La collecte et la diffusion d’images obscènes sont devenues monnaie courante au Sénégal. Il ne se passe plus une semaine sans que le tribunal ne traite des dossiers ayant trait aux délits du numérique. C’est le cas, hier, de l’affaire impliquant deux hommes et deux jeunes filles. Les deux parties civiles, en l’occurrence Abdoulaye Ba et Ismaïla Dembélé, poursuivent Haby Ibrahima Dia et Oumou Dia pour «collecte illicite de données personnelles, diffusion d’images contraires aux bonnes mœurs et tentative d’extorsion de fonds».
D’après les débats d’audience, la prévenue, femme divorcée, par ailleurs petite amie des plaignants, avait partagé les images nues de leur intimité sur des plateformes numériques. A la barre, elle a reconnu les faits. «Pour Abdoulaye Bâ, j’ai envoyé la vidéo à deux personnes. Il me harcelait. Alors que je ne l’aime pas. Je l’ai filmé au cours d’un appel vidéo. Je lui ai réclamé 500 000 francs Cfa pour ne pas diffuser les images via le net. Il avait refusé», confie-t-elle. Pour Ismaïla Dembélé, explique-t-elle, elle l’a filmé dans une chambre d’hôtel. «J’ai demandé à ma sœur, Oumou Dia d’appeler Dembélé pour lui réclamer six millions afin que les images ne soient pas divulguées. Il a refusé. C’est ainsi que j’ai partagé les images avec leurs adversaires politiques», poursuit-elle. «J’ai appelé Ismaïla Dembélé une seule fois. Je ne devais rien recevoir en retour», se justifie Oumou Dia.
Dans son réquisitoire, le procureur constate que le fait de diffuser des images obscènes sur internet est récurrent. Et que la prévenue, Aby Dia était motivée, dit-il, par l’appât du gain. Les conséquences sur les parties civiles, déplore le maitre des poursuites, sont drastiques. «Abdoulaye Bâ et Ismaïla Dembélé verront leur nudité à chaque fois qu’ils partiront sur internet. Pour faire chanter Dembélé, Aby Dia a utilisé Oumou Dia. Je requiers un an de prison ferme contre Aby Dia et trois mois de prison ferme contre Oumou Dia», demande le représentant du ministère public. D’après les avocats des deux parties civiles, les images obscènes ont atterri aux Usa entre les mains d’un activiste. Pour Me Abdoulaye Tall, son client, à savoir Abdoulaye Bâ, n’ose plus sortir de chez lui. La vidéo, dit-il, est en train de circuler sur tout Ourossogui. «Il a fait l’objet d’une nouvelle affectation, mais il ne peut pas prendre service. Il est conseiller municipal et surveillant. On a tenté de le détruire pour des raisons purement politiques. On a donné la vidéo à un activiste établi aux Etats-Unis qui lui a demandé de céder son fauteuil et de quitter l’enseignement», révèle Me Tall. Qui poursuit: «Un autre gars établi en France l’a aussi intimé de démissionner. C’est à l’occasion d’un appel vidéo qu’elle a exécuté son acte. Ils entretenaient une relation amoureuse. Son image est écornée à jamais. Nous réclamons le franc symbolique. Sa carrière politique et professionnelle est mise entre parenthèse».
Avocat de la défense, Me Aboubacry Barro qui a imploré la clémence de Dame justice, renseigne qu’Aby Dia est une femme divorcée. Et qu’elle est mère de quatre enfants mineurs à sa charge. «Elles se sont trompées. Elles ont eu à mesurer la gravité des actes qu’elles ont posés. Elles ont été utilisées par des politiciens tapis dans l’ombre», plaide la robe noire. Au terme de l’audience, le tribunal les a reconnues coupables des délits susnommés. La petite amie des deux responsables politiques, à Ouroussogui, Aby Dia, a été condamnée à deux ans de prison dont quatre mois ferme. Sa sœur, quant à elle, a récolté deux ans de prison dont deux mois ferme.