Avec une saturation des hôpitaux, la hausse des cas positifs, présence de nouveaux variants du Covid-19, Jean Castex a annoncé un durcissement des conditions d’entrée sur le sol français, surtout en provenance de pays non européens. Contrôles, dérogations, efficacité… Ci-dessous le point de toutes ces mesures
Nouveau tour de vis aux frontières. Le Premier ministre Jean Castex a annoncé vendredi soir de nouvelles mesures ayant pour but de limiter fortement les arrivées sur le sol français. À défaut d’un nouveau confinement, le chef du gouvernement espère que cela permettra d’éviter une aggravation de la situation sanitaire liée au Covid-19.
Ces dispositions entreront en vigueur à minuit dans la nuit de samedi à dimanche. Plusieurs réunions sont prévues dans les ministères ce samedi afin d’en dresser les modalités précises. Voici, à ce stade, ce que l’on sait.
Quelles sont les nouvelles mesures ?
D’une part, les voyageurs en provenance d’un pays hors espace européen auront interdiction de venir en France, sauf motif impérieux (décès d’un proche, urgence professionnelle, etc). Par « espace européen », il faut entendre Union européenne ainsi que huit autres pays du continent : Andorre, l’Islande, le Liechtenstein, Monaco, la Norvège, Saint-Marin, le Vatican et la Suisse, indique Matignon.
Cette mesure concernera aussi les ressortissants français, insiste de son côté le Quai d’Orsay. Mais peut-on réellement les empêcher de rentrer chez eux? « J’ai plaidé pour qu’un Français en déplacement à Montréal ou à Ouagadougou, par exemple, puisse rentrer chez lui », nous indique le député LREM des Français de l’étranger Roland Lescure. Une sorte de tolérance pourrait aussi être prévue durant les premiers jours. Jusque-là, « tout Français ainsi que son conjoint et ses enfants [pouvaient] rentrer en France sous réserve du respect des règles sanitaires en vigueur », lisait-on encore ce samedi matin sur le site du ministère des Affaires étrangères.
les grands centres commerciaux non-alimentaires fermés et contrôles stricts aux frontières
Par ailleurs, au sein de l’espace européen, un test PCR négatif sera désormais imposé à tout voyageur qui se rend en France en avion, en bateau, ou, et c’est nouveau, en train ou en voiture. Le 14 janvier, Jean Castex avait déjà annoncé que se faire tester serait obligatoire pour venir en France depuis un pays non européen. Une semaine plus tard, cela a aussi concerné les voyageurs en provenance d’un Etat du continent, mais hormis ceux arrivant par voie terrestre.
Enfin, tout déplacement en provenance ou à destination des outre-mer depuis la métropole devra aussi être justifié par un motif impérieux.
Quels seront les contrôles ?
Il est bien sûr imaginable de s’assurer que les voyageurs arrivant en France depuis un autre pays européen disposent tous d’un test PCR négatif. Dans un télégramme envoyé aux préfets vendredi et que Le Parisien a pu consulter, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin demande de « déployer des contrôles aléatoires dans les gares et les principaux points de passage ».
Concernant les déplacements depuis et vers un pays en dehors de l’espace européen, il est indiqué que « la responsabilité du contrôle relèvera des compagnies de transport, elles-mêmes contrôlées par la police aux frontières ». Les attestations de déplacements doivent être mises en ligne « dans la journée », nous indique la place Beauvau.
Comment le gouvernement se justifie et répond aux critiques ?
De nombreux élus du Rassemblement national ont rappelé qu’ils avaient demandé une fermeture des frontières dès le début de l’année 2020. « Que de temps perdu pour se décider finalement, en catastrophe, à la maîtrise des frontières et à des contrôles renforcés… », a par exemple taclé Marine Le Pen sur Twitter vendredi soir.
Que de temps perdu pour se décider finalement, en catastrophe, à la maîtrise des frontières et à des contrôles renforcés…
Depuis le début, sans être écoutés, nous disons que c’est l’un des moyens les plus efficaces pour ralentir l’épidémie. MLP #Castex #Covid19
— Marine Le Pen (@MLP_officiel) January 29, 2021
Du côté du ministère des Affaires étrangères, on répond que les frontières extérieures à l’Union européenne étaient déjà soumises à des restrictions depuis le 18 mars. Tout voyage est d’ailleurs « totalement et strictement déconseillé jusqu’à nouvel ordre » par le Quai d’Orsay. Mais un test négatif n’était souvent obligatoire qu’en provenance d’une partie des pays étrangers, ceux considérés à risque.
« On a pris, dès mars 2020, des mesures qui sont montées en puissance en coordination avec l’Union européenne », argue-t-on également dans l’entourage de Jean Castex. La principale nouveauté dans les annonces de vendredi soir est que certains ressortissants Français, par exemple ceux habitants à l’étranger, pourraient également être concernés par l’interdiction de venir en France.
Que font les autres pays sévèrement atteints par les nouveaux variants du Covid-19 ?
Depuis le début de la crise, les différents Etats européens ont régulièrement avancé en ordre dispersé. Quelques heures avant l’allocution de Jean Castex vendredi soir, l’Allemagne avait annoncé l’interdiction des arrivées sur son sol à partir de ce samedi, mais seulement en provenance de cinq Etats très touchés par la pandémie ( Royaume-Uni, Irlande, Brésil, Portugal et Afrique du Sud). Contrairement à la France, ces mesures ne concernent pas les Allemands qui y vivent ni les ressortissants de ces pays vivant en Allemagne.
Au Portugal, confronté à une forte vague épidémique depuis le début du mois de janvier, les voyages à l’étranger sont interdits depuis ce samedi. En Belgique, les voyages non essentiels en provenance et à destination d’un autre pays (européen ou non) sont interdits depuis mercredi, sauf motif impérieux. Les passagers en provenance du Royaume-Uni, d’Afrique du Sud ou d’Amérique du Sud doivent par ailleurs respecter une quarantaine de dix jours et réaliser un test PCR au premier et au septième jour, indiquent les autorités sanitaires belges.
Qu’en pensent les épidémiologistes ?
On le sait : le virus ne voyage pas tout seul, mais par l’intermédiaire des personnes qu’il infecte. À première vue, limiter les arrivées sur le sol français semble donc être une bonne idée. « Si on fermait les frontières, je pense qu’on pourrait réussir à baisser le nombre de contaminations », nous disait vendredi soir le député LREM et immunologue Jean-François Eliaou.
« Ces mesures seraient efficaces pour empêcher l’arrivée des variants très peu présents sur le territoire, à condition que les mesures soient européennes et qu’un vrai protocole de tests et d’isolement effectif pour ceux qui arrivent soit appliqué », pointe de son côté l’épidémiologiste Mahmoud Zureik. En revanche, « pour les variants fréquents sur le territoire, ces mesures n’auraient pas d’impact », ajoute-t-il.
Or, le variant dit « anglais » du SARS-CoV-2 représenterait aujourd’hui environ 2000 cas par jour, soit 10 % de ceux recensés quotidiennement en moyenne, a indiqué Olivier Véran jeudi. Le 13 mars 2020, le ministre de la Santé affirmait, en se basant sur l’avis du Conseil scientifique, que la fermeture des frontières n’avait « scientifiquement pas d’intérêt ». À sa décharge, c’était avant le premier confinement et à une époque où pas grand monde ne devait s’imaginer que la situation serait celle qu’elle est près d’un an plus tard. Il avait d’ailleurs précisé que la question « se posera vis-à-vis de pays [non européens] qui n’ont pas pris pleinement conscience de la menace virale ».
Olivier Véran sur une fermeture des frontières : « Scientifiquement, ça n’a pas d’intérêt »#Coronavirus #Covid_19 #Europe1
Source : Le Parisien