Atlanticactu / N’Djamena / Paris / Marie Pierre Dupuy
Après la traque lancée contre les familles des présidents Omar BONGO du Gabon et Teodoro NGUEMA de Guinée équatoriale, la justice française piste l’immense patrimoine immobilier du clan DEBY, notamment de l’actuel Chef d’Etat. Une enquête du Parquet national financier (PNF) français vise le président tchadien, Mahamat Idriss Déby, et concerne son patrimoine immobilier en France. Il serait estimé à 30 millions d’euros, selon Mediapart.
Cette enquête est la suite d’une première datant du mois de janvier, qui avait été révélée par Mediapart concernant un million d’euros dépensés à Paris par le président tchadien pour l’achat de costumes de luxe. L’enquête préliminaire a été ouverte dès le mois de janvier par le parquet national financier, pour détournement de fonds publics et recels. Le premier virement suspect aurait été réalisé par Mahamat Idriss Déby Itno début décembre 2021 et le second le 4 mai 2023.
L’enquête du PNF s’intéresse désormais au patrimoine immobilier de sa famille en France. Celui-ci a été évalué à au moins 30 millions d’euros, selon Mediapart, qui fait état de « tensions au sommet entre les deux pays » et note l’absence de Mahamat Idriss Déby aux commémorations du 80e anniversaire du Débarquement de Provence.
« Les enquêteurs et les magistrats du PNF, en tirant le fil de la fortune des Déby en France, découvrent, d’après un premier chiffrage qui est susceptible d’évoluer au fil des investigations, un patrimoine immobilier d’au moins 30 millions d’euros, essentiellement à Paris, dans les Hauts-de-Seine et dans le bassin bordelais », explique à Olivier Chermann, chef du service France de RFI, l’auteur de l’enquête de Mediapart Fabrice Arfi.
« À ce stade, ce sont des biens immobiliers, des appartements de prestige, de haut standing, de luxe et d’autres, et appartenant à plusieurs membres de ce qu’on pourrait appeler le clan Déby. Ce sont des achats qui datent de depuis le début des années 2000 et ça peut évidemment concerner également les pratiques de Déby père, qui a été tué en 2021, et de son fils, Mahamat Idriss Déby Itno, qui a pris la suite des rênes du pays et a finalement été élu – dans des circonstances qui sont dénoncées par des ONG et certaines chancelleries, notamment occidentales – en mai dernier », précise Fabrice Arfi.
Une enquête « explosive » aux conséquences diplomatiques « Cette enquête a suscité beaucoup de tensions, révélons-nous aujourd’hui, entre la France et le Tchad. Plutôt entre l’entourage du clan présidentiel tchadien vis-à-vis de la France. Au point que le président tchadien n’a pas répondu favorablement à l’invitation d’Emmanuel Macron pour venir assister, le 15 août dernier, à Saint-Raphaël, dans le Var, aux commémorations du 80e anniversaire du débarquement des Alliés en Provence, et dont le Tchad a été un élément moteur. Je rappelle que le Tchad a été le premier territoire à se rallier à De Gaulle après son exil à Londres », souligne Fabrice Arfi.
« Évidemment, une enquête judiciaire comme ça, elle est explosive, parce qu’elle est susceptible d’avoir des conséquences diplomatiques pour la France vis-à-vis du Tchad qui est aujourd’hui son dernier allié au Sahel et qui est un pays sur lequel la Russie de Poutine a des visées certaines, comme elle en a d’ailleurs pour beaucoup de pays voisins », conclut Fabrice Arfi,auteur de l’article de Mediapart.