jeudi, 25 avril 2024 03:31

Tirailleurs Sénégalais : Cent après, le continent se rappelle du naufrage du paquebot Afrique

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Décidément l’Afrique aura eu à payer le tribut le plus lourd lors des deux guerres mondiales. Près de vingt ans avant le massacre des Tirailleurs Sénégalais au Camp de Thiaroye, plusieurs centaines de leurs aînés avaient disparu à la suite du naufrage du paquebot Afrique.

Il y a un siècle, le paquebot Afrique coulait au large des côtés de l’Atlantique avec à son bord 600 victimes, dont 192 tirailleurs : des militaires venus du Sénégal, de Guinée, du Mali, de Côte d’Ivoire, etc. Ils rentraient à Dakar, Conakry et Grand-Bassam en Côte d’Ivoire après avoir participé à la Première Guerre mondiale. Il n’y a eu que 34 survivants, dont 7 tirailleurs. Les commémorations organisées par l’association Mémoires et partages, qui s’attache spécifiquement au sort des tirailleurs qui revenaient du front, se sont déroulées jeudi à Bordeaux, plus précisément sur le quai des Chartrons, d’où est parti le navire le 9 janvier 1920. C’est la plus grande catastrophe maritime française. Mais aucun descendant des tirailleurs sénégalais de l’Afrique ne s’est fait connaître à ce jour, en partie à cause du silence longtemps entretenu autour de cette tragédie.Lire aussi Mémoire ?

Tirailleurs : un « hommage national » pour « L’Afrique » ?Que s’est-il passé ?

Par une nuit froide, le 12 janvier 1920 vers 3 heures, le bateau disparaissait à 40 kilomètres des Sables-d’Olonne, submergé par une voie d’eau et ballotté dans un ouragan. Depuis la tour de guet, son gilet harnaché, Antoine Le Dû, le commandant du paquebot parti au soir du 9 janvier de Bordeaux, a « attendu la fin », impuissant, racontera le lieutenant Thibaut. « Pendant des semaines, c’est un défilé de corps sans vie.
La côte vendéenne est festonnée de cadavres, on en trouve dans les chaluts, sur l’eau, jusqu’à l’île de Sein », en Bretagne, raconte à l’AFP le marin Roland Mornet, qui a consacré un ouvrage à la tragédie en 2006 (La Tragédie du paquebot Afrique, Geste Éditions).

Cent ans après, l’épave gît toujours à 40 mètres de fond, dans un anonymat presque complet. Entré dans la légende, le Titanic (1 500 victimes en 1912) lui a fait de l’ombre, le drame de l’Afrique a été oublié, regrette-t-il. « À de rares exceptions – l’évêque de Dakar Hyacinthe Jalabert –, il n’y avait pas de passagers de distinction », poursuit l’historien amateur, qui réunit dimanche pour la deuxième fois au port des Sables-d’Olonne une centaine de descendants de naufragés pour une commémoration devant une stèle, la seule en mémoire de la catastrophe.

Réveiller les consciences contre l’oubli de la France et des dirigeants africains

À Bordeaux, la cérémonie qui s’est déroulée jeudi s’inscrit dans le cadre du Black History Month Bordeaux, un événement organisé chaque année par l’association Mémoires et partages qu’a fondée et dirige le militant Karfa Sira Diallo à Bordeaux. Cette année, c’est autour de l’exposition « Le Mémorial des tirailleurs naufragés » qui se tient du 9 au 16 janvier au musée Mer Marine – reconnue par la Mission nationale du centenaire 14-18 et réalisée par Karfa Sira Diallo – que va se tenir une série de rencontres valorisant les cultures afros. À cette occasion, une œuvre murale du peintre de street art A-Mo représentant le paquebot a été dévoilée et des fleurs jetées dans le fleuve. Il fallait « réparer l’oubli et l’injustice », insiste le fondateur de l’association Mémoires et partages Karfa Diallo. Celui qui a découvert par hasard l’histoire de ces 192 tirailleurs sénégalais milite pour qu’ils soient « reconnus morts pour la France » après leur « sacrifice » dans l’armée coloniale loin des tranchées, alors qu’ils regagnaient leurs foyers. Karfa Sira Diallo parle de « quadruple peine » pour ces soldats : « Ils sont dans une situation coloniale, sont réquisitionnés pour une guerre très loin de chez eux, sont naufragés dans cette catastrophe maritime, puis sont oubliés comme victimes. » Ces commémorations qui se déroulent à Bordeaux s’inscrivent dans un contexte où la ville qui a été le deuxième port négrier de France veut de plus en plus réveiller cette mémoire oubliée.

Pour ce qui est du continent africain, la mémoire de cette tragédie n’est guère mieux entretenue. Seule la Côte d’Ivoire a rendu hommage à ses soldats naufragés en imprimant un timbre commémoratif en 1990. Le Sénégal champion africain de l’héritage des Tirailleurs, semble né pas se souvenir de ce drame. Une stèle a été érigée aux Sables-d’Olonne, en mémoire des victimes, un hommage leur sera rendu les 11 et 12 janvier.

SourceLe Point

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