La société civile sénégalaise se mobilise aujourd’hui contre le manque de toilettes pour filles dans les écoles, alors que l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD) a relevé que 32% de la population ne disposait pas de « toilettes améliorées » et qu’au sein de cette partie de la population, 15% faisait ses besoins à l’air libre et n’utilisait pas de toilettes au quotidien.
Au collège Blaise-Diagne, au coeur de Dakar, la capitale, le vice-principal Ousmane Bâ observe les quelque 600 élèves aller et venir entre les salles de classe. « Les problèmes de toilettes ont un impact sur les résultats scolaires, surtout au niveau des filles », a-t-il indiqué.
« On s’est rendu compte que les garçons réussissaient mieux, parce que les filles avaient des difficultés pour rester toute la journée à l’école avec leurs problèmes de menstruations », a expliqué l’enseignant.
Dans ce collège, où les étudiantes sont majoritaires, les toilettes n’avaient plus été rénovées depuis une dizaine d’années. « Les enfants sont ici de 7H à 18H. S’ils n’ont pas de toilettes, cela va se répercuter forcément sur les résultats. Certaines filles disent que quand elles ont un besoin pressant, elles sont obligées de rentrer chez elles et parfois ne reviennent pas », a déploré Junior Diakhaté, enseignant en école élémentaire et président fondateur de l’association Simple Action Citoyenne (SAC).
« On est venu, on a vu et on a fait le constat que dans chaque école où on est passé, les toilettes n’étaient pas fonctionnelles, surtout les toilettes des filles. Donc on s’est dit : pourquoi ne pas essayer de faire quelque chose, » a-t-il expliqué.
Depuis deux mois, M. Diakhaté et les bénévoles de son association se sont lancés pour mission de rénover gratuitement les toilettes vétustes dans les écoles du pays. Au collège Blaise-Diagne, le défi était de taille : 12 cabines sont déjà rénovées et huit sont encore en travaux, lesquels devraient être terminés ce mois.
L’enseignant a mobilisé des entreprises partenaires et des mécènes pour financer l’opération, dont le coût s’élève à environ 1 million de francs CFA (environ 1.700 dollars), pour l’achat de toilettes, de portes, de peinture et de carrelage.
« Ces toilettes n’ont pas de prix, parce que ça se répercute sur le résultat de ces enfants. Ici, ils avaient un taux de réussite de 32%, parce que les filles étaient tout à fait derrière. Quand elles ont eu quelques toilettes ici, les résultats sont revenus à la normale », a affirmé Junior Diakhaté, ajoutant que « ces toilettes ne sont pas suffisantes. Il y a 600 enfants ici et 600 enfants pour 12 blocs de toilettes, c’est insuffisant ».
Depuis un mois, une dizaine de volontaires viennent chaque jour participer bénévolement aux efforts lancés par les associations SAC et La Rue n’est pas une Poubelle, auxquels participe Amadou Diallo, un militaire à la retraite devenu peintre. « Je suis en train de poncer le mur pour rattraper les fissures avec du plâtre. Après, on ponce avant de mettre la dernière couche », a-t-il détaillé.
Cette initiative citoyenne s’est répandue à travers les médias sénégalais et plus de 40 écoles demandent aujourd’hui à M. Diakhaté de rénover leurs toilettes. « On va faire un tour du Sénégal avec ce projet », s’est enthousiasmé ce dernier. L’objectif pour ces associations est d’entraîner avec elles la direction de la construction scolaire (DCS) du ministère de l’Education afin de mettre en exergue les besoins en toilettes de nombreuses écoles dans le pays.
« Ce sont des écoles de très grande renommée. Beaucoup d’hommes politiques sont passés par ici et l’heure est venue d’aider ces écoles à souffler », a conclu Junior Diakhaté, avant de reprendre son rouleau de peinture pour continuer son travail, sous l’oeil attentif du vice-principal Bâ. « On applaudit des deux mains et on félicite Junior et ces bénévoles au nom de la communauté éducative et au nom des parents d’élèves », a souligné le professeur.
ATLANTICACTU/XINHUA