samedi, 23 novembre 2024 10:30

Présidentielle en France | Le système des parrainages sur la sellette

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Le 10 avril 2022, les électeurs français vont devoir élire un nouveau président pour le prochain quinquennat. Dans le système électoral français, les candidats à l’élection présidentielle sont présentés auprès du Conseil constitutionnel par des élus. On parle alors de « parrainage » ou « signature », mis en place en 1958 avec des changements majeurs au fil du temps. Mais aujourd’hui ce système est décrié dans l’Hexagone, par les acteurs de la vie politique qui le jugent dépassé, sans pour autant proposer une alternative crédible ou faisant l’unanimité.
« Le filtre des parrainages vise à éviter des candidatures trop nombreuses à l’élection présidentielle et d’écarter les candidatures fantaisistes ou de témoignage », explique-on, sur le site gouvernemental Vie-Publique.
Pourtant, contrairement à sa vocation, ce système n’a pas permis par exemple d’éviter qu’un grand nombre de candidats (16) se présentent en 2002. De ce fait, le régime juridique des parrainages des candidats a été plusieurs fois revu. Alors qu’en 1958, il fallait 50 parrainages, lors des trois premières élections présidentielles au suffrage universel direct (1965, 1969 et 1974), il a fallu 100 parrainages. Malgré tout, cela n’a pas empêché 12 candidats de se lancer dans la course, lors de la présidentielle de 1974.
C’est alors qu’une réforme adoptée en 1976 (loi organique du 18 juin 1976) a porté le nombre de signatures à 500 pour l’élection de 1981.
– Une liste de 42 000 élus
D’après les chiffres officiels, la liste des élus habilités à présenter un candidat comptait 42 000 personnes en 2017. Il s’agit des députés, des sénateurs et des représentants français au Parlement européen, des maires, des conseillers de Paris et de la métropole de Lyon, des conseillers départementaux et régionaux. D’autres élus sont habilités à présenter un candidat, mais sont moins nombreux.
En outre, afin d’éviter les candidatures défendant des intérêts purement locaux, la loi prévoit également une clause de représentativité nationale, avec la présence d’au moins 30 départements différents.
D’après les chiffres fournis par le ministère de l’Intérieur, en 2017, environ 34% des élus habilités avaient effectivement parrainé un candidat contre environ 36% en 2012.
– Polémiques autour du système
Aujourd’hui, de plus en plus de candidats, notamment ceux qui peinent à obtenir les 500 signatures, jugent le système vieillissant et dépassé. On lui reproche notamment son échec à empêcher la multiplication des candidatures d’un côté et la difficulté d’obtenir ces fameux parrainages pour certains candidats bien placés dans les intentions de vote.
De plus, des candidats très populaires mais pas suffisamment ancrés au niveau local ont du mal à rassembler les signatures. On parle alors d’un manque de représentativité démocratique.
Par ailleurs, vu que le système électoral français est au suffrage universel direct, un système de parrainage est considéré comme anachronique voire archaïque. Sans oublier que faute de signatures suffisantes, certains candidats peuvent marchander des soutiens et cela peut favoriser la corruption.
– Les réformes envisagées
Il faut dire que le système fait débat depuis 2002 où la multiplication du nombre de candidats avait favorisé l’extrême droite qui s’était retrouvée au second tour.
En 2012 un rapport intitulé « Pour un renouveau démocratique » issu d’une commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, présidée par l’ancien Premier ministre, Lionel Jospin, constatait déjà l’essoufflement du système des parrainages par les élus.
Certains voulaient, alors relever le seuil des parrainages mais cela a été considéré comme une volonté d’empêcher certaines candidatures « légitimes ».
En 2007, le Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions, présidé par Édouard Balladur, propose d’abandonner le système des 500 parrainages et de le remplacer par un collège d’environ 100 000 élus qui auraient désigné à bulletin secret le candidat qu’ils souhaitaient voir concourir. Mais la proposition n’a pas été retenue.
Des candidats comme Éric Zemmour promettent d’instaurer le secret des parrainages pour éviter les pressions exercées sur certains élus locaux.
En effet, sur les 42 000 élus, 36 000 sont des maires de petites communes sans être affiliés à un parti politique. Leur soutien à un candidat peut être perçu comme un soutien politique, ce qui ouvre la voie aux pressions.
– Pressions sur les élus
Ces pressions existent réellement et certains candidats le dénoncent régulièrement. Parmi les candidats ayant fait les frais de cette pression, il y a Anasse Kazib, syndicaliste cheminot et militant trotskiste français. Selon les chiffres du Conseil constitutionnel, il est actuellement à 144 parrainages mais vendredi, il a publié, sur son compte Twitter, un e-mail envoyé par un élu qui lui avait promis de lui accorder son parrainage. Ainsi, selon cet e-mail, le maire se dit victime d’agression physique de la part de son premier adjoint pour avoir soutenu le syndicaliste. « Dans ce contexte, il ne m’est pas possible de poursuivre mon engagement pour ton parrainage », peut-on ainsi lire dans cet e-mail.
Afin d’éviter ces pratiques antidémocratiques, la commission de rénovation et de déontologie de la vie publique avait proposé, dès 2012, de déléguer le parrainage directement aux citoyens.
« Les spéculations sur l’éventuelle impossibilité, pour une personnalité représentant un courant politique significatif, de se présenter à l’élection présidentielle nuisent à la sérénité du débat électoral », regrettait la commission dans son rapport. Relevant les inégalités entre les candidats, la Commission constatait que « les candidats soutenus par des partis ne disposant pas d’un réseau étendu d’élus susceptibles de les parrainer doivent consentir des efforts très importants pour recueillir les signatures requises ».
« Si un candidat ne parvenait pas à recueillir les parrainages requis, l’impossibilité de concourir à l’élection présidentielle à laquelle il se heurterait résulterait d’un soutien insuffisant des citoyens et serait dès lors plus difficilement contestable », jugeait également la commission.
Ainsi, elle propose de fixer à 150 000, au moins, le nombre de signatures nécessaires pour concourir. Par souci de représentativité, la commission exige également que les signatures viennent de 50 départements.
– Parrainages selon les sondages
De son côté, François Bayrou, président du parti « Modem » a proposé d’établir une bourse de parrainages à distribuer aux candidats qui peinent à obtenir les 500 signatures en la conditionnant à l’obtention d’au moins 10% dans les intentions de vote.
Ainsi, l’ancien ministre souhaite que les élus puissent parrainer des candidats selon les chiffres des instituts de sondages, sans pour autant cautionner les thèses défendues par ces mêmes candidats.
« Cela veut dire que la démocratie et les Français vont être remplacés par des sondages faits par des officines », a regretté Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France) qui a quand même salué l’idée d’une bourse.
En tout cas, les candidats assurés d’obtenir les parrainages grâce notamment à la présence de nombreux maires affiliés à leurs partis, semblent ne pas être pressés pour changer de système qui va continuer à susciter la polémique.
– Onze candidats pour l’élection de 2022
Malgré la difficulté d’obtenir ces parrainages, 11 candidats sont assurés de se présenter officiellement aux élections d’avril. Si la réforme proposée par Lionel Jospin était adoptée, l’ancienne garde des Sceaux, Christiane Taubira aurait pu faire partie de ces candidats puisque, faute de parrainages suffisants (181), elle a retiré sa candidature alors qu’elle avait été désignée candidate par 400 000 votants à la primaire Populaire, il y a trois mois.
Le Conseil constitutionnel dévoilera, demain 4 mars, les noms des candidats officiels. Pour le moment, les candidats ayant dépassé la barre des 500 parrainages sont : Valérie Pécresse (Les Républicains – 2457), Emmanuel Macron (La République en Marche – 1785), Anne Hidalgo (Parti Socialiste – 1318), Jean-Luc Mélenchon (la France Insoumise – 808), Yannick Jadot (Europe Ecologie – 669), Éric Zemmour (Reconquête – 620), Fabien Roussel (Parti Communiste français – 613), Jean Lassalle (Résistons – 602), Nathalie Arthaud (Lutte Ouvrière – 568), Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France – 532), Marine Le Pen (Rassemblement national – 503).
Avec AA/Paris/Fatih KARAKAYA

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