Sénégal
Atlanticactu / Dakar / Cheikh Saadbou Diarra
Entre une première vague qui avait fini par démontrer l’affaissement de la démocratie sénégalaise tant chantée et l’administration d’une justice dénoncée par les usagers, la deuxième vague annoncée par le leader de Pastef Ousmane Sonko après le vigoureux discours du président Macky Sall « que ce qui s’était passé n’allait plus se reproduire au Sénégal », qui a été plus dévastatrice, mettant à nu les limites de la répression policière malgré le surarmement et le recrutement de plusieurs milliers de policiers et gendarmes.
Pour une deuxième fois en l’espace de 2 ans, le Sénégal est passé à côté du chaos. L’actuel président Macky Sall qui termine son dernier mandat dans quelques mois, prendra-t-il le risque d’annoncer sa candidature illégale à un troisième mandat ou faire envoyer Ousmane Sonko en prison avec le risque d’une troisième vague avec plus de morts ? Nombreux sont les observateurs qui disent que tout dépendra des « consignes » d’Emmanuel Macron lors de son séjour parisien de ce lundi 19 juin.
Au-delà de l’affaire Sonko et des dissensions politiques, les droits humains sont plus que jamais en danger et les civils sont les premiers affectés. Malgré une récente accalmie à Dakar et dans les grandes villes du Sénégal, des violences policières, des enfermements abusifs et une restriction des libertés fondamentales, dans un contexte préélectoral, ont marqué les esprits.
« Je vous ai compris », avait lancé Macky Sall à la jeunesse sans espoir oubliant les frustration et ressentiments engendrés par une corruption et impunité endémiques
Depuis les émeutes de mars 2021, les rues sont régulièrement prises d’assaut par une population excédée. Loin d’être une conjoncture politique et sociale passagère, les confrontations entre forces de l’ordre et populations civiles sont de plus en plus rapprochées et se généralisent autour d’un même schéma : une population harassée qui sort dans la rue et manifeste son mécontentement croissant et une réponse par la répression et l’usage excessif de la violence. Une frustration généralisée muselée qui s‘inscrit dans une fracture politique entre les partisans du pouvoir établi et forces de l’opposition.
Suite au verdict condamnant le leader d’opposition Ousmane Sonko pour « corruption de la jeunesse » et qui paraissait au départ pour des accusations de viol et menaces de mort, de nouvelles vagues de violence sont survenues le jeudi 1er juin 2023 avec encore une fois de nombreux affrontements entre forces de l’ordre et manifestants dans la capitale et plusieurs autres villes du Sénégal (Ziguinchor, Bignona, Saint-Louis, etc.). Ce qui est reproché, ce sont, dans un premier temps, les procédures de justice expéditive pour les opposants politiques et toutes formes de critiques du pouvoir de Macky Sall. Plus que des manifestations pro-Sonko, c’est un régime de corruption endémique et d’arrestations arbitraires qui est contesté. Les médias, les intellectuels et les associations de défenses des droits humains ont alerté sur une potentielle dérive autoritaire du Président Macky Sall et dans une stratégie de 3e mandat à l’approche des prochaines élections de 2024.
Ajoutée à cela, la situation socio-économique est préoccupante et la crise sanitaire liée au Covid-19, encore une grande part de la population n’a pas accès aux services sociaux de base, se retrouve dans une insécurité alimentaire et fait face à des pénuries d’eau. La jeunesse, quant à elle, est particulièrement touchée par un manque d’insertion professionnelle et d’accès à des structures éducatives de qualité. Au Sénégal, le chômage avoisine les 22% pour une population qui a majoritairement moins de 25 ans. Si la jeunesse représente un des grands défis, la classe politique sénégalaise peine à s’en saisir et à l’intégrer comme une des grandes priorités de l’agenda politique.
Une jeunesse en quête d’opportunité et avide de changement, un manque d’inclusivité de la croissance économique, une perte de légitimité du pouvoir en place et un affaiblissement des institutions, sont autant d’ingrédients qui cristallisent les ressentiments dans le pays.
Avec l’emprisonnement d’opposants, d’Activistes, de Journalistes et la suspension de signal de télévision, des droits et des libertés sont en danger
Entre le 1er et le 5 juin 2023, à Dakar et dans plusieurs grandes villes du Sénégal, les rues se sont embrasées et les manifestations lourdement réprimées. La décision de peine de deux ans de prison du « leader des jeunes » Ousmane Sonko ne pouvait qu’être contestée dans une atmosphère de tension et de durcissement du régime. Durant cinq jours, les manifestations violentes ont paralysé le pays. Du côté des forces de l’ordre, le recours à la force est totalement disproportionné et l’usage des armes à feu ne s’est pas limité à son caractère dissuasif. Durant la première nuit d’émeutes , entre le 1er et le 2 juin, 9 morts ont été comptabilisés et de nombreux blessés. Au bout de trois jours, les émeutes ont fait officiellement 23 morts d’après la Croix-Rouge sénégalaise et Amnesty International (dont au moins 3 enfants). En réalité, les manifestants font état d’un bilan provisoire de plus de 30 personnes tuées entre le 1er et le 3 juin. Aux dizaines de morts s’ajoutent de nombreux blessés, soit plus de 36 policiers et gendarmes et 390 manifestants blessés.
Ces faits de brutalité policière et d’atteinte à la dignité humaine à l’encontre des civils sont aussi représentatifs d’une dégradation globale des droits humains et d’un recul des libertés fondamentales ces dernières années au Sénégal. Une violence de la part des forces de l’ordre qui s’est totalement banalisée depuis le début des tensions politiques faisant d’eux des forces de la répression.
« Subitement, les policiers et gendarmes sénégalais, pourtant issus d’excellentes écoles, préfèrent désormais une répression aveugle contraire aux idéaux du MRO en démocratie. Dorénavant, on assiste plus à un blanc-seing – un permis de tuer avec la présence affichée de Nervis armés lors des manifestations »