Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) Karim Khan a annoncé, le 28 février 2022, sa décision d’ouvrir une enquête concernant la situation actuelle en Ukraine, évoquant des « crimes de guerre » et des « crimes contre l’humanité » commis en Ukraine depuis plusieurs années.
Le chef de la juridiction internationale a affirmé, dans sa déclaration publiée sur le site officiel de la CPI et consultée par l’Agence Anadolu, « Aujourd’hui, j’annonce que j’ai pris la décision d’ouvrir une enquête, dans les plus brefs délais, sur la situation en Ukraine ».
Khan a précisé que cette décision fait suite à un rapport préliminaire rendu en décembre 2020.
Le Gouvernement de l’Ukraine avait déposé, le 09 avril 2014, un rapport reconnaissant la compétence de la CPI à l’égard des crimes qui auraient été commis sur le territoire ukrainien du 21 novembre 2013 au 22 février 2014.
« Je suis convaincu qu’il existe une base raisonnable pour croire que des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité présumés ont été commis en Ukraine », a soutenu Karim Khan.
Et le procureur de poursuivre « l’Ukraine n’étant pas un État partie au Statut de Rome de la Cour pénale internationale elle ne peut pas déférer, de son propre chef, la situation à mon Bureau. Elle a toutefois, à deux reprises, exercé sa prérogative consistant à reconnaître légalement la compétence de la Cour à l’égard des crimes présumés commis sur son territoire et visés par le Statut de Rome ».
Le Statut de Rome ayant été adopté à Rome lors d’une conférence diplomatique de plénipotentiaires tenue du 15 juin au 17 juillet 1998, prévoit la juridiction criminelle au niveau international à l’égard des individus (et non des Etats) qui commettraient un des crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale. Le Statut de Rome renforce ainsi la mise en œuvre des droits humains et du droit international humanitaire dans les conflits armés et dans les Etats défaillants.
Le responsable britannique a souligné « compte tenu de l’expansion du conflit ces derniers jours, j’ai l’intention que cette enquête englobe également tous les nouveaux crimes présumés relevant de la compétence de mon bureau qui sont commis par toute partie au conflit sur n’importe quelle partie du territoire de l’Ukraine ».
Le procureur de la CPI avait, vendredi dernier, déjà fait part d’une « inquiétude croissante » à la suite de l’intervention militaire russe de l’Ukraine, promettant de suivre la situation de près et réitère son appel à la retenue et au strict respect des règles en vigueur du droit international humanitaire.
A l’aube du 24 février 2022, la Russie avait lancé une opération militaire en Ukraine. L’intervention russe a provoqué des réactions de colère dans plusieurs pays à travers le monde qui ont appelé à des sanctions plus sévères contre Moscou.
*La crise du Donbass et l’intervention militaire de la Russie
En 2014, suite aux manifestations populaires qui ont secoué l’Ukraine, le Chef de l’État Viktor Ianoukovitch a fui le pays, laissant ainsi la place à un gouvernement pro-occidental. La crise qui s’en est suivie a vu la Russie envahir la Crimée et annexer illégalement ce territoire ukrainien, puis appuyer les revendications indépendantistes des régions ukrainiennes de Donetsk et Louhansk, majoritairement russophones.
Des affrontements meurtriers déclenchés dans la foulée de la proclamation unilatérale de l’indépendance des deux régions ukrainiennes, avaient alors opposé les forces séparatistes soutenues par la Russie et l’armée de Kiev.
La diplomatie ayant repris l’initiative en 2014 et 2015, les appuis de Kiev en Occident ont négocié avec Moscou un accord de cessez-le-feu, connu comme les Accords de Minsk, qui bien qu’ayant servi à désamorcer la crise, ont été marqués par de nombreuses violations de cette trêve, coutant la vie à quelque 14 mille ukrainiens des deux bords.
Lorsque la Russie a commencé à déployer des dizaines de milliers de soldats le long des régions frontalières avec l’Ukraine vers la fin de l’année 2021, les États-Unis et leurs alliés occidentaux ont affirmé que Moscou se préparait à envahir l’Ukraine, menaçant Vladimir Poutine de lourdes sanctions s’il venait à porter atteinte à la souveraineté de l’Ukraine et à son intégrité territoriale.
Moscou, qui n’a eu de cesse de démentir toute velléité d’invasion de l’ancienne république soviétique, a pourtant décidé de reconnaitre l’indépendance de Donetsk et de Louhansk, puis, le 24 février, de lancer une intervention militaire sur le territoire ukrainien pour, selon les termes de Vladimir Poutine, défendre les populations menacées de « génocide par Kiev » et « libérer l’Ukraine du nazisme et du militarisme, appelant par là même l’armée ukrainienne à déposer les armes.