Pour éviter des cas de contamination dans les prisons, le Président Macky Sall avait décidé le 26 mars dernier de gracier 2036 détenus incarcérés dans les différentes maisons d’arrêt. Si l’ONU avait appelé à des mesures immédiates pour désengorger les prisons dans ce contexte de pandémie mondiale, l’administration pénitentiaire avait déjà tiré sur la sonnette d’alarme en alertant sur le dans le danger du surpeuplement carcéral qui risquait de ne pas épargner le personnel de surveillance. Malgré ce nombre, un nouveau rapport plaide pour la libération de 3000 autres.
L’alerte nous vient d’un Inspecteur de l’administration pénitentiaire qui s’indigne ce samedi du manque de préparation des autorités quant à l’épidémie de coronavirus. Ce dernier appelle le gouvernement à libérer d’autres détenus. Car, « Le personnel est consigné depuis près d’un mois sans possibilité d’aller et venir. Les hommes sont à bout et il sera judicieux pour l’état et pour les surveillants que le dispositif soit allégé en libérant de nouveaux prisonniers ». Pour ce cadre, nous sommes tous assis sur une bombe et il suffit que nous ayons un seul cas pour que l’irréparable se produise.
Et si notre source est en parfaite adéquation avec la mesure prise par les autorités, il déplore pour autant a dénoncé l’impréparation des pouvoirs publics face à la pandémie de coronavirus et a appelé le gouvernement à aller plus loin en libérant 3.000 détenus supplémentaires en fin de peine ou poursuivis pour certains délit comme trafic de drogue tout en maintenant les détenus condamnés pour meurtre, viol, pédophilie, vol de bétail.
« Nous n’avons aucun plan envisagé pour faire face à ce genre de situation », révèle le cadre de l’administration pénitentiaire
« Ce que prouve cette crise en prison, c’est qu’aucun plan n’avait jamais été – par aucun gouvernement – envisagé pour faire face à l’éventualité d’une épidémie et de ses conséquences en prison, a-t-il confié à Atlanticactu. Pour tenter de freiner la propagation du virus, l’accès aux parloirs dans les prisons françaises est suspendu depuis le mois dernier et une ordonnance a été prise pour faciliter la libération anticipée de détenus se trouvant à deux mois de leur fin de peine.
Poursuivant ses explications, l’homme qui nous dit être en service depuis plus de 25 ans, « On voit bien que les pouvoirs publics […] ont été pris de court et ont bricolé un certain nombre de décisions mais tout à fait en urgence, a-t-il ajouté. Compte tenu de cette surpopulation carcérale que nous connaissons depuis des décennies, il aurait été évident qu’il fallait prévoir ce qui pourrait se passer en cas d’épidémie et malheureusement on s’aperçoit que ça n’a pas été fait, a-t-il déploré ». Pour lui, autant surveillants de prison que prisonniers, personne n’est à l’abri et « chacun vit la peur au ventre ».
Quant à d’éventuelles contamination, l’officier de nous dire, »Depuis le début de l’épidémie, qui a fait à ce jour 4 morts selon le dernier bilan officiel, nous n’avons pas encore de cas de Coronavirus officiel mais ce qui serait passé à la MAC de Ziguinchor avec des prisonniers soupçonnés par leurs codétenus avant qu’ils soient mis en quarantaine est dans l’ordre du possible ». Et, pour plus de garantie,« Pour en avoir le cœur net, le mieux est de procéder à un test massif ».
« Quid de la prévention en prison, des gestes barrières quasiment impossibles« , selon notre interlocuteur
Au total, près de 2036 détenus ont été libérés en un mois, a annoncé notre source. Un chiffre jugé insuffisant par ce dernier qui révèle, « Il n’y a plus de procès donc pas de libération mais toujours des mandats de dépôt, ce qui veut dire que d’ici la fin de l’état d’urgence les prisons pourraient à nouveau atteindre les plus de 12.000 prisonniers » qui existaient à la date du 1er mars, ce qui est énorme, a-t-il dit. Selon notre interlocuteur « Il faut que sortent les détenus en fin de peine, pas à deux mais à six mois et plus de leur fin de peine avec un examen bien sûr et en excluant les infractions liées au trafic de drogue ou aux violences intrafamiliales.
»Quant à la généralisation du port du masque à l’ensemble des détenus tout comme l’organisation de tests de dépistage, l’administration pénitentiaire a été la première à l’exiger mais à ce jour il n’y a aucune réaction, ce devrait pourtant être une priorité compte tenu de la promiscuité en milieu carcéral, a estimé la source. Il est évident que les gestes barrières sont absolument impossibles et qu’il faut en urgence procurer aux détenus au moins du gel, des masques et des gants, et pas uniquement aux surveillants, a-t-il indiqué.
Faute de quoi, a-t-il mis en garde, le risque d’un scénario de certains pays, avec des mutineries, n’est pas exclu, même si à l’heure actuelle les »mouvements d’humeur » déclenchés par la décision de suspendre les parloirs et les repas venant l’extérieur semblent s’être un petit peu tassés.
Cheikh Saadbou Diarra (Atlanticactu.com)