vendredi, 22 novembre 2024 14:47

Affaire Legay : Comment le procureur de Nice a menti pour protéger Macron

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Le Procureur de la République de Nice,Jean-Michel Prêtre a reconnu avoir minimisé la blessure de la septuagénaire lors d’une manifestation de gilets jaunes le 23 mars pour éviter d’embarrasser le Président. Le ministère de la Justice ne souhaite pas engager de procédure disciplinaire.

Le procureur de la République de Nice a menti et l’explique d’une curieuse façon. C’est pour éviter d’embarrasser le président de la République que Jean-Michel Prêtre dit avoir dédouané les forces de l’ordre mises en cause pour la grave blessure à la tête de Geneviève Legay lors d’une charge de la police à Nice, le 23 mars. Cette justification a été livrée par le magistrat à sa hiérarchie, selon les informations du Monde.

Emmanuel Macron avait effectivement affirmé que la manifestante, qui participait à un rassemblement des gilets jaunes, n’avait «pas été en contact avec les forces de l’ordre», quelques heures avant une conférence de presse du procureur. Cette même version erronée des faits avait alors été soutenue par Jean-Michel Prêtre, qui assurait lui qu’il n’y avait eu «aucun contact» entre Geneviève Legay et les policiers. Puis, confronté à la publication de nouvelles images de la scène par plusieurs médias, le magistrat avait été contraint de se dédire totalement et de confier l’enquête à un juge d’instruction.

Cette communication mensongère de Jean-Michel Prêtre était d’autant plus surprenante que le magistrat était aux premières loges au moment de la charge. Le procureur était présent dans la salle de commandement, derrière les nombreux écrans de surveillance, comme l’avait révélé Mediapart. Jean-Michel Prêtre avait donc été témoin d’une part de l’action des policiers, mais aussi du refus des gendarmes d’utiliser la force face à la foule calme. Ces derniers avaient expliqué que cet ordre était «disproportionné».

«C’est lunaire», une communication mensongère du chef du parquet sème davantage le doute quant à l’implication de l’Élysée dans le fonctionnement de la justice

Entendu le 16 avril par le procureur général de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, Robert Gelli, Jean-Michel Prêtre a donc déclaré qu’il avait dédouané les policiers pour éviter «des divergences trop importantes» entre sa version et celle d’Emmanuel Macron. «Je n’y ai pas cru dans un premier temps, c’est lunaire de dire un truc pareil», commente un magistrat proche du dossier. Un compte rendu de cet entretien a été envoyé à la ministre de la Justice, Nicole Belloubet.

«Nous avons estimé, sur la base de ce rapport, qu’il n’y avait pas lieu à poursuites disciplinaires», explique à Libération le ministère de la Justice. La chancellerie estime par ailleurs que «les propos tenus dans le cadre de son audition ne concernent que lui» et qu’il «décide souverainement de la communication qu’il souhaite mener dans chaque affaire». Le Syndicat de la magistrature (SM), classé à gauche, a dénoncé dans un communiqué «l’hypocrisie de cette position, alors que le statut du parquet et la pratique du pouvoir sont délibérément conçus afin d’encourager, sous la surface de garanties d’indépendance formelles, une allégeance spontanée des procureurs envers l’exécutif». «Ce procureur est le symbole malsain de la dépendance de la justice à l’exécutif», tacle de son côté l’avocat de la militante d’Attac, Arié Alimi, qui vient de saisir le Conseil supérieur de la magistrature de cette affaire.

Complaisance ou pression de l’Élysée pour minimiser la charge policière

Le procureur de la République de Nice avait aussi curieusement confié l’enquête à la commissaire divisionnaire Hélène Pedoya, compagne du commissaire Rabah Souchi, responsable de la charge en question. Dans ce cadre, la Cour de cassation a décidé le 10 juillet de délocaliser les investigations. L’enquête est maintenant pilotée par un juge d’instruction lyonnais.

A la tête du parquet de Nice depuis février 2015, Jean-Michel Prêtre avait déjà par le passé fait preuve d’une certaine complaisance vis-à-vis des autorités. Chargé des premières investigations sur le dispositif de sécurité le soir de l’attentat du 14 juillet 2016, sur la promenade des Anglais, le magistrat s’en était tenu au minimum, avant de classer son enquête sans suite. Aucune perquisition n’avait été menée et aucun rapport d’intervention de la police ne figurait au dossier. De même, aucun des agents présents ce soir-là, à l’exception de la hiérarchie, n’avait été entendu. En juillet 2017, quelques mois après avoir clôturé cette enquête, le magistrat avait été décoré par Beauvau de la médaille de la sécurité intérieure, échelon or, dans le cadre d’une promotion exceptionnelle liée à l’attentat. Un autre étrange mélange des genres.

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