Comme une symphonie bien huilée, les coups d’état dans le pré carré de l’ancienne puissance coloniale repoussent sans le dire l’hégémonie militaire française en Afrique de l’ouest. Indésirable au Mali et au Burkina Faso, la France qui avait regroupé au Niger l’essentiel de ses forces au Sahel, est sous une nouvelle menace. Si le coup d’état contre Mohamed Bazoum se confirme, la nouvelle génération d’officiers militaires ouest-africaines auront prouvé qu’ils ont été à bonne école.
Repliés au Niger après avoir été chassés du Mali et du Burkina Faso, les militaires français pourraient être appelés à se redéployer soit au Sénégal ou au Tchad pour continuer d’être présents au Sahel devenu le nouveau deal des armées occidentales notamment française et américaine pour la plupart. Le président Mohamed Bazoum qui avait accepté d’accueillir les troupes françaises malgré une forte opposition des nigériens, est en train de payer lourdement ses choix politiques.
La France a perdu le pied au Sahel même s’il continue d’être présent en Afrique de l’ouest. Confrontée à un sentiment anti français de plus en plus accentué, les stratégies du Quai d’Orsay notamment du très sérieux Centre d’analyse et prospective stratégique (CAPS), ont continué de miser sur des personnages politiques fortement contestés. Après feu le président Ibrahim Boubacar KEITA débarqué le 18 août 2020 à la suite de contestations populaires par les colonels, c’était au tour de Roch Marc Christian Kaboré de connaître le même sort le 24 janvier 2022, sept ans après son accession au pouvoir après la chute de Blaise Compaoré. Tous deux n’avaient pu répondre aux exigences des populations et des militaires qui ne voulaient plus de la présence des forces armées françaises.
Avec l’appui du groupe militaire Wagner, officiellement au Mali, l’armée française ne charme plus. Les états-majors Malien, Burkinabè ont compris que la défense de l’intégralité territoriale de leurs pays respectifs, devrait d’abord reposer sur l’expertise militaire nationale. Et les avancées même timides face aux groupes terroristes, dopent les troupes.
Poussé vers un troisième mandat, l »ancien président Mouhamadou Issoufou, en fin stratège, avait compris que seul un départ avec les honneurs, pouvait lui éviter de faire face à une contestation populaire
Installé dans ses fonctions de président de la république du Niger depuis le 2 avril 2021, Mohamed Bazoum succède à son mentor. Considéré comme un francophile, le successeur de Mouhamadou Issoufou, prendra la tête de la troïka des Chefs d’État de la CEDEAO pour contester l’avènement du Colonel Assimi Goïta au Mali. Cette position coïncidant bizarrement avec le départ de l’armée française du Mali et la fin des accords de défense entre Paris et Bamako, desservira le natif de Bilabrine, dans la région de Diffa considéré par la plupart des nigériens comme un étranger qui leur a été imposé.
Quelques mois après son élection, des manifestations feront deux morts dans des heurts lors du passage d’un convoi militaire français au Niger. Les jeunes s’étaient opposés au passage sur le territoire nigérien d’une centaine de véhicules de l’armée française qui tentaient de rallier le Mali. Pourtant, une semaine plus tôt, un convoi similaire avait déjà été forcé à l’arrêt par des manifestations contre la présence militaire française au Niger.
En acceptant de faire du Niger le nouveau laboratoire de l’armée française au Sahel près d’un an après le départ de la Force Barkhane du Mali et du Burkina Faso Paris qui a recentré son dispositif militaire au Sahel au Niger, aura précipité le rejet de Mohamed Bazoum. Même si Paris a soutenu que son redéploiement au Niger est une évolution qui nécessite un changement de paradigme, les manifestations hostiles à la présence française
« Après Bamako et Ouagadougou, il fallait pour Paris mettre de nouvelles initiatives pour la gestion des crises à travers de nouveaux interlocuteurs »
Pour Lucien De Kerseron, Chercheur en relations internationales à l’Université de Lille 1, « Paris n’a pas anticipé à enrayer le discrédit des autorités politiques et accompagner en urgence l’émergence d’autres formes d’autorités africaines crédibles pour s’adresser aux peuples afin d’affronter les responsabilités de la crise politique . C’est malheureusement le cas avec Mohamed Bazoum qui n’a jamais bénéficié d’une période de grâce des nigériens .»
« Si les choses se confirment au Niger, Emmanuel Macron aura échoué dans sa politique en Afrique. Et il est quasi certain que des bastions comme le Sénégal ou le Tchad ne tiendront plus longtemps face à l’émergence de leaders comme Ousmane SONKO et Succès Masra. Plus grave, il faudra organiser une messe de requiem pour la mort du Franc CFA mais surtout de l’hégémonie francaise », renseigne Lucien De Kerseron.
Pour rappel, Mohamed Bazoum devient alors ministre. D’abord des Affaires étrangères, puis de l’Intérieur. Des postes qui vont notamment lui permettre d’étendre son réseau, en particulier à l’étranger. En parallèle, Mohamed Bazoum devient, à partir de 2011, président du comité exécutif national du PNDS. Un poste stratégique d’où il va préparer la succession de son mentor. Mahamadou Issouffou l’adoubera en 2019, malgré l’opposition de certains membres du PNDS.