Plus tu es nu·e, plus tu seras vu·e et, potentiellement, liké·e. C’est ce que montre l’enquête réalisée par Nicolas Kayser-Bril et Judith Duportail, autrice de L’Amour sous algorithme (éd. Goutte d’Or), travail dans lequel elle nous offrait « une plongée dans les entrailles terrifiantes de Tinder ».
Le niveau de nudité”, facteur de visibilité
Révélé ce lundi 15 juin dans Mediapart et repris par Atlanticactu , cet article a été rendu possible grâce à l’analyse d’un brevet déposé en 2015 “par deux ingénieurs de Facebook, l’entreprise détenant Instagram”. On y apprend en profondeur le mécanisme d’Instagram, et les critères selon lesquels le réseau social décide que les photos des utilisateur·trices pourront bénéficier, ou non, d’une forte visibilité. Le processus commence dès lors qu’un document est posté. Celui-ci est analysé par la plateforme et reçoit ensuite un “score d’engagement qui correspond à la probabilité que tous les utilisateurs ont d’interagir avec un objet multimédia donné”, apprend-on dans l’enquête, financée par l’European Data Journalism Network et Algorithm Watch.
Une menace pour le droit du travail
Si le réseau social a refusé de répondre aux questions liées à ce facteur de nudité ou d’ethniticité, Nicolas Kayser-Bril et Judith Duportail ont décidé d’observer par eux-mêmes quel était l’impact d’une photo d’une personne dénudée et d’analyser les possibles différences entre le cliché montrant un homme et celui montrant une femme.
Rebelote. Le réseau social n’a pas souhaité répondre aux sollicitations des journalistes et estime cette enquête “imparfaite” en raison de l’impossibilité de la mener à grande échelle. Pourtant, les résultats de leur analyse menée sur 1 737 publications sont éloquents : “Nos résultats permettent toutefois d’affirmer qu’une photo de femme en sous-vêtement ou maillot de bain est montrée 1,6 fois plus qu’une photo d’elle habillée. Pour un homme, ce taux est de 1,3”, précise l’article.
Une prime à la nudité qui questionne jusqu’au droit du travail”, écrivent les journalistes qui ont interrogé des influenceur·ses et mis en évidence les failles du “shadow ban”. Cette pratique du réseau social permet de censurer les publications d’internautes ayant mis en ligne des posts jugés“obscènes” ou bien “où la nudité est totale”.
D’une part, cette méthode est considérée comme menaçante pour la stabilité économique des personnes dont le revenu vient directement d’Instagram, puisque celles-ci n’en sont pas informées et n’ont pas de droit de contestation, selon l’enquête. D’autre part, le fait que “les personnes handicapées, obèses, racisées ou LGBT +” sont largement plus touchées par ce “shadow ban” que les autres montre que ce dernier est biaisé.
Atlanticactu.com