vendredi, 22 novembre 2024 16:35

Togo : 60 ans après les indépendances, retour sur l’histoire mouvementée de ce pays

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Par Marlène Panara
Le Point.fr

HISTOIRE. 60 ans après son indépendance, le Togo reste sur l’orbite d’un pays sous tension politique quasi permanente. Mais l’histoire du Togo moderne a commencé bien avant.

Le drapeau à étoile blanche sur fond rouge, barré de lignes horizontales jaunes et vertes, flotte pour la première fois dans les bâtiments officiels du Togo ce 27 avril 1960. Ce jour-là, le pays obtient l’indépendance, et fait son entrée dans la communauté internationale. Il met fin, aussi, à plus d’un siècle de domination entamée dans la seconde moitié du XIXe siècle. À cette période, des comptoirs portugais, danois ou encore hollandais sont déjà disséminés sur le territoire. Mais le 5 juillet 1884, un explorateur allemand, Gustav Nachtigal, va plus loin. Sur la plage de Baguida, il signe un accord de protectorat avec un chef local, le roi Mlapa III. La colonisation du Togo et l’annexion de ses territoires commencent.

Le « Togoland » d’après la conférence de Berlin

L’année suivante, la conférence de Berlin, qui consacre le partage de l’Afrique entre nations européennes, officialise le « Togoland » en tant que colonie allemande sur un territoire couvrant plus de 90 000 km². Mais la Première Guerre mondiale, dont les combats s’élargissent aux colonies européennes du monde, y met fin trente ans plus tard. En 1914, les forces françaises envahissent le Togoland depuis le Dahomey à l’est. Les Britanniques, qui occupent la Gold Coast, pénètrent le territoire allemand par l’ouest. Après la défaite de l’Allemagne en 1918, le Togo devient un pays sous mandat de la Société des Nations (SDN), ancêtre des Nations unies. Il est partagé entre la France et la Grande-Bretagne.

L’après-guerre, période charnière

L’entre-deux-guerres entérine l’occupation étrangère au Togo. Les deux puissances coloniales, chacune de son côté, s’efforcent de supprimer toute trace de la présence allemande et assoient leur domination via des mesures spécifiques appliquées dans les secteurs de l’économie et de l’éducation. Un arrêté de 1922 impose par exemple le français comme la seule langue d’apprentissage au détriment des langues locales.

Après la Seconde Guerre mondiale en revanche, une volonté de changement est perceptible. En 1946, le Togo français est détaché de l’Afrique occidentale française (AOF) et obtient sa propre représentation au Parlement français. Dix ans plus tard, alors que les Britanniques intègrent leur partie du Togo à la Gold Coast, actuel Ghana, de l’autre côté, on touche (presque) au but : le 30 août, le Togo français devient une république autonome au sein de l’Union française.

Une vie politique se met alors en place, indépendamment de l’autorité française et britannique. Les partis se divisent alors en deux camps : celui de Sylvanus Olympio, partisan dans un premier temps d’un état Ewe, puis défenseur d’un État réunifié, fondateur du Comité de l’unité togolaise (CUT). Et celui du Parti togolais du progrès qui devient le Mouvement populaire togolais (MPT), partisan de l’abolition de la tutelle, mais en association étroite avec la France.

Le 27 avril 1958, l’indépendance se dessine un peu plus avec l’organisation d’élections sous l’égide de l’ONU. La victoire du CUT est écrasante. Sylvanus Olympio est nommé Premier ministre et est chargé de former un gouvernement. La transition est en marche et débouche sur l’indépendance pleine et entière du Togo le 27 avril 1960.

De l’indépendance à l’assassinat de Sylvanus Olympio

Mais l’euphorie et le vent de liberté qui gagnent tout le pays seront de courte durée. Chef du CUT, élu président le 9 avril 1961 face à Nicolas Grunitzky, soutenu par la France, Sylvanus Olympio met fin la même année au multipartisme et modifie la Constitution. Celle-ci élargit ses pouvoirs. Cette situation cristallise encore un peu plus les frustrations des populations du nord du pays qui sentent délaissées par un gouvernement dominé par les Ewé de la région de Lomé, la capitale. Le chef de l’État refuse aussi catégoriquement d’intégrer dans son armée d’anciens soldats togolais ayant servi dans l’armée française en Algérie ou en Indochine. La décision provoque l’ire de ses troupes. Elle sera lourde de conséquences. Dans la nuit du 12 au 13 janvier 1963, Sylvanus Olympio est assassiné à Lomé par un commando militaire. Parmi les soldats présents cette nuit-là, le lieutenant-colonel Étienne Eyadéma, originaire du nord du Togo.

Le président Etienne Eyadéma est reçu au Trianon en décembre 1971 par le président français Georges Pompidou. On le voit ici serrer la main de Michel Debré, alors ministre de la Défense. © AFP

L’ère Eyadéma

Olympio est remplacé par Nicolas Grunitzky qui, lui-même, sera renversé à la suite d’un coup d’État par Étienne Eyadéma le 13 janvier 1967. Il restera à la tête du pays 37 ans durant, marqués par des réélections controversées. Devenu Gnassingbé Eyadéma, il dirige le Togo d’une main de fer matant toute tentative de changement. Il ne lâche qu’un peu de lest au début des années 1990 en accordant le multipartisme. Il reprendra cependant les rênes du pays en 1993 à l’issue de la Conférence nationale après un moment politique de transition qui n’aura duré qu’un an.

Son décès en 2005 ne signe pas la fin de l’ère Eyadema. Son fils Faure Gnassingbé, désigné président à la hâte par les militaires, puis élu officiellement depuis à la suite d’élections que l’opposition ne s’est pas gênée de contester, a repris le flambeau. Le 24 février dernier, il a été réélu pour un quatrième mandat avec 72,3 % des voix et son challenger Gabriel Agbéyomé Kodjo qui avait été arrêté mardi dernier vient d’être remis en liberté sous contrôle judiciaire après avoir été inculpé, selon son avocat d’atteinte, à la sûreté de l’État, trouble aggravé à l’ordre public et diffusion de fausses nouvelles. L’histoire se répète inlassablement.

La Rédaction

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