jeudi, 25 avril 2024 04:13

La guerre en Afghanistan n’est pas encore finie : Trois parties menacent le pouvoir des Taliban (Analyse)

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Le contrôle par le Mouvement des Taliban de la capitale Kaboul et de la plupart des provinces du pays ne signifie pas nécessairement la fin des combats, qui ne se sont pas arrêtés depuis 1979.

En effet, des foyers de résistances persistent toujours dans les Monts de Panshir dans le nord du pays et l’organisation de Daech est implantée dans l’est, de même que des groupes sectaires et ethniques sont hostiles aux Taliban dans plus d’une province, en particulier, dans l’ouest et le nord du pays.

1- Le Front de la Résistance nationale

Le Front est conduit par Ahmad Massoud, fils du leader tadjik, Ahmad Shah Massoud, un des principaux dirigeants de la Résistance afghane contre les Soviétiques et qui avait combattu les Taliban au cours de leur premier passage au pouvoir. Massoud avait été tué deux jours avant les attentats du 11 septembre 2001.

Ahmad Massoud est installé dans la province de Panshir (nord), connue pour ses montagnes sinueuses, et qui est peuplée par une majorité tadjike (37% environ). Les Taliban avaient échoué à entrer dans cette région durant les cinq ans de leur premier passage au pouvoir, soit entre 1996 et 2001.

L’ancien vice-président afghan, Amrullah Salah, qui se considère comme étant le président légitime du pays après la démission de Ashraf Ghani et sa fuite aux Emirats arabes unis, a adhéré au camp de Ahmad Massoud.
De même, des milliers de soldats de l’armée afghane ont rallié la Coalition de Massoud. L’armée afghane s’est effondrée après le retrait des forces américaines et la chute de Kaboul aux mains des Taliban.
La Vallée du Panshir pourrait se transformer en un bastion de résistance armée au pouvoir des Taliban, à l’instar de « la Coalition du Nord » qui avait réuni les ethnies tadjike et ouzbek (près de 9% de la population dans les provinces du Nord).

Cependant, les Taliban semblent avoir tiré profit de leur expérience précédente, en décidant d’engager des négociations avec Massoud pour accéder à la province du Panshir sans combats, au même moment où le Mouvement, qui contrôle la capitale Kaboul, mobilise ses forces aux abords de la province pour la prendre d’assaut, en cas d’échec des négociations.

Il convient de noter que les chances des taliban de venir à bout de la « Résistance nationale » militairement ne sont pas tout à fait garanties, dans la mesure où ils avaient déjà échoué précédemment, à l’instar des Soviétiques, à envahir et à s’emparer de la vallée du Panshir.

Par ailleurs, d’autres districts situés dans les provinces de Nangarhâr et de Loghman, à l’est de Kaboul, sont toujours hors du contrôle des Taliban, mais ne représentent pas de foyers de résistance et pourraient tomber aux mains des Taliban, au cours des prochains jours ou semaines, sauf s’ils reçoivent un soutien militaire de l’étranger ou de la part de la « Résistance nationale ».

Si les pays du voisinage, en l’occurrence, l’Ouzbékistan, le Turkménistan, l’Iran, le Pakistan et la Chine ainsi que la Russie, ou encore les pays occidentaux, décideraient de soutenir la « Résistance nationale », les Taliban ne parviendraient pas alors à stabiliser et à consolider facilement leur pouvoir.

2- Daech Khorasan

L’organisation de Daech Khorasan représente la plus grande menace existentielle pour le Mouvement des Taliban, dès lors que ce mouvement sanguinaire utilise les mêmes méthodes de combat et maîtrise la guerre dans les montagnes et les terrains difficiles d’accès.

L’organisation de Daech est constituée d’éléments dissidents du Mouvement Taliban en 2014, lorsque l’information du décès du Mollah Omar, fondateur du Mouvement, s’était propagée, alors que les dirigeants des Taliban avaient dissimulé cette information pendant environ deux ans, depuis son décès en 2013.

Selon plusieurs médias, dont la chaîne américaine CNN, l’organisation de Daech Khorasan compte entre 1500 et 2200 éléments dans ses rangs, tandis que d’autres sources évoquaient des milliers d’hommes, en particulier après l’adhésion de combattants des Taliban Pakistan à cette organisation, parallèlement à d’autres membres venus d’Irak et de Syrie.

Les Talibans sont parvenus à faire essuyer une défaite à Daech Khorasan, en 2018, au terme de quatre ans de combats. Paradoxalement, c’est l’armée de l’air américaine qui est intervenue pour soutenir les attaques des Taliban contre Daech dans l’est du pays, un fait qui n’a pas été accepté par les Taliban, considérant cela comme étant une entrave à leurs opérations.

Les Taliban ont engagé leur dernier combat dans la province de Jowzjan au niveau des frontières nord du pays avec le Turkménistan durant l’été 2018. Le Mouvement avait annoncé à l’époque l’élimination de 150 éléments de Daech et la séquestration de 130 autres, tandis que 150 éléments ont préféré se rendre aux forces gouvernementales.

Le porte-parole des Taliban à l’époque, Zabiullah Mujahid, avait indiqué que le « phénomène malveillant de Daech a été éradiqué et les gens se sont libérés du joug de cette organisation dans la région de Jowzjan.

Néanmoins, Daech contrôle encore le district de Khoky dans la province de Kounar (est), aux frontières avec le Pakistan, en particulier le district du Waziristan, bastion des Taliban Pakistan.
De même, Daech compte des cellules dormantes à Kaboul, ce qui s’était illustré récemment lors de l’attaque qui avait ciblé l’aéroport de la capitale Kaboul, la semaine écoulée, faisant des dizaines de morts, dont des soldats américains.

3-Les Hazara chiites

Nombre d’observateurs demeurent sceptiques quant au traitement que réserveront les Taliban aux chiites d’Afghanistan, qui sont concentrés dans l’ouest du pays, en particulier dans la province de Herat, qui est peuplée par les tribus des Hazara (près de 9%) soutenus par l’Iran.

Herat est tombée aux mains des taliban sans résistance et un expert au Conseil russe des Relations internationales, Kirill Simonov évoque la participation de quelques unités des Hazara aux combats pour soutenir les Taliban.

Bien que les Taliban aient adopté un discours modéré à l’adresse des différentes ethnies, il n’en demeure pas moins que les chiites Hazara appréhendent l’extrémisme des Taliban, dont la majorité des éléments sont issus des Pachtounes sunnites (entre 40 et 50%), qui représentent la plus grande ethnie du pays.

L’organisation Amnesty International a accusé, dans un rapport diffusé récemment, le Mouvement Taliban de torture et d’assassinat de nombre d’éléments de la minorité Hazara dans la province de Ghazni (sud-est) au mois de juillet dernier.

Malgré cela, les chiites afghans s’emploient à faire partie du pouvoir en place, même si l’autorité suprême revient aux Taliban, une orientation appuyée par l’Iran.

En effet, Téhéran avait déjà appelé l’ancien gouvernement afghan, en 2020, à intégrer les miliciens chiites dans l’armée régulière. Le ministre iranien des Affaires étrangères, Javad Zarif avait déclaré, à l’époque, que les combattants des milices Hazara sont « les meilleurs éléments qui ont un background militaire » et qui peuvent être utilisés contre l’organisation de Daech en Afghanistan.

L’Iran avait engagé depuis plusieurs années des milliers de Hazara afghans dans le cadre de milices chiites pour combattre en Syrie. Les principales formations sont le « Régiment des Fatimides », qui compte près de 3000 éléments alors que les Iraniens avancent le chiffre de 14 000.

Si les Taliban échouaient à traiter avec « sagesse » les Hazara ou s’engageaient dans un conflit sectaire avec son voisin de l’ouest, l’Iran, il est fort probable que nous assisterions au transfert du régiment des Fatimides de Syrie vers l’Afghanistan pour combattre le Mouvement qui contrôle actuellement la capitale Kaboul, et ce, soit de manière autonome ou en s’alliant avec d’autres ethnies, en particulier, les Tadjiks qui comptent une minorité chiite.

Les sources divergent au sujet du pourcentage des chiites en Afghanistan, qui oscilleraient entre 10 et 22%, dont une grande partie s’était réfugiée en Iran durant les longues années de guerre.

Durant l’étape actuelle, les Taliban focalisent leur attention sur l’éradication du principal bastion de la résistance dans la vallée du Panshir, soit via les négociations ou à travers les combats, avant de se tourner pour combattre ce qui reste de l’organisation de Daech Khorasan et ses cellules dormantes à Kaboul.

Quant au conflit sectaire avec les Hazara, les Taliban s’emploieront à le contenir dans un cadre prédéterminé, du moins au cours de la première phase, durant laquelle le Mouvement consolidera son pouvoir et tente d’arracher une reconnaissance internationale en tant qu’autorité légitime de l’Afghanistan, en particulier de la part des pays du voisinage, y compris l’Iran.

Par Mustapha Dalaa

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