de « desserrer » l’étau qui est en soit une décision de portée sociale, est partagée par les soignants qui même en craignant un afflux de cas positifs, restent sensibles à la précarité grandissante des populations. La résilience a des limites.
D’ailleurs, nous relate un membre des services de Renseignement. Il est « impensable », selon lui, d’envisager un plan de sortie sans imaginer devoir peut-être faire machine arrière. Surtout en l’absence de vaccin, de traitement et au vu de la faible immunité atteinte aujourd’hui par notre société.
Mais sur quels critères cette décision tant redoutée pourrait-elle être prise ? À quelle échelle ? Et qu’est-ce que cela impliquerait concrètement ? L’Analyste de données au sein de la DGRI nous donne trois éléments que l’état va surveiller pour parer au plus pressé. Il s’agit selon lui :
Des trois indicateurs-clés suivants
Ces décisions prises en Conseil National de Sécurité, selon notre interlocuteur mettent en avant les critères permettant d’évaluer l’intensité de l’épidémie. Il s’agit peu ou prou de ceux ayant permis aux autorités de colorier les zones en rouge avant le 11 mai. Autrement dit, il y a trois grandes catégories :
– La « circulation active du virus », calculée à partir de plusieurs données régionales (Évolution des cas en quarantaine, la part de passages aux urgences pour suspicion de Covid-19, remontées de terrain des districts, postes et centres…).
– Le « niveau de tension » dans les services de réanimation et en soins intensifs. Une donnée disponible à l’échelon national et pour quelques régions.
– Les résultats des tests virologiques. « On évalue pour un district, on compte 2 nouvelles contaminations pour 10 000 habitants en sept jours. Nous, il faudrait que le nombre de cas par jour, au niveau national, double par rapport à ce qu’il est aujourd’hui pour que nous reconfinions », a indiqué notre source. Ce 12 mai, on comptait 106 nouveaux dépistages positifs en 24 heures.
« Reconfinement » : « Il serait déraisonnable de ne pas envisager un tel cas de figure compte tenu de ce virus qui est là plus que soupçonné et de plus en plus imprévisible », évoque ce Médecin qui officie au niveau du Centre d’accueil de Diamniadio.
« Si un certain nombre d’indicateurs se dégradent, on ne va pas attendre le 2 juin pour en tirer les conséquences », a prévenu l’homme de l’ombre qui renseigne d’ailleurs que bientôt les députés seront mis à contribution. Le 2 juin, pour rappel, c’est la date à laquelle de nouvelles annonces doivent être faites sur la suite à donner au déconfinement dans les zones rouges et vertes. Les restaurants, bars et les lieux cultuels et culturels seront particulièrement concernés par cette nouvelle phase.
L’idée de devoir faire machine arrière, en raison d’un nouvel afflux de contaminations, n’a rien d’impossible avec un reconfinement « le plus territorialisé possible »
Si un reconfinement s’impose, le gouvernement souhaite en tout cas l’adapter le plus possible aux situations locales. C’est-à-dire à l’échelle des « clusters ». Proximité donc, mais aussi réactivité. Dans un rapport »secret » remis au gouvernement, il est préconisé ainsi « d’armer » rapidement les capacités en lits de réanimation afin « d’être réversible très rapidement (dans des délais de 24, 48 ou 72 heures selon les lits) pour faire face à un nouvel afflux de patients ».
« Il est établi trois séries d’indicateurs pour décider d’un éventuel durcissement des mesures, explique un Commissaire de police qui au cœur des opérations. Un indicateur de « circulation du virus », des indicateurs de « capacité de lits hospitaliers et en particulier de réanimation » et les résultats des tests virologiques »
D’un point de vue économique et social, notre interlocuteur appelle aussi à « prévoir des dispositifs d’accompagnement sociaux et économiques de la nature de ceux mis en place durant la période de confinement », mais aussi à « mieux prévenir les risques psycho-sociaux du confinement, aujourd’hui mieux connus » (précarité, anxiété, craintes de nouvelles pathologies …).
En termes de limitation des déplacements, cela reste en revanche très flou. Y aurait-il à nouveau besoin d’une nouvelle autorisation de déplacement dérogatoire ?
« Avec « l’échec » des premières mesures, une grosse part du succès prochain est entre les mains » des citoyens
À l’instar du gouvernement, le Président Macky Sall a en tout cas lourdement insisté sur le « civisme » des sénégalais pour éviter un tel scénario noir. « Une grosse part du succès entre leurs mains », a-t-il répété. Exhortant notamment chaque personne à faire davantage preuve de responsabilités.
Des mesures saluées par la majorité des populations mais, soutient ce médecin « Il faut d’ailleurs se montrer ferme à l’idée de rendre obligatoire le masque dans l’espace public. C’est difficile de refaire confiance et donner des marges de manœuvre aux gens et vouloir tout réglementer ».
D’autant plus qu’à ce fragile équilibre, s’ajoutent les nombreuses zones d’inconnues sur ce virus. « Il pourrait aussi revenir pour une raison inexpliquée », a admis Docteur Seck , prenant en exemple la Corée du Sud, cet élève modèle victime ces derniers jours d’une brusque hausse du nombre de cas avérés.
Cheikh Saadbou Diarra (Atlanticactu.com)