mercredi, 24 avril 2024 01:12

Les Forces de Sécurité et de Défense sénégalaises face à la hausse du Covid19 au Sénégal

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S’il y’a un produit que le Sénégal exporte bien et qui nous vaut une reconnaissance internationale, c’est bien nos forces de sécurité et défense. A travers les champs de bataille du Sinaï en passant par la Bosnie Herzégovine, au Liberia, au Timor Oriental, en Côte d’Ivoire et récemment au Mali et en République Démocratique du Congo, le drapeau national a brillé de mille feux. Aujourd’hui, face à la pandémie, une première pour ces braves « Jambars » plus aptes avec les fusils d’assaut et lés mitrailleuses lourdes, l’ennemi invisible qu’est le Coronavirus change de facto les stratégies d’antan.

Depuis le début de l’année 2020, notre économie à l’instar des différentes économies mondiales, est successivement frappée par la propagation de la pandémie de maladie à coronavirus (Covid-19) et le confinement érigé en mode de gestion.

Longtemps considéré comme étant à l’abris de la pandémie – thèse alimentée par certaines théories fumeuses mettant en avant la faible propagation du virus au contact de hautes températures, le Centre pour la prévention et le contrôle des maladies rattaché à l’Union Africaine (UA) a néanmoins relevé le dimanche 11 mai, 64.214 cas confirmés de covid-19 sur le continent et qui aurait couté la vie à près de 2293 personnes. En date du 11 mai, selon le Ministère de la Santé et de l’hygiène Publique, le Sénégal enregistre 1886 cas confirmés dont 715 cas de guérisons et 19 décès.

Le premier cas de Covid-19 sur le territoire national a été recensé le 02 mars 2020, il s’agissait d’un François ans ayant séjourné en France . C’est dans cette optique que le 23 mars, le président Macky Sall proclame dans un premier temps l’Etat d’urgence sur l’ensemble du territoire jusqu’au 5 avril 2020 et qui va ensuite être prorogé d’un mois  supplémentaire. Cette disposition a fait l’objet d’une loi d’habilitation regroupant sept mesures principales :

1)     La fermeture de tous les restaurants, bars, des boîtes de nuit, des cinémas et des lieux de spectacle à compter du lundi 23 mars

2)     L’instauration d’un couvre-feu de 20h à 06hdu matin, à compter du mardi 24 mars

3)     La régulation des transports interurbains, intercommunaux, intra-communaux et l’interdiction des déplacements non autorisés entre Dakar et l’intérieur du pays

4)   Le renforcement des capacités des industries pharmaceutiques, des laboratoires et des structures de diagnostic et de prise en charge sur l’ensemble du territoire national

5)     La création de couloirs humanitaires pour venir en aide aux personnes ou aux communautés ayant un besoin urgent d’assistance

6)   La détection précoce, la prise en charge rapide et l’isolement en toute confidentialité des malades

7)   La mise en place d’un centre d’appels dédié au Covid-19 et d’un système d’alerte et de suivi utilisant, notamment, les nouvelles technologies de l’information et de la communication.

Face à la hausse continue du nombre de cas recensés, des nouvelles mesures de renforcement des dispositions de distance sociale ont été prises lors de la tenue d’un Conseil National de sécurité qui s’est tenu en Mai 2020. Deux principales mesures sont à relever, à savoir :

·      L’obligation du port de masques notamment dans les lieux publics

·      Le confinement obligatoire à domicile de toutes personnes suspectes , en provenance de pays atteints du Covid19.

Bien que l’Etat, à travers la mobilisation du personnel médical et soignant soit en première ligne pour faire face à la propagation du virus, un « effort de guerre » généralisé devrait être consentit par toutes les forces vives de la nation ainsi que les principaux acteurs de la vie économique du pays.

A la vue de ces différentes initiatives citoyennes, quel rôle devrait être attribué aux Forces de Sécurité et Défense  en cette période de crise sanitaire qui tend à s’apparenter à une guerre non conventionnelle, face à un ennemi insaisissable, doté d’une capacité de nuisance significative ?

Loin de vouloir attribuer un modèle d’emploi des forces armées étrangères a celui de l’appareil sécuritaire Sénégalais , il serait judicieux dans un premier temps en guise d’exemple, de présenter les missions qui ont été attribuées aux forces armées françaises dans le cadre de l’opération « Résilience ». En effet, lancée le 25 mars 2020, l’opération « Résilience » constitue la contribution des armées à l’engagement interministériel contre la propagation du Covid-19. Elle est dédiée au soutien des services publics et des français dans les domaines de la santé, de la logistique et de la protection pour faire face à l’épidémie de Covid-19. Lors des actions menées du 21 au 27 mars, des éléments militaires de réanimation (EMR), un porte hélicoptère doté de deux salles de réanimation et de 69 lits médicalisés ainsi que des aéronefs équipés de modules de réanimation ont été mobilisés.

Par ailleurs, au cours de son adresse à la nation du mercredi 1er avril, le Président de la République du Togo, Faure Gnassingbé annonçait la création d’une force spéciale anti-pandémie composée de 5000 hommes.

N’étant pas dotés des moyens financiers et opérationnels dont disposent les armées françaises et loin de vouloir créer une force armée supplémentaire à l’instar du Togo, les Forces de Sécurité et de Défense ont tout de même un rôle à jouer afin de veiller au respect des décisions prises par les autorités politiques dans le cadre de la lutte contre le Covid-19 :

Patrouilles

Des patrouilles régulières effectuées par les forces de maintien de l’ordre (police, gendarmerie), devraient être effectuées dans les zones et quartiers abritant les principaux lieux de divertissements (restaurants, bars, boite de nuit, etc…), afin de s’assurer de leurs fermetures. Ces patrouilles permettront également de prévenir tout acte de pillage et de vandalisme des commerces.

Position opérationnelle/médicale avancée

Afin de veiller au respect du couvre-feu, des postes opérationnels avancés devraient être montés de manière stratégique dans différents quartiers afin de dissuader d’une part tout éventuel récalcitrant au respect des horaires du couvre-feu. Des rondes conduites par une équipe de trois soldats devraient être réalisées dans un rayon d’un kilomètre maximum.

Afin de s’assurer du respect des déplacements non-autorisés entre Dakar et l’intérieur du pays, ces positions opérationnelles avancées devraient être montés aux abords des principales artères donnant accès à la capitale, à savoir l’autoroute à péage, la voie de dégagement Nord, la Route de Rufisque. Ces trois principaux axes routiers devraient être ainsi en permanence sous le contrôle des Forces impliquées.

D’autre part, ces postes devraient également abriter un ensemble fonctionnel (lits, aide-soignant militaire) destiné à recueillir dans un premier temps des cas de covid-19, a qui seront administrés les premiers soins avant un éventuel transfert dans une zone de quarantaine dédiée ou un centre hospitalier.

Appui logistique

Les Forces de sécurité et défense devraient être en capacité de fournir des moyens logistiques (engins roulants, aéronefs etc…) afin de faciliter l’acheminement des matériels médicaux ainsi que des produits alimentaires aux populations ayant un besoin urgent d’assistance et ce sur toute l’étendue du territoire national.

Par ailleurs, tout personnel soignant appelé à effectuer une intervention d’urgence à domicile devrait être escorté par des militaires.

Contrôle des frontières et déploiement autour des principaux lieux de pouvoir

L’Etat d’urgence sanitaire et la mobilisation étatique et citoyenne qui en découle ne devraient en aucun cas occulter l’occurrence de menaces « traditionnelles » qui pèsent sur le Sénégal , entre autres la menace terroriste. En effet, les groupes armés terroristes (GAT) pourraient bénéficier de l’engouement suscité autour du covid-19 pour mener des attaques d’envergures ou de type « loup solitaire » sur le territoire national. Au mois de mars et avril dernier, des hommes armés non identifiés ont attaqué des commerces à Ziguinchor et à Linguère. Bien qu’aucune perte en vie humaine n’ait été signalée, cet incident met en exergue la nécessité d’un déploiement accru des éléments aux abords des frontières terrestres ainsi que des principaux lieux de pouvoir.

Bien que l’un des rôles fondamentaux du policier ou du militaire sénégalais réside dans le maintien de l’ordre public et la défense de l’intégrité du territoire national face aux agressions extérieures, ces derniers dans l’exercice de ses fonctions reviennent à être constamment exposé au risque de contraction du virus. Ainsi les Éléments lors de leurs déploiements devraient tous sans exceptions être équipés de masques de protection (de type FFP2 de préférence en cas de contact étroit et prolongé avec des cas confirmés de covid-19) ainsi que de gants. A ce titre, la confection par l’atelier couture de l’Intendance des Armées de masques réutilisables en polyester (en raison de 1000 masques par jour) au profit des policiers, gendarmes et soldats, relève d’une initiative tout à fait louable. Par ailleurs, tout véhicule des forces de sécurité  devrait disposer d’au moins un gel hydroalcoolique. Enfin, un Thermoflash pour une prise de température systématique de chaque élément avant tout déploiement.

Aux circonstances exceptionnelles sont adressées des mesures exceptionnelles. Un déploiement accru des forces de défense et de sécurité sur toute l’étendue du territoire national pourrait considérablement heurter la sensibilité de l’opinion nationale et se révéler contreproductif en alimentant davantage la psychose dans l’esprit des populations. Ainsi, l’application de ces différentes mesures sécuritaires devrait être précédée d’une campagne de communication au profit des populations locales afin de les sensibiliser sur les implications d’un tel dispositif sécuritaire.

La réussite de cette riposte reposera en grande partie sur la capacité des populations locales ainsi que des éléments impliqués  à faire preuve de discipline dans leurs interactions respectives.

Il est indéniable que l’apparition du covid-19 a montré l’échec d’un modèle, non uniquement circonscrit au contexte sénégalais, mais bel et bien mondial. A cette phase de gestion de crise succèdera une période post-crise au cours de laquelle un bilan devrait être tiré. Un retour aux fondamentaux devrait être effectué, la santé étant plus que jamais perçue comme étant un bien public universel. L’Etat  devrait ainsi davantage investir dans le domaine de la santé, que ce soit en termes d’acquisition de matériel médical de pointe, de construction de centres hospitaliers opérationnels ainsi que de formation du personnel médical et soignant.

De plus, la doctrine et le concept d’emploi des Policiers, gendarmes et soldats devraient être adapté aux nouvelles menaces auxquelles sont exposées nos sociétés. L’idée de « guerre » revêt plus que jamais d’un aspect multiforme, « l’ennemi » d’hier plus ou moins aisément identifiable apparaît aujourd’hui de moins en moins perceptible, bien que doté d’une capacité de nuisance inédite.

Pape Sané 

Journaliste Spécialisé des questions

de Défense et Sécurité

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