Même son inhumation n’a pas mis fin aux révélations sur la mort à Paris le 4 novembre courant de l’ancien Ministre des Finances et du Budget. Moustapha BA décédé de mort naturelle selon les autorités françaises dans un premier temps, se serait suicidé d’après la Justice hexagonale. L’autopsie ordonnée par le Procureur de la République de Dakar avait déjà écarté l’idée d’une mort naturelle. Ce que confirme Africa Intelligence vient de rajouter une nouvelle couche. Qu’est-il finalement arrivé à l’ex Argentier de l’État ? Mystère et boule de gomme.
Après avoir déclaré que la mort de Mamadou Moustapha BA était naturelle, la justice française privilégie désormais la thèse du suicide, selon Africa Intelligence qui révèle que les investigations menées en France ont conclu que l’ancien ministre sénégalais des Finances et du Budget s’est bien donné la mort, début octobre à Paris.
Ces éléments ont été transmis à la justice sénégalaise, qui de son côté juge les circonstances du décès suspectes et a ouvert une enquête le 4 novembre. Selon des sources judiciaires françaises, Mamadou Moustapha BA, ex-ministre des Finances et du Budget sénégalais, s’est bien suicidé dans la capitale française le 8 octobre. Une version étayée par les enregistrements des caméras de vidéosurveillance du métro parisien, sous lequel l’ancien grand argentier s’est visiblement jeté, sans l’intervention apparente d’un tiers.
Pourtant malgré les recherches effectuées par Atlanticactu.com, entre le 1er et le 8 octobre, aucun incident de cette nature n’a été mentionné par le métro parisien ou la Préfecture de Police.
L’état du corps rendait jusque-là toute identification extrêmement difficile. Mais les services français sont parvenus à mettre un nom sur le défunt, celui de l’ex-ministre, après que son épouse a signalé sa disparition aux autorités hexagonales, le 23 octobre. Dans la foulée de l’annonce de son décès, le 4 novembre, la dépouille de Mamadou Moustapha BA a été rapatriée à Dakar.
Dans le cadre de l’entraide judiciaire liant les deux pays, les magistrats français ont transmis les résultats de leur rapport à leurs homologues sénégalais. Après avoir procédé à sa propre autopsie, le parquet de Dakar a ordonné, le 10 novembre, l’ouverture d’une enquête, invoquant des « éléments qui sont de nature à attester que la mort n’est pas naturelle ». À la différence de leurs pairs français, pour qui la thèse du suicide ne fait guère de doute, les juges sénégalais n’écartent pas la possibilité d’un homicide. Une hypothèse alimentée par la découverte supposée d’une plaie au niveau de la gorge de l’ancien ministre, rapporte Africa Intelligence.
Une mort qui soulève de vives tensions alors qu’il est prêté au défunt ministre des Finances d’avoir émis une certaine méfiance vis-à-vis du nouveau pouvoir
Alors que les investigations se poursuivent, la dépouille de Mamadou Moustapha Ba a depuis été restituée à sa famille, qui a procédé à son inhumation le 13 novembre dans son fief de Nioro du Rip. L’affaire a entre-temps suscité un intérêt marqué auprès de l’opinion publique locale, plusieurs commentateurs faisant notamment état de vives tensions entre l’ancien hiérarque et l’actuel pouvoir sénégalais au cours des derniers mois.
Ministre des finances et du budget durant les deux dernières années du mandat de l’ex-président Macky Sall (2012-2024), Mamadou Moustapha BA avait été mis en cause par le premier ministre, Ousmane SONKO, lors d’une conférence de presse, le 27 septembre. Dénonçant la « corruption généralisée » en vigueur sous la précédente administration, le chef de l’exécutif l’avait accusé, ainsi que d’autres anciens responsables politiques, d’avoir manipulé les chiffres des finances publiques du Sénégal « pour donner une image économique et financière qui n’a rien à voir avec la réalité ». Selon le nouveau gouvernement sénégalais, le déficit budgétaire annoncé à une moyenne de 5,5 % du PIB sur la période 2019-2023 avait été en fait de 10,4 %, et la dette publique, estimée à 65,9 % du PIB, serait en réalité de 76,3 %.
Selon Africa Intelligence, « Ces dernières semaines, Mamadou Moustapha BA manifestait une certaine méfiance à l’égard du pouvoir sénégalais actuel. La veille de sa mort, l’ex-ministre aurait ainsi fait part de sa conviction d’avoir été mis sur écoute dans un message envoyé sur une boucle WhatsApp regroupant ses anciens collègues du gouvernement. Affirmant que son téléphone avait été « cloné », Mamadou Moustapha BA, qui déclarait être sur le point de rentrer à Dakar « sous surveillance », leur avait enjoint de ne plus communiquer avec lui. »