vendredi, 22 novembre 2024 14:41

Etat d’urgence : Si le projet de loi modifiant la loi n°69-29 du 29 avril 1969 est adopté en procédure d’urgence, la loi sera inconstitutionnelle (Seybani Sougou)

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Aux députés de l’assemblée nationale sénégalaise : prenez vos responsabilités, pour une fois !

L’article 60 du règlement intérieur de l’assemblée nationale dispose : … « Les projets et propositions sont distribués aux députés au moins dix (10) jours avant leur examen par la Commission compétente, sauf en cas d’urgence motivée. Si le pouvoir exécutif fait passer le projet de loi modifiant la loi n°69-29 du 29 avril 1969 relative à l’état d’urgence et à l’état de siège en procédure d’urgence, les députés auront le texte en procédure d’urgence, l’assemblée nationale n’a pas besoin de respecter le délai de 10 jours dans le cadre d’une procédure d’urgence. C’est la raison pour laquelle les députés n’ont pas encore reçu le projet de loi (ce qui est certain, c’est que le Président de l’assemblée nationale, Moustapha Niasse est mis dans la confidence).

Dans les textes actuels, et précisément au niveau de la Constitution (article 69), l’état d’urgence est une « compétence partagée entre le Président et l’assemblée nationale » :

·      Le Président dispose du pouvoir de proclamer l’état d’urgence (décret),

·      La prorogation de l’état d’urgence est une compétence exclusive de l’assemblée nationale (relève de la loi).

Le président proclame l’état d’urgence par décret pour une durée de 12 jours. Passé ce délai, l’autorisation pour la prorogation est du ressort exclusif de l’assemblée nationale. La Constitution sénégalaise est fondée sur le principe de la séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire afin d’éviter leur concentration entre les mains d’une seule personne, fusse t’il Président.

Pour dépouiller l’assemblée nationale de ses prérogatives, il ne suffit pas de modifier la loi de 1969 sur l’état d’urgence et l’état de siège. Il faut modifier également l’article 69 de la Constitution qui attribue à l’assemblée nationale ses pouvoirs au titre de l’état d’urgence et l’état de siège, puisque l’article premier de la loi de 1969 dispose que l’état de siège et l’état d’urgence sont institués dans les conditions prévus par la Constitution (la loi renvoie clairement à la Constitution).

La loi de 1969 prévoit déjà que l’état d’urgence puisse être déclaré en cas d’évènements présentant de par leur nature et leur gravité, un caractère de calamité publique

L’article 2 de la loi de 1969 dispose que « ……l’état d’urgence peut être déclaré sur tout ou partie du territoire en cas d’évènements présentant de par leur nature et leur gravité, un caractère de calamité publique ».Tous les évènements (il n’ y a aucune restriction du point de vue de la loi) présentant de par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique sont pris en compte par le législateur et par la loi de 1969 sur l’état d’urgence et l’état de siège (les catastrophes naturelles,  la Covid-19, les inondations ou tout autre événement grave similaire entrent dans le champ de la calamité publique).
Par conséquent, vouloir faire croire aux sénégalais que le projet de loi a été élaboré « pour prendre en compte des phénomènes non prévus par la loi ou assurer au mieux la gestion de catastrophes naturelles ou sanitaires, est un motif mensonger et totalement fallacieux puisque la n°69-29 du 29 avril 1969 relative à l’état d’urgence et à l’état de siège a déjà prévu tout type d’évènement grave qui présente un caractère de calamité publique.

La vérité inavouée, c’est que Macky Sall veut concentrer tous les pouvoirs, dépouiller l’assemblée nationale de ses prérogatives et se passer de son autorisation pour la prorogation. Or, pour dépouiller l’assemblée nationale de ses prérogatives, et lui donner les pleins pouvoirs sur l’état d’urgence, il faut passer par la Constitution, quel que soit le motif.

Le 03 mai 2020, nous affirmions avec force, que tous les décrets pris par Macky Sall prorogeant l’état d’urgence étaient illégaux. Aujourd’hui, c’est le pouvoir exécutif qui reconnait lui-même l’illégalité de ces décrets, puisque Macky Sall veut désormais se passer de l’autorisation de l’assemblée nationale pour la prorogation. Ce qui n’est pas possible en l’état actuel, puisqu’il faut impérativement modifier la Constitution (article 69). C’est la Constitution qui attribue au parlement ses pouvoirs.

Macky Sall ne peut en aucun cas unilatéralement s’octroyer illégalement de nouveaux pouvoirs non prévus par la Constitution : le Sénégal n’est pas sa propriété : ça suffit ! 

 

Si le texte passe, parce que des députés godillots de l’assemblée l’ont adopté en procédure d’urgence, la loi sera inconstitutionnelle. Tout simplement.

 

 

Cordialement

Seybani SOUGOU

 Nb: la loi de 1969 a déjà prévu tous les évènements présentant de par leur nature et leur gravité le caractère de calamité publique: le seul motif inavoué du projet de loi est de déposséder l’assemblée de ses prérogatives; en la courcircuitant pour la prorogation. VIGILANCE !

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