samedi, 23 novembre 2024 16:15

Procédure de destitution de Trump: l’affaire ukrainienne en audition publique

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Les auditions publiques dans le cadre de l’enquête visant à destituer le président américain débutent ce mercredi 13 novembre à Washington.

Après six semaines de témoignages à huis clos, et le vote d’une résolution à la Chambre des représentants, c’est le début d’un grand et rare spectacle politique. Les premières auditions publiques dans le cadre de l’enquête visant à destituer Donald Trump débutent ce mercredi.

Les démocrates soupçonnent le président américain d’avoir poussé les autorités ukrainiennes à ouvrir une enquête pour corruption sur le fils de Joe Biden, ancien vice-président et candidat à l’investiture démocrate. Les auditions seront retransmises en direct à la télévision.

Pour l’occasion, les démocrates ont prévu de nombreux témoins. Les débats débuteront avec William Taylor, chargé d’affaires américain à Kiev, et George Kent, haut responsable du département d’État, spécialiste de l’Ukraine et déjà interrogés à huis clos. Au total, huit personnes seront entendues.

Pour autant, aucune révélation majeure n’est attendue dans le cadre de ces auditions publiques, explique notre correspondante à Washington, Anne CorpetBill Taylor, qui sera également entendu, a déjà témoigné et sa déposition a été rendue publique la semaine dernière

Mais ce dernier n’a pas été désigné au hasard : son récit confirme les soupçons démocrates d’un chantage exercé sur le président Volodymyr Zelenskiy. En substance : enquêtez sur les affaires du fils de mon adversaire chez vous, et je ne couperai pas l’aide financière allouée à votre pays.

Concrètement, M. Trump est accusé d’avoir menacé l’Ukraine de suspendre une aide militaire de 400 millions de dollars (360 millions d’euros) s’il n’obtenait pas ce qu’il voulait, et d’avoir agité l’idée d’une invitation du président ukrainien à la Maison Blanche s’il se comportait comme escompté.

Convaincre les Américains

En rendant publiques les auditions, le camp des démocrates espère convaincre l’opinion publique américaine que le président Donald Trump a utilisé la fonction suprême des États-Unis à des fins personnelles. Il espère surtout mettre les républicains du Sénat dos au mur.

Il est pour l’instant peu probable qu’une mise en accusation de M. Trump soit suivie d’un vote en faveur de sa destitution au Sénat, où les républicains disposent d’une confortable majorité. Par le passé, Andrew Johnson et Bill Clinton ont tous deux ont été acquittés par un Sénat qui les soutenait.

Outre l’abus de pouvoir, les démocrates souhaitent déterminer si le président a tenté de faire entrave à l’enquête du Congrès. Le refus de la Maison Blanche de collaborer pourrait constituer pour les démocrates un nouveau chef d’accusation, relate Stefanie Schuler, reporter au service international de RFI.

L’exécutif met en doute la crédibilité des témoins, et fait tout empêcher les personnes convoquées de se rendre aux auditions. « Donald Trump est absolument révolté par le fait que ces fonctionnaires de haut niveau répondent légalement à la convocation du Congrès. Et il dit qu’il est furieux contre ses « employés«  », observe Nicole Bacharan, historienne et spécialiste des États-Unis.

On souhaiterait lui dire: non, ce ne sont pas vos employés, ce sont les employés de l’État. C’est-à-dire qu’il n’attend pas simplement que les gens qui travaillent pour lui soient loyaux. Il attend qu’ils soient loyaux, j’ai envie de dire, même dans le crime. Même dans l’illégalité, même en bafouant toutes les responsabilités de leurs charges

Nicole Bacharan, historienne, auteure de «Le Monde selon Trump», éd. Tallandier13/11/2019 – par Sylvie NoëlÉcouter

Un constat partagé par Dick Howard, professeur émérite de l’Université Stony Brook de New York : « Lorsque le président et les hommes du président refusent de témoigner, on ne va pas faire ce qu’on a le droit de faire à savoir : porter la question devant la Cour. Non, on va tout simplement dire : voilà encore un cas d’obstruction, d’interférence du président dans les procédures constitutionnelles législatives », analyse-t-il.

Défense changeante

Les républicains continuent de dénoncer une procédure biaisée lancée par des démocrates revanchards. Alors qu’au départ, ils dénonçaient le secret des auditions, ils ont été obligés de réviser leur stratégie de défense. Selon un mémo destiné aux élus du parti, ils devraient désormais insister sur le fait que la conversation téléphonique entre MM. Trump et Zelenskiy n’évoquait pas explicitement un chantage.

Mais l’argument peut paraître faible, car le président américain, dans cet échange téléphonique rendu public par la Maison Blanche, a bien demandé une faveur à son interlocuteur. D’autant plus que de nombreux témoins ont fait état d’une campagne de pressions exercée pendant plusieurs mois sur les autorités ukrainiennes.

Face à ces éléments, certains républicains changent de stratégie. Ils reconnaissent les faits, évoquent une maladresse, un dysfonctionnement voire une faute, mais assurent que cela ne vaut en aucun cas une procédure de destitution. De son côté, Donald Trump continue de qualifier la procédure d’impeachment de « chasse aux sorcières » et de « mascarade ».

Le président explique même que l’enquête aurait un effet positif sur sa campagne : « Ça met les gens qui m’ont élu vraiment en colère. Parce que cette procédure est bidon ! Du coup, je suis en hausse dans les sondages, mes collectes de fond explosent tous les plafonds. Ils tentent de m’affaiblir mais en fait ça me renforce », estime-t-il.

« Il a raison si on parle de sa base essentiellement constituée d’électeurs républicains. Mais elle est minoritaire. L’impeachment a plutôt gagné en soutiens, notamment dans les rangs des électeurs démocrates et indépendants. Je pense que cette procédure va avant tout renforcer les divisions déjà existantes au sein de la population », analyse le professeur Alan Abramowitz, politologue américain et auteur.

Le pouvoir du Congrès remis en question

En plus de réaffirmer l’affrontement républicains-démocrates, l’affaire ukrainienne met en lumière la question de la séparation des pouvoirs aux États-Unis. « On a un conflit finalement, entre l’article 1er qui statue sur les responsabilités du Parlement, et l’article 2 qui statue sur la responsabilité de l’exécutif », estime Dick Howard, professeur émérite de l’Université Stony Brooks de New York.

Censé contrôler les agissements de l’exécutif, le Parlement a-t-il toujours les moyens d’assurer sa mission ? « C’est un peu cela aussi l’enjeu de ce procès. C’est vraiment les droits du Parlement contre les droits de l’exécutif », explique M. Howard, avant d’ajouter : « Est-ce que le Congrès assumera sa responsabilité de contrôler les actions de l’exécutif – parce que le congrès, quand même, est le représentant du peuple – ou est-ce que le président a le droit de passer outre ? »

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