Les investitures pour les élections législatives du 31 juillet 2022 risquent d’entraîner de violentes batailles de positionnement au sein de Benno Bokk Yaakaar (BBY), avec de possibles dissensions entre l’APR et les partis alliés traditionnels (PS, AFP, LD). Ces derniers, qui dénoncent l’appétit gargantuesque des responsables républicains, sont bien décidés à assurer leur survie politique sur l’échiquier politique sénégalais.
C’est une bataille de positionnement qui attend la coalition Benno Bokk Yaakaar, à l’approche des élections législatives du 31 juillet 2022. En effet, dans les états-majors de l’APR et des partis alliés PS, AFP, LD, la guerre pour figurer sur les listes départementales et proportionnelles risque d’exacerber les tensions au sein de la majorité présidentielle. Et contrairement aux élections locales, Macky Sall, Président de la Conférence des leaders de BBY, a décidé de ‘’verrouiller’’ les investitures, avec comme objectif d’éviter toute liste parallèle. Une décision qui pourrait renforcer les dissensions au sein de la majorité présidentielle, avec de nombreux responsables qui voudraient se positionner, avant la Présidentielle de 2024.
Un président qui se doit aussi de faire le ménage dans ses propres rangs. L’absence de sanctions pour les responsables de la majorité dissidents à la tête de listes parallèles et le succès mitigé des missions de conciliation des émissaires envoyés dans les 46 départements du pays pour raffermir l’unité à la base, laissent poindre de profondes divergences, lors de la confection des listes pour les Législatives.
L’enjeu de ce scrutin sera aussi, pour les différentes composantes de BBY, de redéfinir les alliances, les compromis et l’équilibre des forces entre l’APR, les partis alliés, ainsi que les membres de la majorité élargie. L’appétit gargantuesque des républicains dans les nominations dans les hautes fonctions publiques et dans les investitures de la coalition est régulièrement dénoncé par les partis alliés. Des partis alliés traditionnels comme l’Alliance des forces de progrès (AFP) et le PS en pleine restructuration n’ont nullement abandonné leurs rêves de peser sur l’échiquier politique en 2024.
Pour cela, selon les observateurs, ces partis se doivent d’être bien représentés sur les listes, lors des élections législatives. Ce qui préfigure de longues nuits blanches pour le locataire du palais de l’avenue Léopold Sédar Senghor qui se doit de gérer aussi bien les frustrations au sein de son parti (APR) que les intérêts des partis alliés.
Les Législatives au cœur de la bataille de reconquête de légitimité des partis alliés (PS, AFP)
En outre, la place des nouveaux arrivés, comme Rewmi d’Idrissa Seck, le Parti libéral démocrate/Suxali Sénégal (PLD/SA) d’Oumar Sarr et l’Union des centristes du Sénégal (UCS) au sein de la coalition présidentielle, pose toujours des questions. La reconduction de personnalités politiques ‘’battues’’, lors des dernières Locales dans la Task Force pour la collecte des parrainages : Amadou Ba, Idrissa Seck et Ismaël Madior Fall, fait jaser au sein de BBY. La mise à l’écart de la présidente du Haut conseil des collectivités territoriales dans la campagne de collecte des parrainages à Louga, sonne aussi comme un désaveu de la part de Macky Sall.
Dans la maison de Keur Léopold, le leadership de la secrétaire générale du PS, Aminata Mbengue Ndiaye, est remis en question, depuis les élections locales. La ‘’Lionne du Ndiambour’’ a été forcée de se mettre en retrait, en faveur du maire sortant Moustapha Diop qui a été réélu contre Mamour Diallo. En interne, les responsables socialistes reprochent au président Macky Sall des tentatives de retrouvailles avec les libéraux, poussant récemment certains jeunes responsables socialistes a réclamé la tenue du congrès et une position claire sur les Législatives de 2022 et la Présidentielle de 2024 (voir ailleurs).
Le Parti socialiste, qui compte 15 députés, entend bien figurer dans l’Hémicycle, afin de peser au mieux sur les grandes orientations de la majorité.
Selon ses détracteurs, cette perte d’autorité risque d’entraîner de profonds remous au PS, en raison de la volonté de plusieurs cadres socialistes de barrer la route à leurs camarades recalés lors des dernières Locales.
Même son de cloche du côté des progressistes, à l’issue de la réunion du Secrétariat politique exécutif de l’Alliance des forces de progrès (AFP) du 24 février dernier. Le Pr. Mawloud Diakhaté, Directeur de l’école de l’AFP, a indiqué la volonté des camarades de Moustapha Niasse de vouloir peser davantage sur les futures délibérations au sein de Benno, surtout à l’approche des Législatives. ‘’A l’Alliance des forces de progrès, après une analyse fine des résultats des élections locales, nous avons décidé de faire la politique autrement, en posant nos positions dans le débat national, en agissant en tant que parti qui a une identité. Cela veut dire que rien ne sera plus comme avant. Cela dit, nous réaffirmerons notre compagnonnage avec Benno Bokk Yaakaar, mais il faudrait que nous affirmions davantage notre propre identité’’, avait indiqué le responsable progressiste.
Cette volonté d’affirmation doit se faire dans un contexte de restructuration du parti qui se doit d’élire un nouveau leader. Le fondateur et secrétaire général de l’AFP, Moustapha Niasse, avait annoncé son retrait, lors du 23e anniversaire du parti, en 2022.
Ainsi, même si la date du congrès annoncé n’est pas encore connue, les batailles de positionnement risquent d’impacter la vie du parti, et par ricochet, les investitures au sein de la coalition. La surenchère des candidats désireux d’apparaître comme les plus farouches défenseurs des intérêts de l’AFP au sein de BBY, risque de rendre difficile tout compromis dans les négociations pour les investitures. Parmi les potentiels candidats à sa succession, on peut citer le ministre du Tourisme Alioune Sarr, l’ancien maire de la commune de Fann-Point E, Dr Malick Diop, et Mbaye Ndione, Maire de Ngoundiane, pour reprendre le flambeau des mains de l’ancien ministre des Affaires étrangères sous Diouf.
Une coalition au cœur des rivalités politiques entre l’APR et ses alliés en vue de la Présidentielle de 2024
Pour le Dr Moussa Diaw, Enseignant-chercheur à l’UGB, la coalition connaît énormément de difficultés, en raison de la volonté des différentes parties d’affirmer leur indépendance à l’approche des élections législatives qui seront vitales pour la survie de cette coalition. D’après lui, la perspective de la Présidentielle de 2024 a accentué ce risque d’implosion de la coalition, en raison de la volonté d’émancipation des partis alliés face au rouleau compresseur ‘’apériste’’.
‘’Nous avons noté beaucoup de difficultés au sein de la coalition, notamment au sein de l’APR où il sera difficile pour Macky Sall de faire respecter sa décision d’interdire les listes parallèles. En outre, du côté des alliés, notamment au PS, on dénonce une certaine mise à l’écart dans le processus de réconciliation des différentes tendances issues des Locales et dans le processus des parrainages. Pis, plusieurs cadres ont dénoncé le traitement infligé à leur leader (Aminata Mbengue Ndiaye)’’, a-t-il déclaré.
‘’En outre, beaucoup de cadres socialistes commencent à prendre leur distance avec la direction qui, selon eux, ne prend pas en charge les aspirations de la base qui rêve toujours de revenir aux affaires. Du côté des progressistes, la volonté de Moustapha Niasse de se maintenir au pouvoir a fortement nui à l’attractivité du parti. Aujourd’hui, la nouvelle génération de leaders à l’AFP compte bien s’affirmer davantage et ne plus apparaître comme la caisse de résonnance d’une majorité à la solde de l’APR’’, conclut-il.