Jean Charles Biagui, enseignant chercheur en science politique à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, analyse les tenants et aboutissants de cette main tendue de Wallu Sénégal pour une grande coalition de l’opposition.
Au lendemain des résultats des élections territoriales, la Grande coalition Wallu Sénégal dirigée par le Pds de Me Abdoulaye Wade a lancé un vibrant appel à l’opposition de manière générale pour mettre sur pied, en perspective des Législatives, un large front uni contre le pouvoir en place. Histoire d’installer une cohabitation politique au «Macky», en faisant pencher la balance à l’Assemblée nationale. Cette main tendue de Wade et Cie a-t-elle cependant une chance d’aboutir, compte tenu des contradictions entre les divers leaders de l’opposition et les coalitions de l’opposition. Interpellé par Sud Quotidien, Jean Charles Biagui, enseignant chercheur en science politique à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, analyse les tenants et aboutissants de cette main tendue de Wallu Sénégal pour une grande coalition de l’opposition. Non sans manquer de revenir sur les avantages et inconvénients d’une telle union.
La main tendue de la Grande coalition Wallu Sénégal envers l’opposition pour un front uni aux Législatives peut-elle prospérer ?
« L’histoire nous le dira, mais déjà on est pratiquement sûr d’une chose. Il était difficile de réunir autour d’une coalition toute l’opposition dans le cadre des élections territoriales. Il le sera encore plus avec les législatives même s’il y a des vœux pieux, il y a des déclarations d’intentions. Mais la realpolitik va certainement rattraper la plupart de ceux qui sont pour cette voie. En sachant que les largesses qu’on pouvait faire pour que tout le monde soit servi au niveau des élections territoriales. Je ne suis pas sûr que cette largesse puisse prospérer dans le cadre des législatives, où il y a moins de places. Il est vrai qu’une opposition unie est probablement beaucoup plus armée pour imposer, comme le dit le Pds, une cohabitation au gouvernement. Mais est-ce que cela va prospérer, j’en suis pas sûr. Je ne suis pas sûr qu’il y aura une seule coalition de l’opposition. Il me semble que même si l’opposition souhaite aller ensemble mais très vite, cette opposition va être confrontée à la realpolitik, c’est-à-dire qu’il y aura probablement des tiraillements en fonction des zones. Et il est presque impossible de mon point de vue de réunir l’opposition autour d’une seule coalition. Peut-être il y aura différentes coalitions. Il y aura peut-être une opposition importante de l’opposition, c’est-àdire une opposition significative autour d’un bloc comme on l’a vu dernièrement avec Yewwi Askan Wi. Mais en tout état de cause on s’achemine, il me semble, vers plusieurs coalitions.
Quels pourraient être les avantages d’une union de l’opposition ?
Les avantages d’une grande coalition, c’est qu’en face du pouvoir, il y a pratiquement un seul interlocuteur. Et si vous regardez l’échiquier politique du Sénégal, à part quelques partis, mais la plupart des partis politiques ne sont pas significatifs, ils ne sont pas des partis de masse. C’est des partis faiblement structurés. C’est des partis qui n’ont pas une assise nationale. Il est vrai qu’une coalition est une aubaine pour pouvoir occuper des postes, pour pouvoir être député, pour pouvoir s’imposer au niveau de l’échiquier national à moindre coup. L’autre avantage, c’est qu’il y a une opposition. Et une opposition effectivement, elle est beaucoup plus forte quand elle n’est pas divisée
Maintenant, c’est vrai, il n’y a pas que des avantages, il y a beaucoup d’inconvénients. Parce qu’en réussissant cette coalition, où on met en veilleuse beaucoup d’ambitions, parce que tout le monde ne pourra pas être candidat, ça peut résulter à des dislocations. D’ailleurs, c’est souvent le cas au Sénégal. Un autre inconvénient que beaucoup d’analystes ne relèvent pas souvent, c’est que la question des coalitions pose aussi problème, il faut le reconnaitre en démocratie. Parce que vous avez souvent des formations politiques qui sont très différentes dans leurs modes d’actions probablement dans leurs idéologies et qui proposent des programmes qui vont dans tous les sens, en définitive qui nous proposent surtout des programmes et pas de projets politiques. Parce qu’on ne peut pas avoir des projets politiques lorsqu’il y a un effritement, un éclatement, des divergences quant à la vision politique. Et ça, aussi c’est un inconvénient de mon point de vue pour la démocratie ».