L’article 60 du règlement intérieur de l’assemblée nationale dispose : … « Les projets et propositions sont distribués aux députés au moins dix (10) jours avant leur examen par la Commission compétente, sauf en cas d’urgence motivée. Si le pouvoir exécutif fait passer le projet de loi modifiant la loi n°69-29 du 29 avril 1969 relative à l’état d’urgence et à l’état de siège en procédure d’urgence, les députés auront le texte en procédure d’urgence, l’assemblée nationale n’a pas besoin de respecter le délai de 10 jours dans le cadre d’une procédure d’urgence. C’est la raison pour laquelle les députés n’ont pas encore reçu le projet de loi (ce qui est certain, c’est que le Président de l’assemblée nationale, Moustapha Niasse est mis dans la confidence).
Dans les textes actuels, et précisément au niveau de la Constitution (article 69), l’état d’urgence est une « compétence partagée entre le Président et l’assemblée nationale » :
· Le Président dispose du pouvoir de proclamer l’état d’urgence (décret),
· La prorogation de l’état d’urgence est une compétence exclusive de l’assemblée nationale (relève de la loi).
Le président proclame l’état d’urgence par décret pour une durée de 12 jours. Passé ce délai, l’autorisation pour la prorogation est du ressort exclusif de l’assemblée nationale. La Constitution sénégalaise est fondée sur le principe de la séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire afin d’éviter leur concentration entre les mains d’une seule personne, fusse t’il Président.
Pour dépouiller l’assemblée nationale de ses prérogatives, il ne suffit pas de modifier la loi de 1969 sur l’état d’urgence et l’état de siège. Il faut modifier également l’article 69 de la Constitution qui attribue à l’assemblée nationale ses pouvoirs au titre de l’état d’urgence et l’état de siège, puisque l’article premier de la loi de 1969 dispose que l’état de siège et l’état d’urgence sont institués dans les conditions prévus par la Constitution (la loi renvoie clairement à la Constitution).
La loi de 1969 prévoit déjà que l’état d’urgence puisse être déclaré en cas d’évènements présentant de par leur nature et leur gravité, un caractère de calamité publique
La vérité inavouée, c’est que Macky Sall veut concentrer tous les pouvoirs, dépouiller l’assemblée nationale de ses prérogatives et se passer de son autorisation pour la prorogation. Or, pour dépouiller l’assemblée nationale de ses prérogatives, et lui donner les pleins pouvoirs sur l’état d’urgence, il faut passer par la Constitution, quel que soit le motif.
Le 03 mai 2020, nous affirmions avec force, que tous les décrets pris par Macky Sall prorogeant l’état d’urgence étaient illégaux. Aujourd’hui, c’est le pouvoir exécutif qui reconnait lui-même l’illégalité de ces décrets, puisque Macky Sall veut désormais se passer de l’autorisation de l’assemblée nationale pour la prorogation. Ce qui n’est pas possible en l’état actuel, puisqu’il faut impérativement modifier la Constitution (article 69). C’est la Constitution qui attribue au parlement ses pouvoirs.
Cordialement
Seybani SOUGOU