Après la famille Obiang Nguéma actuellement au pouvoir en Guinée Équatoriale, c’est au tour de la famille présidentielle gabonaise de répondre devant la justice française pour biens mal acquis. Dégâts collatéraux, la première banque française a été mise en examen le 11 mai dans l’enquête sur le patrimoine en France de la famille du défunt président gabonais Omar Bongo, a appris jeudi l’Agence France-Presse.
La première banque française et européenne a été mise en examen pour « blanchiment de corruption et de détournement de fonds publics » dans le volet gabonais de l’affaire des « biens mal acquis », a appris jeudi 20 mai l’Agence France-Presse de sources proche du dossier et judiciaire. L’enquête sur le patrimoine en France de la famille du défunt président gabonais Omar Bongo a permis la mise au jour de dizaines de millions d’euros suspects de la famille Bongo ayant transité sur ses comptes.
Cette mise en examen a été prononcée par un juge d’instruction du pôle financier du Tribunal de Paris chargé de l’enquête dite des « biens mal acquis », qui porte également sur le patrimoine de la famille de Denis Sassou Nguesso, président du Congo. Selon les investigations, la première banque française « a manqué à ses obligations de vigilance en n’effectuant pas de déclaration de soupçon » entre 2002 et 2009 sur le « fonctionnement atypique du compte [de la société] Atelier 74 et de sa relation quasi exclusive » avec Omar Bongo, conclut une note en septembre 2020 de l’Office central de répression de la grande délinquance financière (OCRGDF). Contactée, la banque n’a pas réagi dans l’immédiat.
BNP Paribas mise en examen pour avoir facilité à travers sa filiale le transit de 52 millions d’euros
Omar Bongo – président du Gabon de 1967 à sa mort, en 2009, et auquel a succédé son fils Ali – était considéré alors comme une « personne politiquement exposée » au risque de blanchiment d’argent. Le clan Bongo a acquis douze biens immobiliers à Paris et à Nice « pour un montant de près de 32 millions d’euros sur une période très longue » à partir des années 1990, selon les enquêteurs.
Pour réaliser ces acquisitions, des espèces étaient versées par des hommes de confiance du chef d’Etat à la banque BGFI à Libreville sur le compte de la filiale gabonaise de la société Atelier 74. Puis les sommes étaient transférées sur le compte de la maison mère à la BNP Paribas. Selon un rapport d’enquête de 2017, mettant déjà en cause la BNP, 52 millions d’euros ont ainsi transité de 1997 à 2009 entre Atelier 74 et sa filiale. La société, spécialisée dans la décoration intérieure, était chargée de dénicher les biens immobiliers et de les rénover pour plusieurs millions d’euros.
Rôle « prépondérant »
« L’utilisation systématique de chèques de banque BNP Paribas » pour régler ces acquisitions « aurait dû alerter » le groupe bancaire, qui a joué un rôle « prépondérant » dans ce système de blanchiment, soulignent les enquêteurs.
« C’est une première historique dans ce dossier », s’est félicité William Bourdon, l’avocat de Transparency International, saluant une décision « extrêmement solide, à la hauteur des investigations du juge » Dominique Blanc. « Cette mise en examen rappelle qu’il n’y a pas de grande opération de blanchiment et de détournement d’argent public sans de grands ingénieurs du chiffre et du droit », deux notaires et un avocat étant déjà poursuivis dans ce dossier, a ajouté Me Bourdon.
Dans cette enquête, qui a débuté en 2010 à la suite d’une plainte de Transparency, au moins treize personnes sont mises en examen, dont cinq membres de la famille Nguesso, l’ancien avocat d’Omar Bongo, et des intermédiaires français. Des membres de la famille Bongo ont été auditionnés, mais aucun d’entre eux n’est poursuivi à ce jour.
Avec Le Monde