mardi, 26 novembre 2024 00:00

CONTRIBUTION: L’éducation nous coûte chère, vous dites ? – (Par Babacar TOURE)

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« Il ne sert à rien de dire “Nous avons fait de notre mieux”. Il faut réussir à faire ce qui est nécessaire. » Winston Churchill
Depuis quatre mois, l’école sénégalaise s’est enlisée dans une grève sans précédent. Un blocage total qui agace toutes les parties prenantes de l’institution scolaire. Entre des acteurs du savoir qui galèrent depuis la nuit des temps entre stagnation de carrières et système de rénumération biaisée, et un gouvernement qui, malgré ses 7 % de croissance et sa bonne santé financière clamée sur tous les toits, dit niet à toute augmentation de l’indemnité de logement. Le bout du tunnel est loin pour les potaches, si l’on se fie aux déclarations du porte parole du gouvernement M. Seydou Gueye qui, dans une lettre qui avait des allures d’ultimatum pour les enseignants, disait que l’État a assez fait pour les enseignants.
Pourtant les enseignants constituent le corps le plus marginalisé dans la Fonction Publique, c’est-à-dire ils sont moins considérés et respectés que les autres. L’Etat du Sénégal a déconstruit le mythe de l’enseignant au fil des années si bien qu’il est finalement rabaissé au rang d’un individu ordinaire dont l’existence se résume tout simplement à la quête de pitance.
D’abord, la marginalisation professionnelle se caractérise par un ensemble de traitements défavorables aux enseignants. Les pionniers de l’éducation sont injustement rétrogradés au bas de l’échelle des Fonctionnaires en matière de rémunération et de privilèges. Leurs salaires et leurs prérogatives frisent le ridicule surtout lorsqu’on les compare à certains agents de l’Etat. Le salaire mensuel d’un enseignant de la catégorie A1 est largement inférieur à l’indemnité de logement d’un simple membre du gouvernement. Alors que le salaire total d’un professeur de lycée de classe exceptionnelle, par exemple un censeur ou un proviseur, ne fait même pas 500.000f Cfa, l’indemnité de logement d’un membre du gouvernement avec ou sans diplôme est de l’ordre d’un 1.000.000f Cfa.
Cette discrimination est flagrante dans la mesure où l’enseignant de classe exceptionnelle en service dans un lycée a eu une maîtrise académique au terme de quatre (04) années accomplies et un diplôme professionnel au bout de deux (02) ans, communément appelé C.A.E.S. (Certificat d’Aptitude à l’Enseignement Secondaire), tandis que « les sans diplômes », propulsés au sein du gouvernement par un militantisme effréné et crapuleux, jouissent de privilèges extravagants que le gouvernement cache soigneusement aux citoyens par d’immenses efforts.
Ensuite les enseignants qui sont estimés à 80% de la Fonction Publique, n’absorbent pourtant que 12% de ladite masse salariale. Cela illustre largement au fil des ans que les serviteurs du savoir sont rétrogradés à la base de la hiérarchie de la Fonction Publique. Leur dignité est bafouée par une série de traitements déshumanisants qu’ils doivent cependant restaurer par une synergie dans une lutte opiniâtre de très longue durée. Aujourd’hui, l’enseignant n’est rien dans ce pays où on le regarde comme un être misérable, c’est-à-dire tirant le diable par la queue à l’image des familles les plus démunies.
Dans la société actuelle, les gens n’ont du respect, de la considération uniquement que pour les gens riches. Ainsi, la diabolisation de l’enseignant n’est pas immanente au manque de connaissances, de compétences et de vertu, mais elle se trouve à la base de son niveau de vie très faible par rapport aux autres fonctionnaires appartenant à des corps très bien traités par l’Etat. L’enseignant n’est plus envié, et beaucoup de parents conseillent à leurs enfants d’aller faire la politique pour gagner énormément d’argent et se mettre à l’abri du besoin le plus tôt possible avant la chute inévitable du régime dans lequel ils ont fait fortune.
En revanche, dans un pays, tout le monde ne peut faire de la politique, sinon ce serait l’anéantissement de l’Etat même, car toutes les personnes voudraient occuper les meilleurs postes pour accaparer les plus grands biens. Cette ruée vers le profit personnel va déboucher inéluctablement sur une guerre civile sans précédent. D’ailleurs, personne ne peut démontrer, au risque même de se ridiculiser, que les pays développés ou en voie de développement, excepté le nôtre qui est dans le trou noir du sous-développement, ne s’est développé que grâce à la politique politicienne.
Autrement dit, la politique est seulement utilisée pour satisfaire des désirs et fantasmes personnels qu’on n’aurait jamais pu assouvir dans la vie professionnelle, pour entretenir une clientèle politique arriviste en vue des prochaines échéances électorales par la création d’institutions encombrantes et la nomination à des postes juteux de « responsables politiques ». C’est qu’au Sénégal la politique, qu’on appelle généralement « polotique », est une sinécure. Beaucoup de mauvais citoyens s’en servent abusivement de nos jours. Ils sont appréciés pour leurs capacités individuelles à amasser très rapidement de l’argent. C’est à ce propos qu’ils se sont fait tresser des lauriers par les griots qui valident le détournement de deniers publics par la valorisation des « voleurs patentés de la République ». Par conséquent, même nos propres élèves ne veulent pas devenir des enseignants de peur de vivre à leur tour les nombreuses mésaventures que nous vivons actuellement. Mais, dans un pays sous-développé comme le nôtre, si personne ne veut enseigner, c’est que l’avenir du pays est déjà sérieusement compromis. En outre, le développement n’est qu’un vain mot pour nous, car l’éducation est la clef de voûte de l’essor d’un pays.
Finalement, il est clair que le mal enseignant est beaucoup plus profond qu’on veuille nous le dire. Il est sociétal, institutionnel. La supposée rencontre nocturne entre le G6 et le président de la république pourrait sauver l’année scolaire. Mais quand ferons nous les sacrifices nécessaires pour sauver l’école ? » L’art de la politique, ce n’est pas de faire ce qui est possible, mais de rendre possible ce qui est nécessaire. » Cardinal de Richelieu.
Par Babacar Toure

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