« Je me sens complètement étranger à n’importe quelle affaire. » Ce sont les mots de Michel Platini après être ressorti libre de garde à vue, dans la nuit de mardi à mercredi. L’ancien président français de l’UEFA a été entendu plusieurs heures dans les locaux de l’office anticorruption de la police judiciaire (OCLCIFF) à Nanterre, près de Paris, dans le cadre de l’affaire portant sur les conditions d’attribution du Mondial 2022 au Qatar. Outre l’ancien capitaine des Bleus, l’ancienne conseillère sport de Nicolas Sarkozy, Sophie Dion, est elle aussi ressortie libre après sa garde à vue, tandis que l’ex-secrétaire général de l’Elysée, Claude Guéant, était pour sa part interrogé comme suspect libre.
Des sources proches de l’enquête confirment l’existence de mails internes à la fédération internationale semblant montrer une telle collusion, mais aussi l’existence d’une « réunion secrète » au palais de l’Elysée, le 23 novembre 2010, dix jours avant l’attribution du Mondial au Qatar. Ce déjeuner réunissait le président Nicolas Sarkozy, le prince héritier qatari Tamim ben Hamad al-Thani (devenu depuis l’émir), le patron de l’UEFA Michel Platini et Sébastien Bazin, actionnaire du PSG qui n’était pas encore propriété des Qataris (l’entourage de ce dernier dément toutefois au JDD sa présence ce jour-là). Selon France Football, il s’agissait de s’assurer que Michel Platini « ne donne pas sa voix aux Etats-Unis, comme il l’avait envisagé, mais au Qatar ».
Cette version a depuis été confirmée par Sepp Blatter, patron de la Fifa entre 1998 et 2015 : celui qui est devenu ensuite le rival de Platini a répété mardi que ce dernier lui avait à l’époque confié avoir « changé d’avis parce que le président français Sarkozy le lui a demandé », « et quand un président vous demande quelque chose, vous le faites ». Bien que proche du Qatar et des intérêts du PSG, Nicolas Sarkozy avait quant à lui assuré que Sepp Blatter lui « prêtait beaucoup de pouvoir » et qu’il n’avait jamais eu cette ambition « d’attribuer à qui que ce soit la Coupe du monde ».
Michel Platini a expliqué de son côté qu’il savait déjà qu’il voterait pour le Qatar au moment de son déjeuner avec le chef de l’Etat et que celui-ci ne lui avait « jamais demandé » une telle chose. A noter que Nicolas Sarkozy ne peut être inquiété dans cette procédure car il n’est « responsable des actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions qu’en cas de haute trahison », comme le prévoit la Constitution.