vendredi, 19 avril 2024 11:37

Peut-on tout se dire sur WhatsApp ?

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La diffusion par Mediapart et Arte Radio de messages racistes, antisémites, sexistes et homophobes échangés entre des policiers dans un groupe WhatsApp privé vient rappeler, s’il le fallait, que le caractère restreint de ces conversations n’exonère en rien les auteurs de propos haineux.

Se sentaient-ils protégés par le fait de se savoir entre eux ? Six policiers de Rouen ou ayant été en poste à Rouen sont visés par une enquête de l’IGPN, après avoir échangé sur WhatsApp une flopée de messages racistes, antisémites, sexistes et homophobes.

Dans ces très nombreux messages audio (auxquels Mediapart a eu accès), il est ainsi question de « nègres », de « bougnoules », d' »ennemis de la race blanche », de juifs « fils de pute qui dirigent le pays », de « pédés ». Les agents s’y désignent eux-mêmes comme fascistes. C’est un collègue qui les a dénoncés et a porté plainte contre eux, après avoir eu accès à une partie des messages par l’intermédiaire d’un policier membre du groupe, explique Mediapart. Car même dans le huis clos d’une conversation WhatsApp, certains propos tombent toujours sous le coup de la loi. Piqûre de rappel.

Les propos haineux interdits en public comme en privé

L’injure, la diffamation, la provocation à la haine raciale, l’incitation à commettre un crime ou un délit sont des infractions pénales. Mais la loi ne les considère pas de la même façon si elles ont été proférées en public ou en privé. Ainsi, si l’infraction a été commise publiquement (dans les médias ou sur les réseaux sociaux par exemple), l’auteur encourt une peine de prison.

À l’inverse, s’il s’agit d’un cadre privé, « l’échelle de gravité se réduit considérablement », explique l’avocat et blogueur anonyme Maître Eolas. Dans ce cas, l’auteur de l’infraction risque une contravention d’un montant maximal de 1 500 euros. 

Une question se pose : un groupe WhatsApp incluant un certain nombre de participants pourrait-il être considéré comme public, au risque d’alourdir les peines encourues ? « La cour de cassation ne prend pas en compte le critère du nombre, mais celui de la communauté d’intérêt », répond Maître Eolas. « Si les participants sont des collègues, des partisans d’un même club de foot, les membres d’une famille, on considère que c’est privé. Cela devient public si n’importe qui peut tomber dessus. »

Dans le cas des policiers de Rouen, la plainte a d’ailleurs été déposée pour « provocation non publique à la discrimination, diffamation non publique en raison de l’origine, l’ethnie, la nationalité, la race ou la religion, injures non publiques en raison de l’origine, l’ethnie, la nationalité, la race ou la religion », précise Mediapart. Les agents encourent donc une contravention de 1 500 euros.

La question de l’enregistrement

Dans cette même affaire, les policiers se sont enregistrés volontairement, afin d’échanger entre eux. Les messages audio peuvent donc être utilisés devant la justice. On notera en revanche qu’enregistrer une conversation privée à l’insu des personnes relève du délit d’atteinte à la vie privée. L’enregistrement sera donc jugé irrecevable en droit civil, le juge considérera que celui-ci ne lui a jamais été présenté.

Subtilité du droit : cela ne s’applique pas en matière pénale, où l’enregistrement sera accepté comme preuve, et soumis à la libre discussion des parties ! Mais ce à la seule condition que ce ne soit pas la police qui ait procédé à l’enregistrement…

Et si les messages ont été effacés ?

Comme l’indique Mediapart, les policiers accusés de racisme ont fait savoir qu’ils avaient déjà supprimé une partie des messages. « L’effacement ne supprime pas le délit, mais la preuve du délit », observe Maître Eolas. « Ce sera au juge d’apprécier si cela exprime un repentir ou une volonté d’effacer la preuve. Dans tous les cas, supprimer les preuves de son délit n’est pas un délit en soi ! »

Source France Info

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