Depuis maintenant plus de deux mois, quelque centaines de sénégalais sont bloqués à l’étranger et vivent un cauchemar. Certains se retrouvent sans ressources, ni visa. Le Sénégal refuse de les rapatrier. Parmi ceux-ci, les plus exposés à la pandémie et au terrorisme sont actuellement entre la Mauritanie et le Maroc. Atlanticactu s’est intéressé à ces sénégalais qui ont entamé une grève de la faim ce dimanche pour montrer à la face du monde le traitement inégalitaire des autorités sénégalaises sur les concitoyens de la diaspora. Pour eux les 50.000 francs donnés par l’état ne peut leur permettre de survivre que quelques jours dans ce désert. Une copie de la lettre adorée adressée à l’ambassadeur du Sénégal au Maroc obtenue par Atlanticactu, en fait référence.
Bir Gandouz est une localité distante de la frontière marocaine de 80 km. C’est dans cette lointaine contrée que sont confinés les Sénégalais depuis le 14 mars dernier. Ces compatriotes avaient quitté pour certains l’Europe où le Maroc avec une trentaine de camions et véhicules légers chargés de marchandises à destination du Sénégal.
Arrivés pour la plupart à la frontière marocaine aux environs du 10 mars, ils seront interdits de passage par les services d’immigration qui leurs ont annoncé la fermeture par la Mauritanie de ses frontières. Ainsi allait débuter un calvaire qui les conduira à Bir Gandouz où les autorités marocaines les confineront dans un restaurant délabré et pouvant à peine contenir vingt personnes.
Malgré les appels lancés aux autorités diplomatiques sénégalaises basées au Maroc, rien ne sera fait pour dur et plus grave , à ce jour, ils n’ont reçu de visite de la part du Consulat ou de l’ambassade. Les seuls visiteurs sont des médecins dépêchés par Rabat et les autorités administratives de la province d’Aousserd qui n’ont ménagé aucun effort pour leur assurer le minimum vital.
« Si nous vivons encore, c’est plus grâce aux marocains car après plus deux mois dans ce trou, sans aucun regard de nos propres autorités à part une enveloppe de 800 Dirhams au moment où nos compatriotes (5) venus d’Europe et coincés ici ont reçu 3500 euros , nous avons entamé une grève de la faim depuis dimanche. Nous avons averti nos familles et les autorités », lance leur porte-parole Tamsir Guissé
Au bout du fil, Tamsir Guissé qui a joint Atlanticactu nous relate les péripéties de leur séjour à Bir Gandouz. « Nous sommes ici depuis le 14 mars et si on avait pensé un seul jour être victimes d’un tel traitement venant de nos propres autorités, on serait restés là où nous étions où au moins, l’es respect de l’humain existe ».
Très amer, le porte-parole de ces sénégalais « oubliés » dans le désert renseigne, « Nous apprenons que l’État affrète des avions pour aller chercher des concitoyens en Europe et que ces derniers refusent une fois arrivés au Sénégal de se conformer aux procédures de quarantaine. Également, un ancien footballeur (Khalidou Fadiga) aurait réussi à quitter Cotonou jusqu’au Sénégal par la route , pourquoi le ministre des Affaires étrangères Amadou Ba continue d’ignorer notre existence »?
Pourtant, « les autorités marocaines que nous avons interrogées nous disent que ce sont nos propres autorités qui ont demandé que nous soyons maintenus sur place », nous explique Tamsir Guissè. Mais, tient-il à préciser, « l’ambassadeur du Sénégal au Maroc nous tient un autre discours car, il attendrait le feu vert de Dakar pour nous mettre en route ».
Nos camions et voitures légères sont chargés de marchandises dont certaines sont des denrées périssables. Certains maliens et ivoiriens avec qui nous étions, ont bénéficié d’un couloir humanitaire pour rentrer dans leur pays alors que nous sommes ignorés, tonne Kaoussou Sonko, l’un des camionneurs
«il y en a deux parmi nous qui ont perdu leurs parents depuis que nous sommes bloqués ici. Certaines familles ne parviennent pas à satisfaire leurs besoins vu que les bras valides font face à un calvaire indescriptible. Le consulat refuse notre existence », clame Kaoussou Sonko, natif de Bignona.
Pointant un doigt accusateur vers les autorités sénégalaises, « Vous êtes en train de détruire nos carrières professionnelles et nos vies familiales » ; « Que doit-on faire pour qu’on entende notre détresse. C’est incroyable ce manque d’empathie et ce silence radio quant au sort des milliers de sénégalais coincés loin de chez eux » .
Heureusement dira t’il, « N’eut été les autorités marocaines, nous serions peut-être déjà morts et oubliés . Depuis le 14 mars , les autorités marocaines n’ont cessé de nous soutenir, d’envoyer des médecins pour s’enquérir de notre santé. Au même moment, le Consulat nous a fait parvenir une somme de 800 Dirhams après que nous ayons publié plusieurs vidéos pour démentir leurs propos ».
Plus grave, prévient Kaoussou Sonko, « Au même moment des camionneurs marocains nous dépassent pour rallier le Sénégal avec leurs marchandises. Pourquoi les autoriser à franchir les frontières et nous maintenir dans cette précarité? De toute façon, nous avons décidé en sus de la grève de faim de prendre nos responsabilités». Advienne que pourra, dit-il.
« Tu parles des Sénégalais bloqués à l’étranger, ils te reprochent de “descendre ton pays alors que le monde entier est admiratif face aux progrès du Sénégal ”. C’est toujours pareil : belle vitrine et arrière-boutique dégueulasse. Rien n’a changé finalement »
Plus de cent sénégalais dispersés entre Bir Guandouz, Bourj Dour et Dakhla font face aux risques non seulement de la pandémie mais également de l’insécurité notamment du terrorisme.
Actuellement, le risque de confrontation entre les policiers marocains et les sénégalais bloqués se précisent de plus en plus.
Pape Sané (Atlanticactu.com)