Le procureur de la République a placé sous mandat de dépôt Joachin Kouamé N’guessan, pasteur de l’Église Patmos Dieudonné de Côte d’Ivoire. Dans des vidéos devenues virales, celui-ci affirme être Jésus. Joachin Kouamé N’guessan a été interpellé jeudi 31 mars au siège de son Église, dans la commune populaire de Yopougon (Côte d’Ivoire).
Joachin Kouamé N’guessan, « le Seigneur Jésus » de l’Église Patmos Dieudonné de Côte d’Ivoire a passé sa première nuit à la maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca) où il est arrivé jeudi 31 mars, après une audition, dans la soirée, au parquet du tribunal de première instance d’Abidjan-Plateau.
« Il a été arrêté pour trouble à l’ordre public et placé sous mandat de dépôt » informent, sous anonymat, une source judiciaire et un responsable de l’Église qui a assisté le matin à l’interpellation du guide religieux par la police, « en présence d’un membre de la direction générale des cultes. »
« Ce matin quand ils sont venus le chercher, ils nous ont dit qu’ils voulaient juste l’auditionner à la demande leur hiérarchie », confie ce responsable de l’Église assis dans l’un des bureaux en compagnie de quelques fidèles. Derrière le grand portail d’entrée de l’Église Patmos Dieudonné de Côte d’Ivoire, des dizaines de fidèles assis par petits groupes suivaient jusque tard dans la nuit l’évolution de la situation de leur guide religieux. Certains à travers des appels téléphoniques, tandis que d’autres s’informent sur les réseaux sociaux où entre railleries et indignations, l’affaire s’est très vite répandue.
Accomplir la fin des temps
À l’origine de cette arrestation, les vidéos de prédication de Joachin Kouamé N’guessan, qui se présente comme la réincarnation du Christ. Toujours vêtu d’une soutane blanche et la tête couverte d’une serviette blanche, ses prêches en français et en baoulé (sa langue maternelle parlée dans le centre de la Côte d’Ivoire) alimentent depuis quelques semaines les conversations et les réseaux sociaux.
« Le Jésus baoulé » comme le surnomment les internautes, y affirme être venu accomplir la fin des temps dont la date ne dépend que de lui. « Vos linges sales, lavez-les ! Apprêtez-vous, rangez vos bagages, soyez prêts car nous allons décoller bientôt ! », lance-t-il à ses fidèles qu’il considère comme « les élus ». C’est d’ailleurs l’une des séquences les plus parodiées par internautes ivoiriens sur TikTok et Facebook.
Même si la grande majorité trouvent ses propos drôles, certains blogueurs ivoiriens ont interpellé sur les « risques » que révèlent les messages du prédicateur et demandé que le ministère de l’intérieur « prenne ses responsabilités ». « Je trouve le Jésus baoulé tout sauf drôle, a écrit, samedi 26 mars, Jean Christian Konan, un blogueur ivoirien sur Facebook. L’histoire des églises messianiques apocalyptiques en milieu rural qui ont tourné au drame est un témoignage. C’est déjà arrivé, y compris en Afrique. On n’est plus dans l’ordre du fantasme puisqu’il y a eu des précédents. »
Église Patmos Dieudonné
Du côté des fidèles de cette Église, on crie à la cabale contre une institution religieuse fondée depuis 1976 par Nahomie Aya Yao plus connue sous le nom de « prophétesse Nahomie », dans l’ouest de la Côte d’Ivoire et bien connue par les autorités ivoiriennes. Aux côtés de la « prophétesse » âgée aujourd’hui de 79 ans, Joachin Kouamé N’guessan est depuis quelques années, la figure de cette Église qui jusque-là était sans histoire.
La prophétesse était reçue sur les médias d’État, et l’inauguration du siège mondial de son Église dans le campement a été faite en présence de milliers de fidèles et des autorités administrative et politique locales. Le camp de prière où le guide religieux a été interpellé accueille depuis plus d’une décennie des fidèles en quête de solutions à divers problèmes spirituels. Affaiblie par le poids de l’âge, les apparitions publiques de la fondatrice sont devenues rares depuis 2017, offrant davantage la tribune à Joachin N’guessan qui l’a rejoint dans les années 1990.