La perception que nous avons des inondations doit être nuancée. L’aléa inondation n’est pas en soi négatif. C’est quand il se transforme en catastrophe qu’il devient un danger. L’aléa inondation présente alors deux faces : un atout et une contrainte.
1 Atouts : Les inondations), de par leur apport en eau et en sédiments, ont pour l’homme divers effets bénéfiques reconnus. Elles contribuent à la sauvegarde et à la qualité de la ressource en eau : en assurant la recharge des réservoirs de surface et des nappes d’eau souterraines et la garantie d’une partie des débits à l’étiage. Cet apport en eau en grande quantité est vital pour entretenir l’irrigation des terres agricoles, les économies agricoles exigeantes en eau dans les pays peu développés où l’alimentation dépend des ressources en riz, poisson… Les inondations contribuent également à la qualité de l’eau de surface en aval des zones inondées et des nappes phréatiques par le rôle de filtre « auto-épurateur » que jouent les différentes strates du sol pour un certain nombre de polluants transportés par l’eau. C’est un rôle très important lorsque l’on sait qu’elles peuvent réduire a priori les coûts de traitement des eaux usées en aval et que les nappes sont de précieuses réserves d’eau potable.
Les inondations contribuent à la fertilisation des sols en participant au transit et au dépôt des sédiments fins accompagnés de matière organique et de sels minéraux pendant la crue (le limon). Les zones inondées sont aussi souvent le siège de proliférations d’algues microscopiques d’eau douce qui fixent l’azote et participent à la fertilité des sols. Les inondations maintiennent ainsi la qualité agricole des plaines deltaïques des grands fleuves, y compris dans les régions de climat aride (Nil en Egypte, Tigre et Euphrate au Moyen-Orient, Sénégal en Afrique).
Les inondations contribuent au maintien de la biodiversité et à la qualité des paysages : les zones inondables sont une mosaïque de milieux humides temporaires très divers tels que forêts, prairies, roselières, etc. Elles ont également un impact positif sur la qualité des eaux en filtrant les nutriments et les produits phytosanitaires issus de l’agriculture intensive. La très grande diversité d’habitats profite à de nombreuses espèces animales et végétales (mammifères, oiseaux, insectes, batraciens, reptiles, flore herbacée ou arbustive, …). Les zones inondables sont aussi des relais pour les espèces migratrices (espaces de repos).
Les inondations contribuent à la réduction des risques d’inondation en aval, à la lutte contre l’érosion des deltas et à la protection contre les tempêtes côtières. Les zones inondables sont des espaces de stockage des eaux de crues en amont des zones vulnérables (champ d’expansion des crues). Elles participent au laminage ou écrêtement des crues, c’est-à-dire à l’étalement du débit dans le temps, réduisant d’autant le risque d’inondation en aval. Par ailleurs, l’apport en limon jusqu’aux deltas limite l’érosion marine. Enfin, les accumulations de sable déposées par les eaux de crue en aval des fleuves conduisent parfois à l’édification de barrières naturelles qui tiennent lieu de protection temporaire contre les tempêtes côtières, comme au Bangladesh.
2 Contraintes : L’autre facette des inondations résulte de l’absence de planification urbaine, de l’absence d’une politique d’aménagement et d’occupation de l’espace.
Lorsqu’intervient une rupture de barrage cela peut entrainer des dommages humains, économiques, et environnementaux importants : destruction massive des productions économiques, victimes humaines, destruction de l’écosystème…
En outre les inondations que l’on note après les pluies, peuvent être à l’origine de la pollution (insalubrité) du cadre de vie (stagnation des eaux) en favorisant le développement de certains parasites responsables de maladies endémiques et épidémiques (le paludisme et autres maladies liées à l’eau telle les diarrhées, les dermatoses…).
Lorsqu’il s’agit de la submersion marine, il y a dégradations des terres (du fait de la salinisation) et risques de contaminations des nappes d’eau douce qui deviennent impropres à la consommation humaine.
Les inondations sont parfois à l’origine du déplacement massif de population avec toutes les conséquences que cela peut entrainer : déstructuration sociale, rupture brutale de l’homme avec son milieu naturel, traumatisme, choc psychologique…
Cette catégorie d’inondation peut être évitée car ne constituant pas une calamité.
Notre société doit apprendre à mieux chercher à comprendre l’aléa inondation en le conciliant avec le développement économique et la protection du milieu naturel dans un contexte de développement durable des territoires. C’est le défi lancé à tous les Etats dotés d’une politique de prévention contre les risques d’inondations.
Abdou Sané
Géographe- environnementaliste.
Ancien député .
Chevalier de l’Ordre International de la Protection Civile.
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Dakar, Sénégal.