Responsable de la flambée épidémique en Inde, le variant indien émerge en Europe, faisant planer le spectre d’une quatrième vague. Le Royaume-Uni semble être le pays le plus touché d’Europe de cette nouvelle souche du Coronavirus. Une hausse des cas positifs qui inquiète toute l’Europe.
Le Royaume-Uni se croyait sorti d’affaires. Le 5 avril dernier, Boris Johnson fêtait avec son peuple la réouverture des terrasses une pinte de bière à la main. Arguant fièrement d’une campagne vaccinale menée tambour battant permettant de vacciner 69% de la population avec une première dose, le premier ministre britannique affiche sa stratégie en exemple sur le continent européen. Une idylle annoncée, rêvée puis brisée par l’arrivée surprise du variant indien.
Pointée du doigt comme responsable de la flambée épidémique en Inde, laissant le pays meurtri avec 250.000 morts, la double mutation a été classée comme « préoccupante » par l’OMS cette semaine. Elle a été détectée dans 44 pays dont la France, où 24 clusters ont été déclarés par Santé publique France dans son dernier bilan du 13 mai. Mais les mesures prises par l’ensemble des pays s’avèrent aujourd’hui insuffisantes pour contenir sa propagation. En Europe, le Royaume-Uni arrive en tête avec plus de 1300 cas issus de cette mutation détectée. Une étude menée par l’Imperial College de Londres révèle sa présence chez 7,7% des 130.000 Britanniques testés entre le 15 avril et le 3 mai. Des résultats qui alertent les autorités sanitaires britanniques.
Inquiétude grandissante des autorités britanniques
«Le fait que ce variant progresse si vite alors que nous sommes encore en période de restrictions sociales est très inquiétant», a souligné Paul Hunter, professeur à l’université d’East Anglia. Une préoccupation partagée par Boris Johnson qui a réuni jeudi 13 mai son gouvernement pour une réunion de crise au ministère de la Santé, à deux jours d’une nouvelle étape cruciale du déconfinement britannique autorisant les réunions et repas en intérieur. À son issue, le secrétaire d’État Nadhim Zahawi a indiqué que les médecins allaient étudier «comment modifier la campagne de vaccination pour la rendre la plus efficace possible face à cette poussée du variant». En une semaine, le nombre de cas issus de la mutation indienne a grimpé de 60%.
L’exécutif britannique s’est donc dit prêt à prendre «toute nouvelle mesure utile». Parmi celles-ci figurent un plus grand séquençage des tests positifs, une ouverture de la vaccination aux plus jeunes ou encore un rapprochement de la deuxième dose. Les cas de variant indien étant principalement concentrés dans le nord-ouest de l’Angleterre comme à Bolton ou Blackburn, mais aussi à Londres, des confinements locaux sont eux aussi envisagés. «Rien n’est exclu», a glissé le premier ministre britannique, complété par le ministre de la Santé qui a déclaré suivre de «très très près cette situation». Les autorités britanniques ne sont pas les seules à veiller sur cette reprise épidémique.
L’Europe serait-elle à l’aube d’une quatrième vague ?
«En France, nous devons être particulièrement vigilants à ce qu’il se passe au Royaume-Uni sinon il nous arrivera la même chose», alerte le professeur Djillali Annane, chef du service de réanimation de l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches (Hauts-de-Seine). Si pour l’instant le variant indien circule peu sur le sol français dont «la grande majorité des épisodes déclarés à ce jour est liée à des cas de retour d’un séjour en Inde», selon Santé publique France, «il ne faut pas le négliger». Pour le professeur Djillali Annane, «on pourrait être dans la même situation qu’au mois de janvier dernier avec le variant britannique» et se retrouver confronté ainsi à une flambée épidémique au mois de septembre prochain «si on ne fait rien». L’épidémiologiste appelle donc «à passer à l’action».
«Il faut des mesures de dépistage massif et un isolement très strict en cas de résultat positif au variant indien.» Si la capacité de séquençage est souvent critiquée en France, «elle doit être largement renforcée», en s’appuyant sur la force britannique. En effet, nos voisins Outre-Manche sont précurseurs et ont investi largement dans cette technique scientifique, devenue essentielle pour mieux repérer l’apparition et la propagation des variants émergents. «Il faudrait même organiser cela au niveau international, complète le professeur Anne-Claude Crémieux, infectiologue à l’hôpital Saint-Louis à Paris. Aujourd’hui, il faut une transparence absolue entre les scientifiques du monde entier pour un meilleur partage des connaissances», y compris sur l’efficacité des vaccins.
Des vaccins possiblement moins efficaces
Contrairement à la France où 85% des personnes ont reçu une dose de vaccin ARN messagers (Pfizer et Moderna), le Royaume-Uni a majoritairement misé sur une vaccination à base d’AstraZenecca. Un lien peut-il être réalisé entre le vaccin choisi et la reprise épidémique ? «C’est une possibilité», estime Djillali Annane, qui y voit «un indicateur indirect inquiétant, pouvant témoigner d’une inefficacité de la campagne vaccinale». Anne-Claude Crémieux va plus loin, tout en restant extrêmement prudente en l’absence de données scientifiques certaines : «Pour obtenir une immunité collective, il faudrait se diriger vers une vaccination 100% à base d’ARN messagers, complète-t-elle, comme c’est le cas en Israël».
En attendant les conclusions des études britanniques et indiennes menées cette semaine, l’Agence européenne des médicaments (EMA) reste confiante, affirmant que «jusqu’à présent, dans l’ensemble, les vaccins seront efficaces contre ce variant», avec une plus grande certitude pour les vaccins ARN messagers. De son côté, l’OMS appelle «d’urgence de nouvelles études robustes» afin de déterminer ses réels impacts et les meilleurs moyens à mettre en place pour limiter sa propagation. Le professeur Djillali Annane rappelle cependant que «la protection vaccinale ne suffit pas aujourd’hui : Tant que le virus échappera à une région du monde, des mutations pourront mettre en péril la campagne vaccinale mondiale.»
Source : Le Figaro