vendredi, 22 novembre 2024 17:07

Plainte de Mamour Diallo contre SONKO pour « diffamation et injures publiques » : Un délinquant n’a aucun honneur à défendre : sa place est en prison (Par Seybani Sougou)

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Dans l’affaire des 94 milliards de francs CFA qui défraie la chronique, Mamour Diallo, du nom de l’inspecteur des domaines a déposé une plainte contre l’homme politique Ousmane SONKO le 15 octobre 2019, au Tribunal de Grande Instance de Dakar, pour « diffamation et injures publiques ». Aux termes des dispositions de l’article 258 du Code Pénal de la Loi 2016-29 du 8 novembre 2016 modifiant la Loi 65-60 du 21 juillet 1965 portant Code Pénal de la République du Sénégal, la diffamation est définie comme suit : « Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation ». La diffamation, c’est le fait de nuire à une personne en lui imputant des agissements ou des propos infamants, de nature à porter atteinte à son honneur ou sa réputation. La diffamation doit être dissociée de l’injure qui est une expression outrageante. Dans la plainte de Mamour Diallo (nous avons pris connaissance de son contenu,) ses avocats soutiennent que les affirmations d’Ousmane SONKO sont « diffamatoires, injurieuses, et impactent négativement la vie de l’exposant ainsi que celle de sa famille ».

1. Mamour Diallo est un homme public, investi d’une mission de service public
Il est de notoriété publique, que Mamour Diallo, en sa qualité d’Inspecteur des impôts et domaines est investi d’une mission de service public (garant des deniers publics). Mieux, Mamour Diallo est un homme public parfaitement identifié, membre du parti au pouvoir (APR) qui affiche ouvertement son appartenance au camp présidentiel. Mamour Diallo est non seulement le leader du mouvement « Dolly Macky », un mouvement politique de soutien à Macky Sall, mais qui plus est, il dispose d’un site officiel (blog) lui permettant de véhiculer, en toute liberté, ses opinions politiques : https://mamour-diallo.com/. Mamour Diallo n’est pas censé ignorer qu’en investissant le champ politique, il s’exposait en tant qu’homme public, aux critiques les plus véhémentes. Surtout lorsqu’il s’adonne à des pratiques de délinquance financière dans le cadre de ses fonctions publiques. Par conséquent, Mamour Diallo ne devrait guère être surpris, que sa mauvaise gestion des deniers publics soit décriée et portée sur la place publique. Dans le cas d’espèce, la plainte pour diffamation de Mamour Diallo est fragile : pour la simple raison qu’il n’y a pas une intention de nuire de la part d’Ousmane SONKO.

2. En matière de diffamation, l’auteur des propos doit avoir eu l’intention de commettre un tel acte
En matière de diffamation, l’auteur des propos diffamatoires doit avoir eu l’intention de commettre un tel acte, c’est à dire qu’il doit avoir agi en toute mauvaise foi. Dans l’affaire des 94 milliards de F CFA, SONKO n’a pas mis en cause Mamour Diallo, en tant qu’homme, mais sa qualité d’ancien Directeur des Domaines. C’est une différence de taille et un élément substantiel, car le juge devra apprécier en tout état de cause l’intention de nuire. L’intention de SONKO n’est pas de nuire personnellement Mamour Diallo, mais d’informer les citoyens sénégalais de faits délictuels qui portent atteinte à l’intérêt général. N’importe qui à la place de Mamour Diallo (que le Directeur des domaines s’appelle Mamadou ou Bineta) serait mis en cause par SONKO. C’est parce que l’intentionnalité du délit de diffamation est difficile à établir avec certitude, l’ancien ministre de l’Environnement, Ali EL Haïdar, a été condamné en aout 2018, par le tribunal correctionnel de Dakar à 3 mois de prison avec sursis pour « diffamation » et 2 millions de F CFA d’amendes. Il avait cité le président des exploitants forestiers sénégalais, parmi les « trafiquants de bois » au Sénégal. Naturellement, M. Haidar n’a pas été privé de ses droits civils et politiques.

3. Maître El Hadj DIOUF n’est pas crédible pour défendre la plainte de Mamour Diallo, pour diffamation
En matière de diffamation, il n’y a pire accusation que celle d’être assimilée à un terroriste. A la veille des présidentielles de 2019, Ousmane SONKO a été accusé par plusieurs responsables du parti au pouvoir de terroriste (une accusation mensongère d’une extrême gravité). L’actuel avocat de Mamour Diallo, Maître El Hadj Diouf avait publiquement affirmé qu’Ousmane SONKO était un terroriste et un djihadiste. Ses propos de l’époque ne souffrent d’aucune ambiguïté « Ce fou qui se dit inspecteur, est un imposteur qui raconte n’importe quoi. Il passe tout son temps à mentir, mentir, mentir. Il a menti jusqu’à être renvoyé de son poste. D’ailleurs, j’ai entendu qu’il est un terroriste. C’est même un terroriste, un djihadiste”, avait-il précisé. L’avocat Maître El Hadj Diouf avait-il conscience que ses affirmations étaient « diffamatoires, injurieuses, et impactent négativement la vie de SONKO ainsi que celle de sa famille ». Pouvait-il ignorer que ses propos relèvent de la diffamation ? Savait-il que quelques mois plus tard, on pourrait lui retourner ses propos, tel un boomerang ? Au demeurant, Maître El Hadj Diouf est -t-il crédible pour porter la plainte de Mamour Diallo pour diffamation, ayant lui-même diffamé publiquement SONKO en lui attribuant le qualificatif de terroriste ? Entre le qualificatif « terroriste » et celui « d’escroc et de voleur », qu’est ce qui est plus grave, en termes de diffamation ? Dans un registre similaire, de nombreux sénégalais ont constaté ces dernières années les nombreuses attaques frontales dont le journaliste Pape Alé Niang est victime, certaines touchant directement sa vie privée (il est père de famille) et portant atteinte à son honneur et à sa réputation. Si le journaliste Pape Alé Niang et tous les honnêtes citoyens sénégalais devaient déposer une plainte contre tous les partisans du régime qui ne cessent de les diffamer à longueur de journée, les tribunaux sénégalais crouleraient sous les plaintes, par milliers ! Qui ne se rappelle pas de la « horde des flagorneurs » du journal le Midi de Ndiogou Wack SECK, un journal financé pendant de 3 années par Macky SALL himself pour injurier et diffamer sans ménagement des milliers de citoyens ? Ndiogou Wack SECK, un piètre journaliste, récompensé pour ses basses œuvres par Macky Sall qui l’a nommé PCA de la RTS en 2013 ! Qui l’eut cru ?

4. Les textes internationaux conçoivent la diffamation, sous l’angle de la restriction de la liberté d’expression
En France, lorsqu’il était garde des sceaux, François Bayrou, avait été mis en examen suite à une plainte pour « diffamation publique » déposée par une association. Lors d’une séance publique il avait mis en doute l’honnêteté de ladite association, estimant qu’elle voulait « se faire de l’argent sur une expérience artistique ». La 17 éme chambre du Tribunal correctionnel de Paris a relaxé M. BAYROU, concluant qu’à aucun moment, il ne s’était rendu coupable de diffamation envers ladite association. Dans les cas de diffamation ou d’injure publique, les juges pénaux apprécient différemment (de manière très nuancée) la situation, surtout quand elle concerne les élus, détenteurs d’un mandat. A titre d’exemple, un article publié accompagné d’un dessin humoristique qui critiquait le montant excessif des frais de véhicules utilisés par les « proches » d’un maire n’a pas été considéré comme insinuant un détournement de fonds publics, ni comme portant atteinte à l’honneur et à la considération du maire. Ils s’inscrivaient entièrement, selon le juge, « dans le cadre de la polémique politique nécessaire à la démocratie » (CA Aix-en-Provence, 17 septembre 2007, n°1143M2007). A plusieurs reprises, le Député Jean Luc Mélenchon a fait l’objet d’une plainte pour diffamation et d’une demande de levée d’immunité parlementaire (1 plainte pour diffamation pour avoir traité un journaliste d’assassin et criminel repenti » ; et 1 plainte pour diffamation de l’ancien Premier Ministre, M Bernard Cazeneuve, qu’il a accusé de s’être « occupé de l’assassinat » de Rémi Fraisse « un militant écologique ». En France, personne ne se pose la question de savoir si Jean Luc Mélenchon va être éliminé des prochaines élections présidentielles, à cause de plaintes pour « diffamation » ! Il n’y a qu’au Sénégal, où un tel débat ridicule peut prospérer. Ce qui est pris en compte par le juge « c’est l’objectif d’information du public dans le cadre du débat politique et démocratique à condition que l’information n’ait pas été dénaturée et qu’elle concerne l’activité publique de la personne mise en cause, en dehors de toute attaque contre sa vie privée » -CA Montpellier, 25 avril 2007. La position de la Cour Européenne des Droits de l’Homme est similaire. La CEDH juge qu’au nom de la liberté d’expression, le juge pénal doit apprécier si les personnes poursuivies sont 1) des élus du peuple qui doivent pouvoir attirer l’attention de l’électorat et défendre ses intérêts – CEDH, 24 avril 2007, Lombardo c. Malte, n°7333/06 2) si la personne visée par les propos est un responsable politique- CEDH, 8 juillet 1986, n°9815/82, Lingens c/Autriche 3) si les propos tenus contribuent à un débat d’intérêt général – CEDH, 24 juin 2004, n° 59320/00 – Von Hannover c/Allemagne.
En 2013, la Cour Africaine des Droits de l’homme et des peuples a rendu un arrêt dans une affaire de diffamation « affaire 004- 2013 – LOHE ISSA KONATE c. BURKINA FASO ». Dans cette affaire, des poursuites pour diffamation, injures publiques et outrage à magistrat avaient été engagées contre le requérant, suite à la publication dans l’édition de l’ouragan du 1er aout 2012, d’un article écrit par ledit requérant intitulé « Contrefaçon et trafic de faux billets de banque – Le Procureur de Faso, 3 policiers et un cadre de banque parrains des bandits ». Un second article traitait le Procurer de Justicier voyou. Mis en cause dans les 2 articles précités, le Procureur avait porté plainte contre le requérant pour diffamation, injures publiques et outrage à magistrat. Le 29 octobre 2012, le requérant avait été condamné par le tribunal de Grande Instance de Ouagadougou à 12 mois d’emprisonnement ferme et à une amende de 1 500 000 F CFA. A l’unanimité, les juges de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples ont conclu qua l’Etat burkinabé avait violé l’article 9 de la charte, l’article 19 du pacte et l’article 66 (2) (c) du traité révisé de la CEDEAO, du fait de l’existence dans sa législation de peines privatives de liberté en matière e diffamation.

5. Ousmane SONKO a posé un débat public, sur une question d’intérêt général
En posant publiquement le débat sur un préjudice évalué à 94 milliards de F CFA (manque à gagner pour l’Etat du Sénégal), Ousmane SONKO a eu le mérite de poser un débat d’intérêt général, qui concerne le bon usage des deniers publics. Dans un Etat de droit, une telle question d’intérêt national nourrit le débat démocratique et permet aux citoyens d’être informés sur certains faits de délinquance financière. Actuellement, la question n’est pas tant de savoir si Ousmane SONKO dispose de toutes les preuves liées au préjudice évalué à 94 milliards de F CFA, (la question ne doit pas être exclusivement centrée sur la preuve du décaissement des 46 milliards de F CFA), mais de vérifier si les faits relatés par Ousmane SONKO dans le cadre de l’expropriation sont réels (décaissements illégaux).
6. La responsabilité pénale du délinquant financier Mamour Diallo est établie

Mamour Diallo est un délinquant financier. Ce n’est pas Ousmane SONKO qui le dit. Paradoxalement, c’est le résumé du rapport de la Commission d’enquête parlementaire portant sur les faits relatifs au titre foncier N°1451/R qui le confirme. En effet, la Résolution N° 01/2019 du 15 février 2019 de ladite Commission reconnaît officiellement l’existence de décaissements ayant atteint le montant de deux milliards huit cent quarante-cinq millions huit cent soixante-quinze mille francs CFA (2 845 875 000) avant d’être interrompus, le 30 avril 2018, à la demande du Receveur des Domaines qui a saisi le Directeur des Domaines (cf page 12 dudit rapport). La page 12 du rapport enfonce Mamour Diallo pour au moins 2 845 875 000 de F CFA, car si le receveur des Domaines confirme avoir saisi Mamour Diallo pour l’interruption des décaissements, il n’en demeure pas moins que le précèdent décaissement de 2 845 875 000 de F CFA a été effectué parce que Mamour Diallo a apposé sa signature, qui engage l’Etat du Sénégal. Les faits étant établis et prouvés avec une certitude absolue pour un décaissement illégal de 2 milliards 845 millions et 875 000 F CFA, il appartient à la justice de poursuivre et de condamner tous les délinquants et escrocs qui ont participé à cette transaction illégale, au premier rang desquels, Mamour Diallo. Dans l’affaire SONKO/MAMOUR, s’il y a un coupable : c’est Mamour Diallo, car que ce soit 2 845 875 000 de francs CFA ou 94 milliards de F CFA, la conclusion est la même : un vol est un vol, quel que soit le montant. La focalisation sur le décaissement des 46 milliards ne doit pas nous faire oublier qu’environ 3 milliards ont déjà été décaissés indûment. Il faut savoir raison garder : la demande de levée de l’immunité parlementaire de SONKO est une démarche classique afin qu’il soit entendu sur les faits qu’il a porté à la connaissance du public. Ni plus, ni moins. En juin 2019, la Présidente de L’OFNAC (Office national de lutte contre la fraude et la corruption), Seynabou N’Diaye DIAKHATE précisait avoir transmis 17 dossiers au Procureur de la République, parmi lesquels les affaires « Petro-Tim et COUD ». Au lieu de chercher à « laver l’honneur d’un délinquant, puisqu’il y a bien un décaissement confirmé de 2 845 875 000 de Francs CFA », dans une ridicule affaire de diffamation, la justice sénégalaise sera mieux avisée de faire avancer ces dossiers de toute première importance et de mettre hors d’état de nuire, les malfrats du régime, qui se pavanent en toute liberté.

Seybani SOUGOU
– E-mail : sougouparis@yahoo.fr

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